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Échec à la diva: la compagnie Fatrasse Théâtre ressuscite la « partie de l’opéra » au Grand Festival de Verdun

par Nicolas Le Clerre 22 juillet 2024
par Nicolas Le Clerre 22 juillet 2024

© Grand Festival

© Lô Colmart

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Norma & Caïssa au Grand Festival de Verdun, 20 juillet 2024

La « partie de l’opéra » est un moment inégalé dans l’histoire millénaire du jeu d’échecs. Un soir de 1858, dans une loge d’avant-scène de la salle Le Peletier, trois joueurs venus de Provence, de Prusse et des Etats-Unis disputèrent la partie parfaite tandis que la diva Rosina Penco livrait sur scène une interprétation magistrale de Norma. En 70 minutes, le comédien Florent Finot tient la gageure de nous plonger au cœur de cette folle soirée.

© Fatrasse Théâtre
© Grand Verdun

L’opéra pour les nuls

Une fois tous les deux ans, au cœur de l’été – et pour peu que le soleil soit de la partie – le Grand Festival donne à Verdun et aux rives de la Meuse des faux airs d’Avignon. Le temps d’un long week-end, drainant un public nombreux, c’est une succession ininterrompue de spectacles qui s’enchainent à travers toute la ville dans des lieux parfois insolites. Et si la plupart des rendez-vous consistent en des performances de danse ou d’arts du cirque, quelques-uns s’apparentent davantage à du théâtre et peuvent réserver aux spectateurs de précieux moments cathartiques.

Au cœur de la programmation 2024 du Grand Festival, la pièce Norma & Caïssa constitue probablement la plus inattendue des découvertes, surtout pour les amateurs d’opéra … et d’échecs.

Il n’est pas certain que la centaine de spectateurs qui prend place sur les gradins de pin Douglas disposés autour du praticable en forme d’échiquier, au centre de la cour du collège Buvignier, sache bien à quel genre de spectacle elle vient assister : jeunes enfants, adolescents, enseignants en retraite (ou pas) et parents soucieux d’occuper leurs marmots en les détachant de leurs écrans le temps d’une heure au moins, forment une foule hétérogène à la sociologie mélangée mais réunie par l’envie de partager tous ensemble l’expérience authentique du spectacle vivant.

Dans la plus pure tradition brechtienne qui consiste à abolir le quatrième mur et à brouiller les frontières entre le spectacle et la vraie vie, Florent Finot entame la représentation tandis que le public achève de prendre place. Gouailleur, sympathique comme le bon camarade à l’aise dans toutes les situations, il commence par désamorcer les difficultés du spectacle en expliquant en des termes simples ce qu’est Norma et qui est Caïssa, la déesse du jeu d’échecs.

Une fois la glace brisée, le spectacle peut commencer et Florent Finot – auteur et interprète du texte de la pièce – n’a pas son pareil pour camper l’atmosphère de cette soirée du 21 octobre 1858 où en pleine période autoritaire du 2nd Empire, neuf mois à peine après l’attentat d’Orsini perpétré contre Napoléon III, le tout Paris se presse salle Le Peletier pour entendre Rosina Penco – la créatrice du rôle de Leonora dans le Trovatore verdien en 1853 – interpréter la Norma de Vincenzo Bellini.

De la complexité du livret de Felice Romani, Florent Finot n’élude rien et s’il lui arrive de citer René Goscinny c’est toujours pour retomber sur ses pattes et expliquer qu’Oroveso est à Norma ce que Panoramix est aux aventures d’Astérix le Gaulois !

Tout au long du spectacle, de larges extraits musicaux de Norma sont diffusés dans une grande qualité de son et contribuent à recréer l’atmosphère d’une vraie représentation lyrique : l’ouverture, la cavatine « Casta diva » évidemment, la cabalette de Pollione « Me protegge me difende », le mélodrame du début du IIe acte« Dormono entrambi » et le grand final du bûcher « Deh non volerli vittime » sont empruntés à l’intégrale de studio réalisée en 2013 par Decca avec l’orchestre La Scintilla, Cecilia Bartoli, John Osborn et Michele Pertusi dirigés par Giovanni Antonini.

Pertinemment minutés et parfaitement en rythme avec le monologue du comédien, ces extraits ont chacun une vraie fonction dramatique et appuient le récit théâtral sans jamais lui voler la vedette. Au cœur du spectacle, c’est le moment où Florent Finot évoque les tourments de Norma tentée de sacrifier ses enfants qui bouleverse le plus : agenouillé sur l’échiquier, étreignant deux pions contre sa poitrine, il offre au milieu d’un spectacle plutôt léger – quoique très dense – un vrai moment de tragédie antique débarrassé de tout ridicule. Derrière le jeu du comédien pointe alors le rigoureux travail du directeur d’acteur Vincent Clergironnet.

Philidor, musicien et théoricien des échecs

Norma et la performance de la diva Rosina Penco ne sont toutefois pas les seuls ressorts dramatiques de la pièce de Florent Finot : ce qui tient toute l’intrigue de Norma & Caïssa, c’est l’anecdote authentique d’une partie d’échecs anthologique disputée dans une loge d’avant-scène par le duc Charles II de Brunswick, le comte Isoard de Vauvenargues et le jeune prodige américain Paul Morphy, tous interprétés à grand renfort d’accents et de mimiques impayables par Florent Finot. Passée à la postérité sous le nom de « partie de l’opéra », cette joute autour d’un échiquier est minutieusement reconstituée et expliquée avec un sens hors pair de la vulgarisation.

Aidé par Jessy Ranger qui se révèle tout autant un second comédien que simplement le régisseur du son du spectacle, Florent Finot évolue au milieu de pièces d’échecs géantes qui deviennent, à force de les déplacer de case en case, de véritables partenaires de jeux. Jamais tenu à l’écart de la complexité des stratégies propres au jeu d’échecs, le public se laisse guider par le texte et découvre pour beaucoup la manière dont les pièces se déplacent sur le plateau et la possibilité pour les joueurs de procéder à un grand ou à un petit roque pour mettre son roi à l’abri tout en centralisant la tour.

L’érudition du spectacle n’est cependant jamais ennuyeuse et lorsqu’est évoquée la position de Philidor, un extrait musical vient rappeler que François-André Danican Philidor n’est pas seulement l’auteur en 1749 du traité L’Analyse du jeu des Échecs mais aussi le créateur de l’opéra-comique français et le compositeur de partitions comme Le Soldat magicien ou Tom Jones malheureusement trop peu jouées.

Avec un talent hors pair, les comédiens réussissent enfin à créer un véritable suspens autour de cette « partie de l’opéra ». Sous-tendu par la tension de la musique de Bellini, ce duel autour d’un échiquier crée chez tous les spectateurs – y compris ceux qui ne sont ni amateurs de bel canto, ni joueurs d’échecs – une angoisse que Florent Finot fait monter en délivrant son texte au cordeau et en déplaçant les pièces à la manière des protagonistes d’un grand Cluedo lyrique.

On se gardera bien de divulgâcher l’issue de cette partie d’échec en dévoilant qui des noirs ou des blancs, des vieux Européens ou du jeune Américain, emporte la timbale. Pour le savoir, il faudra aussi assister à une partie de jonglage à six balles, écouter Florent Finot pousser la chansonnette en s’accompagnant à la guitare et mettre ses pas dans ceux d’un jeune accessoiriste dans les dédales de la salle Le Peletier.

Jamais ennuyeuse mais toujours intelligente, la pièce Norma & Caïssa offre donc à ceux qui la découvriront cet été une grosse heure de bonheur musical et de stimulation intellectuelle qui donneront probablement à beaucoup l’envie de (re)découvrir Norma et de se détacher de leur smartphone le temps d’une vraie partie d’échecs.

Après le Grand Festival de Verdun, la compagnie Fatrasse Théâtre redonnera Norma & Caïssa le 31 août à Ay-Champagne, le 14 septembre à Reims, les 21-22 septembre à Pont-à-Mousson et le 5 octobre à Braux-Sainte-Cohières avant probablement d’autres dates en 2025. Première loge encourage les mélomanes et les amateurs d’échecs à s’y rendre en toute confiance.

Les artistes

Fatrasse Théâtre
Écriture, dramaturgie et interprétation : Florent Finot
Mise en scène et direction d’acteur : Vincent Clergironnet
Régie, technique son et accompagnement scénique : Jessy Ranger

Le programme

Norma & Caïssa
Spectacle complet pour un comédien-musicien accompagné par un régisseur complice écrit par Florent Finot d’après des faits réels, créé à Chaligny (Meurthe et Moselle) le 27 mai 2023.
Grand Festival de Verdun, cour du collège Buvignier, samedi 20 juillet 2024

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Florent FinotVincent ClergironnetJessy Ranger
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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