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Toulouse – Le miroir de Thaïs : beauté, tentation et lumière

par Aurélie Mazenq 29 septembre 2025
par Aurélie Mazenq 29 septembre 2025

© Mirco Magliocca

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Thaïs, Opéra national du Capitole, Toulouse, 26 septembre 2025

Aborder Thaïs de Massenet, c’est entrer dans une œuvre où la sensualité se mêle à la spiritualité, où les contrastes du texte se reflètent dans la musique et sur la scène. Cette nouvelle production donnée au Capitole de Toulouse, signée Stefano Poda est une relecture de sa proposition faite à Turin en 2008. Dirigé par Hervé Niquet et porté par un cast cohérent, le spectacle propose une vision à la fois lisible et imagée pour servir la poésie de l’œuvre. 

Une mise en scène poétique et symbolique

Dès le lever de rideau, le spectateur est plongé dans un univers scénique très construit, qui joue sur la continuité entre décors, costumes, lumières et chorégraphie. Stefano Poda signe un travail global où tout est pensé comme un seul langage, à la fois visuel et narratif. L’esthétique est marquée par une beauté onirique, souvent picturale, qui frappe par la précision du détail tout en évitant l’excès décoratif souvent lié à l’orient fantasmé dans ce type d’ouvrages.

La mise en scène accentue les contrastes par des jeux de clair-obscur, de blanc et de noir, qui structurent l’espace scénique sans enfermer les personnages dans des symboles rigides. Au contraire, ce qui se dessine est une alchimie : sensualité et spiritualité s’épousent, se rejoignent et s’entrelacent, jusqu’à faire jaillir une poésie singulière. De la contradiction naît l’exaltation, et dans la rédemption finale, c’est la beauté qui triomphe !

La présence des corps est au centre du propos. Sublimés par des lumières latérales qui sculptent chaque mouvement, ils apparaissent comme des figures à la fois sensuelles et spirituelles. Le nu y est esthétisé, jamais gratuit : il devient signe, parfois christique, parfois incarnation de la tentation, ou encore expression de la vitalité. Le ballet, conçu comme un fil rouge, agit presque en narrateur silencieux, relançant le rythme, guidant le spectateur dans le cheminement des personnages. Les postures figées, les ralentis et les accélérations créent un effet à la fois figé et fluide, une forme de tension qui porte tout le spectacle.

Les références antiques et à Alexandrie s’inscrivent en filigrane. Le fil qui orne costumes et éléments de décors évoque autant celui des Parques tissant le destin que le fil de la pensée. Une boîte tissée stylisée enferme les passions avant de se déplier en croix (tel un patron mathématique), symbole frappant du passage de la contrainte à la transcendance. Les frises, les ailes angéliques, le halo lumineux qui rappelle le phare d’Alexandrie, confèrent à la scénographie une intemporalité qui mêle subtilement différentes époques. On quitte l’orientalisme parfois kitsch du XIXe siècle pour un univers plus épuré et poétique, presque intemporel.

Enfin, la lumière joue un rôle essentiel. Tour à tour diffuse et crue, elle révèle la proximité de la rédemption, sculpte les corps comme des statues grecques, souligne les atmosphères de fête ou les moments de recueillement. Dans la scène finale, où Thaïs s’élève dans une extase mystique, la fumée, l’éclat des projecteurs et les jeux de halos parviennent à rendre visible ce passage entre vie terrestre et lumière divine. Une vraie réussite visuelle !

Musique et voix : entre sensualité et spiritualité

La direction d’Hervé Niquet met en valeur les contrastes de la partition de Massenet, où l’exotisme orientalisant se mêle aux élans intimes. Spécialiste du répertoire français, qu’il défend depuis longtemps avec conviction, le chef connaît parfaitement les subtilités de cette écriture et en révèle toutes les nuances. Sous sa baguette, l’Orchestre national du Capitole déploie une palette chatoyante : cuivres éclatants qui rappellent le faste d’Alexandrie, harpe délicate accompagnant les moments plus intérieurs, cordes nuancées qui soutiennent les effusions lyriques. La célèbre méditation, confiée au violon solo, est rendue avec une poésie simple, sans surcharge. Le chœur, solide et homogène, se distingue autant dans l’austérité initiale que dans l’éclat des scènes collectives, apportant une assise dramatique essentielle.

Côté voix, Athanaël trouve en Tassis Christoyannis un interprète habile. Le baryton exprime la double nature du personnage : religieux austère, sûr de sa foi, mais vite en proie aux visions et aux tentations charnelles. Son chant alterne entre psalmodie et grandes lignes lyriques, donnant une profondeur introspective au rôle. La tension intérieure du moine, son éloquence séductrice, sa chute finale, sont rendues avec justesse, sans excès mais avec un engagement palpable.

Thaïs constitue pour Rachel Willis-Sørensen une prise de rôle hautement symbolique. La soprano avait confié à Christophe Ghristi, directeur du Capitole, son souhait d’incarner ce rôle, et cinq ans plus tard, ce rêve devient réalité. L’histoire se teinte d’un bel écho, puisque la créatrice du rôle en 1894 fut également une Américaine : Sybil Sanderson, muse et amante de Massenet, dont la voix ample et les moyens expressifs avaient inspiré le compositeur dans l’écriture même de l’ouvrage. Cette filiation ajoute une dimension particulière à la soirée.

Le premier acte de Rachel Willis-Sørensen, encore retenu, laisse percevoir une légère tension dans l’aigu, sans doute liée au poids de l’enjeu. Mais très vite, la voix s’épanouit. Elle incarne une beauté froide et inaccessible dans la courtisane adulée, avant de trouver une profondeur nouvelle dans les scènes de repentance. Le médium, riche et charnu, traduit avec justesse la densité du personnage, tandis que la diction française, précise et soignée, témoigne d’un travail approfondi. Sa ligne vocale, soutenue par un legato élégant, épouse le cheminement spirituel du rôle, et la soprano se libère pleinement dans les moments mystiques, jusqu’à l’extase finale. Malgré quelques aigus parfois fragiles, sa présence scénique et la cohérence de son interprétation rendent cette prise de rôle convaincante.

Nicias, confié à Jean-François Borras, apporte une touche plus légère, presque hédoniste. Son timbre lumineux et sa ligne de chant élégante traduisent bien l’adoration sans réserve du personnage pour la courtisane. Dans un rôle ou il a déjà ses repères, sa présence vocale assurée et équilibrée sert à merveille la partition.

Crobyle (Thaïs Raï-Westphal) et Myrtale (Floriane Hasler) forment un duo espiègle et piquant, dont les timbres se marient avec harmonie. Elles apportent une respiration bienvenue, un contrepoint vif aux grandes tensions dramatiques. Palémon, incarné par Frédéric Caton, conserve une autorité vocale solide, même si sa projection se voit parfois couverte par l’orchestre et les chœurs. Enfin, La Charmeuse (Marie-Eve Munger) et Albine (Svetlana Lifar) complètent la distribution avec justesse, chacune trouvant sa place dans cet ensemble équilibré.

 

En définitive, cette Thaïs toulousaine s’impose moins comme une relecture radicale que comme une exploration sensible de l’équilibre entre sensualité et spiritualité. La mise en scène de Stefano Poda, riche en symboles mais jamais appuyée, dessine un univers à la fois poétique et réfléchi, où chaque élément scénique dialogue avec la musique. La direction d’Hervé Niquet, grand connaisseur de ce répertoire, met en lumière la subtilité et la richesse de la partition française avec l’orchestre et les chœurs du Capitole, qui confirment une fois encore leur maîtrise dans ce style. Les voix, solides et nuancées, trouvent leur place dans cette alchimie entre chair et foi, désir et rédemption. Cette proposition cohérente et raffinée à l’esthétique soignée laisse avant tout la poésie de Massenet parler d’elle-même.

 

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Retrouvez notre interview de Rachel Willis-Sørensen ici !

Les artistes

Thaïs : Rachel Willis-Sørensen
Athanaël : Tassis Christoyannis
Nicias : Jean-François Borras
Palémon : Frédéric Caton
Crobyle : Thaïs Raï-Westphal
Myrtale : Floriane Hasler
La Charmeuse : Marie-Eve Munger
Albine : Svetlana Lifar

Orchestre national du Capitole, dir. Hervé Niquet
Chœur de l’Opéra national du Capitole
Mise en scène, décors, costumes, lumières et chorégraphie : Stefano Poda
Collaboration artistique : Paolo Giani

Le programme

Thaïs

Opéra en trois actes de Jules Massenet, livret de Louis Gallet d’après Anatole France, créé le 16 mars 1894 à l’Opéra de Paris.
Opéra national du Capitole de Toulouse, représentation du vendredi 26 septembre 2025.

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Stefano PodaJean-François BorrasTassis ChristoyannisRachel Willis-SørensenHervé Niquet
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Aurélie Mazenq

Tombée depuis seulement quelques années dans la potion magique de l'art lyrique, Aurélie n'a, depuis lors, de cesse de rattraper le temps perdu en sillonnant les plaques-tournantes de l'Europe opératique... à la recherche des grandes voix de demain tout en se consolant par une collection impressionnante de vinyles de ne pas avoir pu entendre celles d'hier voire d'avant-hier...

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