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« Arnaud, as-tu du cœur ? » Au festival de Froville, la valeur n’attend pas le nombre des années  

par Nicolas Le Clerre 29 juin 2025
par Nicolas Le Clerre 29 juin 2025

© Festival de Froville

© Festival de Froville

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Amore langueo, Froville, 19 juin 2025

Emiliano Gonzalez Toro a composé le programme du 28e Festival de Froville avec le talent d’un véritable funambule. Pour le huitième concert de ce millésime 2025, quatre jours après un brillant concert dont le violoniste Renaud Capuçon était la vedette, il avait invité le jeune contre-ténor Arnaud Gluck, encore peu connu du grand public mais d’ores et déjà très prometteur.

Glücklich

Le concert terminé, s’attarder parmi les chèvrefeuilles du jardin d’harmonies, derrière le prieuré, est un des petits plaisirs innocents du festival de Froville. C’est là que se donnent rendez-vous une poignée de festivaliers que la fraicheur du crépuscule n’effraye pas, les bénévoles de l’association organisatrice des concerts et, certains soirs, les artistes eux-mêmes. L’opportunité se présente alors de les aborder, d’échanger avec eux et, lorsque la confiance s’établit, de recueillir quelques confidences.

Une dizaine de minutes seulement après l’extinction des derniers applaudissements du concert, Arnaud Gluck se présente déjà à la grille du cloitre, un simple verre d’eau à la main et le sourire aux lèvres. Avec affabilité et sans une once de fatigue, il est déjà très à l’aise avec ses groupies et répond patiemment à chaque question, moins timide qu’on ne s’y attendait, avec la franchise propre à sa jeunesse.

Les yeux pétillants, il raconte sa participation en septembre 2024 au concours international de chant baroque de Froville et sa fierté d’avoir décroché simultanément le 2e prix du jury et le prix Gemelli Factory qui lui offre l’opportunité d’enregistrer dès la fin de l’été un premier disque avec le label d’Emiliano Gonzalez Toro à paraitre en 2026. Très rapidement, la conversation glisse sur ses projets scéniques et son appétit de participer à des productions lyriques avec décors et costumes : à nouveau, les yeux d’Arnaud Gluck scintillent comme ceux d’un enfant au pied du sapin de Noël. Sans trop se faire prier, il évoque la joie d’avoir participé tout récemment, à Crémone, au Retour d’Ulysse dans sa patrie mais garde malicieusement le secret sur un projet qui doit le conduire prochainement dans un beau théâtre autrichien… Haendel évidemment compte au nombre de ses envies, mais tout vient à point à qui sait attendre. Philosophe, il s’amuse même d’avoir manqué un petit rôle dans une production de Giulio Cesare à cause d’un message malencontreusement arrivé parmi ses pourriels !

Mais ce qui retient surtout l’attention lorsqu’on échange avec lui, c’est l’extrême maturité et le calme olympien de ce jeune contre-ténor. Les artistes en devenir sont habituellement comme un marcheur parvenu au bord d’un précipice : ils voient s’ouvrir devant eux un abîme insondable qui peut leur procurer un irrépressible vertige. Rien de tout cela chez Arnaud Gluck : la solide formation reçue à la Schola Cantorum de Bâle, les leçons de Carlos Mena et ses compétences musicologiques sont autant de points d’ancrage qui lui font appréhender l’avenir avec sérénité et devraient lui permettre de confirmer rapidement l’excellente impression procurée par sa performance de ce soir.

The place to be

Pour son retour à Froville, l’enfant prodig(u)e s’est entouré de deux instrumentistes talentueuses avec lesquelles il forme l’ensemble La Confidence. Unis par une belle complicité, ces trois jeunes artistes ont composé un programme qui reconstitue l’atmosphère d’une soirée musicale dans un palais aristocratique vénitien du seicento.

À cette époque, la révolution musicale initiée par Claudio Monteverdi a permis de faire émerger une nouvelle manière d’exalter les passions et les tourments du sentiment amoureux. En pleine Renaissance, c’est autant dans les Écritures sacrées – et notamment dans le Cantique des cantiques – que dans la littérature gréco-latine que les compositeurs vont chercher l’inspiration pour nourrir toute une veine musicale puissamment sensuelle. Puisque l’Inquisition et la proximité de la cour pontificale préservent Rome de ces débordements licencieux, c’est davantage sur les bords de la lagune vénitienne que va s’élaborer un nouveau répertoire dont les mélodies autant que les textes sont empreintes d’un érotisme puissant.

Intelligemment construit, le programme de la soirée débute par une première partie entièrement consacrée à des compositions sacrées : Grandi, Carlo G., Monteverdi, Rovetta et Caccini sont tous allés puiser l’inspiration dans l’Ancien Testament, à la source du Cantique des cantiques.

Entamé du fond de l’église où Arnaud Gluck était allé se cacher derrière le maitre-autel, la lente plainte de « O quam tu pulchras es » de Grandi donne à entendre dès ses premières notes un timbre angélique, d’une pureté cristalline mais homogène sur toute la tessiture, assez proche de celui du jeune Philippe Jaroussky que nous avions eu la chance d’entendre à Froville il y a une vingtaine d’années au tout début de sa carrière.

Morceau après morceau, on est bluffé par la précision des attaques d’Arnaud Gluck, par la rondeur de ses graves et la délicatesse de son chant en parfaite adéquation avec son physique de sigisbée vénitien. La séduction opère d’autant mieux qu’à partir de « O Maria, quam pulchra es » de Rovetta la voix se chauffe et gagne en projection, emplissant sans difficulté le volume – certes modeste – du prieuré Notre-Dame. Une seule petite imperfection retient néanmoins l’oreille du spectateur charmé : dans la bouleversante déploration « Lasciatemi qui solo » de Francesca Caccini, le trille du contre-ténor chevrote un peu à la manière d’un tic de chant qu’il conviendrait de corriger.

Arnaud Gluck, Alice Letort, Manon Papasergio
« Piangono al pianger mio » (Sigismondo d’India)

Après l’entracte, la seconde partie du programme se compose d’œuvres profanes qui exaltent une forme de sensualité de plus en plus affirmée. Plutôt que de rougir comme une rosière et de chanter les yeux baissés, Arnaud Gluck fait le choix d’entamer le dialogue avec le public, contextualisant les pièces et offrant au passage quelques clés de lecture. Si le malaise d’une spectatrice – heureusement sans gravité – interrompt momentanément le concert, le chanteur ne se laisse pas déconcentrer et, après avoir trouvé des paroles réconfortantes pour la malade, conclut brillamment la soirée par la mélodie endiablée de « È pazzo il mio core » de Strozzi.

Arnaud Gluck, Alice Letort, Manon Papasergio
« È pazzo il mio core » (Barbara Strozzi)

Aux côtés d’Arnaud Gluck, l’ensemble La Confidence assure crânement un accompagnement musical de tout premier choix. Au théorbe et à la guitare baroque, Alice Letort parvient à faire swinguer certaines pièces du XVIIe siècle de manière étonnamment moderne. Dans « Lasciatemi qui solo », l’accompagnement du théorbe tisse des entrelacs musicaux avec la voix du contre-ténor qui sont de véritables enchantements tandis que c’est à la guitare qu’Alice Letort impulse le rythme très allant de la pièce de Monteverdi « Voglio di vita uscir ».

À la viole de gambe et à la harpe, Manon Papasergio est elle-aussi une musicienne superlative qui habite intensément chacun des morceaux qu’elle interprète. Lorsqu’elle joue – notamment de la viole – Manon Papasergio lève les yeux au ciel et tire de son instrument des notes qui ont la pureté d’une prière. En l’observant attentivement, on se prend même à lui trouver une certaine ressemblance avec la Sainte Cécile du Dominiquin conservée au Louvre !

Sous le charme de tant de jeunesse alliée à tant de talents, le public ne ménage pas ses applaudissements et manifeste beaucoup de bienveillance à l’égard de ces artistes en devenir. Il n’est jamais bon d’insulter l’avenir, mais gageons que le nom d’Arnaud Gluck devrait très prochainement s’inscrire en lettres majuscules sur les affiches des grandes maisons d’opéra européennes. En attendant, Première Loge ne saurait qu’encourager ses lecteurs à aller le découvrir et l’écouter dans ce programme Amore langueo à Nîmes (3 juillet), à Sedan (8 juillet) et à Paris (18 juillet). On n’a pas si souvent l’occasion d’accompagner les premiers pas d’un jeune artiste sur le sentier qui conduit à une grande carrière.

Les artistes

Ensemble La Confidence
Arnaud Gluck, Contre-ténor
Alice Letort, Théorbe et guitare baroque
Manon Papasergio, Viole de gambe et harpe

Le programme

Amore langueo 

Johannes Hieronymus Kapsberger (1580-1651), Preludio primo (instrumental)
Alessandro Grandi (1590-1630), O quam tu pulchra es
Carlo G (début du XVIIe siècle), Ego flos campi
Johannes Hieronymus Kapsberger, Toccata settima (instrumental)
Claudio Monteverdi (1567-1643), O quam tu pulchra es
Carlo G, Sub umbra illius
Giovanni Rovetta (1596-1668), O Maria quam pulchra es
Orlanda di Lasso (1532-1594) / Orazio Bassani (vers 1550-1615), Suzanne un jour (instrumental)
Francesca Caccini (1587-1641), Lasciatemi qui solo
Carlo Calvi (début du XVIIe siècle), Canario / Aria di Fiorenza / Corrente (instrumental)
Claudio Monteverdi, Voglio di vita uscir
Giulio Caccini (1551-1618), Torna, deh torna
Girolamo Frescobaldi (1583-1643), Canzona sesta detta l’altera a basso solo (instrumental)
Sigismondo d’India (vers 1582-1629), Piangono al pianger mio
Barbara Strozzi (1619-1677), È pazzo il mio core

Église Notre-Dame à Froville, concert du jeudi 19 juin 2025.

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Manon PapasergioAlice LetortArnaud Gluck
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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