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SALOMÉ CLINIQUE À LA SCALA

par Pierre Brévignon 25 janvier 2023
par Pierre Brévignon 25 janvier 2023

Photo : Brescia e Amisano ©Teatro alla Scala

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Cette nouvelle production de Salomé avait dû être annulée en raison de la pandémie. Capté il y a tout juste un an mais sans public (et retransmis sur la RAI), le spectacle conçu par Daminao Michieletto rencontre cette fois-ci son public.
Décadence sur papier glacé pour le chef-d’œuvre de Strauss…

Les Salomé se suivent et se dissemblent. Il y a quelques semaines, on avait quitté la princesse « si belle, ce soir » dans un remake sanguinolent de Salo à l’Opéra Bastille. De l’autre côté des Alpes, sous les ors du Teatro alla Scala, on la découvre évoluant dans la froideur d’un cube noir et blanc, sorte de non-décor imaginé par Paolo Fantin progressivement souillé à mesure que s’y inscrivent les fantasmes, les cauchemars et les tourments des personnages de ce théâtre de la cruauté. Si l’aspect clinique de l’environnement peut de prime abord décevoir compte tenu des référents visuels opulents rattachés au mythe – les sublimes gravures d’Aubrey Beardsley pour la pièce d’Oscar Wilde n’étant pas les moindres –, la Salomé mise en scène par Damiano Michieletto n’a pour autant rien d’une cosa mentale. D’abord, les métamorphoses du décor à base de sol en pente, portes coulissantes, niches latérales et trappes circulaires au sol et au plafond ont tôt fait d’immerger les spectateurs dans un univers trouble et instable, à l’image de cette société de puissants gangrenée par la pourriture ; ensuite, ce sont bien des personnages de chair, de sexe et de sang qui vont s’y déployer, dans un crescendo de symboles séduisants à défaut d’être constamment lisibles.

On avait eu un avant-goût de cette production – initialement prévue en 2020 mais annulée pour cause de pandémie – grâce à la captation sans public réalisée par la RAI en février 2021. Le découpage télévisuel en gommait l’aspect chorégraphié autant que les interactions entre les personnages. Restitués dans leur globalité scénique, ils transforment cet Einakter en un fascinant ballet mortifère, dans le prolongement de l’Elektra de Robert Carsen à Bastille. Comme son collègue canadien, Michieletto semble convaincu que le dépouillement sied à Strauss.

Convaincu, aussi, que la généalogie de Salomé éclaire son destin et l’acte fou qui scelle sa mort. À l’histoire déjà connue – l’assassinat de son père Hérode Philippe, tétrarque de Judée, par son oncle Hérode Antipas, amant de sa mère Hérodiade –, il ajoute un détail troublant ignoré par Strauss mais présent chez Wilde – Hérode Philippe passa douze ans enfermé dans la citerne où se trouve désormais le prophète Jochanaan – et suggère, par des apparitions de Salomé enfant, la plaie jamais refermée d’un inceste.  Dès lors, la frêle silhouette de la soprano lituanienne Vida Miknevičiūtė (qui en est à sa cinquième incarnation de l’héroïne straussienne, après Vienne, Melbourne, Moscou et Helsinki) prend une signification d’une force redoublée : Salomé n’est pas une tentatrice perverse qui se joue des hommes par sadisme narcissique mais une femme-enfant perdue, violentée, coupée de ses racines. Se justifie alors pleinement la transformation étonnante de la Danse des sept voiles en Danse des viols, par des hommes portant le même masque doré que le beau-père de la princesse. Et lorsque Salomé leur échappe, c’est pour revêtir une robe blanche, souvenir d’une pureté perdue, qui révèle peu à peu d’immenses filaments rouge sang…

Veules et lubriques, les personnages masculins de cette production sont du reste présentés comme interchangeables : Narraboth semble le double émasculé d’Hérode, juifs, nazaréens ou soldats forment une escorte indifférenciée. Et lorsque le prophète à la voix tonnante émerge du puits sombre, semant autour de lui une terre grasse noircissant le sol immaculé, il est autant Jochanaan que le père assassiné de Salomé.

Même indifférenciation chez ces anges blafards aux yeux bandés et aux ailes noires – ces ailes dont Hérode semble entendre les battements funestes – qui viennent régulièrement arpenter le plateau. Officiants muets de ce rituel de mort, ils enserrent les protagonistes dans une toile invisible, et leur présence entêtante créé l’une des visions les plus fortes de cette production. Autre vision marquante, la tête du prophète décapité s’élevant au-dessus du puits, ceinte de rayons d’or, cite explicitement l’Apparition de Gustave Moreau (1876) et contourne avec élégance l’écueil d’un figuratisme gore.

Malgré la violence à l’œuvre dans ce récit, l’élégance pourrait résumer l’approche scénique de Michieletto et de son équipe. Le chant offre, en revanche, des moments impressionnants de raucité tripale. L’instrument de Vida Miknevičiūtė se joue sans effort apparent de l’ambitus exigé par le rôle, et trouve même des accents enfantins dans son monologue halluciné, face à la tête du prophète. Le baryton Michael Volle, fatalement hiératique dans son jeu et déclamatoire dans sa voix, campe un Jochanaan proprement terrifiant, dont l’organe d’airain fait trembler les colonnes du palais autant que l’âme du Tétrarque. L’Hérode de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke partage avec le Narraboth de Sebastian Kohlhepp une projection vocale au service de la théâtralité, mais un timbre assez neutre en couleurs. L’Hérodiade de la soprano anglaise Linda Watson, enfin, séduit par sa présence scénique et une vocalité grandiose, rivalisant sans peine avec la puissance tellurique de l’Orchestre de la Scala. La direction de Michael Güttler, pleine de panache, n’omet aucun détail d’une partition foisonnante, pour ne pas dire suffocante, avec ses cuivres stridents, ses bois enjôleurs, et le velours moiré de cordes fin-de-siècle vénéneuses à souhait. Une belle réussite artistique, loin des outrances de Lydia Steier (Bastille). Meno è meglio…

Le spectacle de Michieletto, capté en 2021, avec une distribution différente
Les artistes

Hérode : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Hérodiade : Linda Watson
Salomé : Vida Miknevičiūtė
Jochanaan : Michael Volle
Narraboth : Sebastian Kohlhepp
Un page : Lioba Braun
Cinq juifs : Matthäus Schmidlechner, Matthias Stier, Patrick Vogel, Patrik Reiter, Horst Lamnek
Deux nazaréens : Jiří Rajniš, Sung-Hwan Damien Park
Deux soldats : Alexander Milev, Bastian Thomas Kohl
Un cappadocien : Matías Moncada
Un esclave : Hyun-Seo Davide Park

Orchestre de la Scala, direction : Michael Güttler

Mise en scène : Damiano Michieletto
Décors : Paolo Fantin
Costumes : Carla Teti
Lumières : Alessandro Carletti
Chorégraphie : Thomas Wilhelm (révisée par Erika Rombaldoni)

 

 

Le programme

Salome

Drame en un acte de Richard Strauss (1864-1949), livret d’après la pièce d’Oscar Wilde traduite en allemand par Hedwig Lachmann, créé au Königliches Opera de Dresde le 9 décembre 1905.

Représentation du 20 janvier 2023.

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Damiano MichielettoMichael VolleVida MiknevičiūtėLinda WatsonMichael Güttler
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Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

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