À la une
Se préparer à ROBINSON CRUSOÉ, Théâtre des Champs-Élysées, 03-14 décembre...
Les brèves de décembre –
Nuit napolitaine à Dijon : la tournée d’automne du Concert d’Astrée...
Marie-Laure Garnier et Célia Oneto-Bensaid en concert salle Cortot : Soleil...
CONFIDENZE : Nicolò Balducci et Anna Paradiso redonnent vie aux...
Se préparer à Un ballo in maschera, Opéra de Paris...
Démission de Jean-Louis Grinda, un seul opéra programmé cet été...
In Search of Youkali, mélodies de Kurt Weill par Katie...
L’Opéra de Liège inscrit le CHAPEAU DE PAILLE DE FLORENCE...
ARTEMISIA, par François Cardey et l’Ensemble Agamemnon – Le patriarcat...
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

CD

Jean-Baptiste Lemoyne, PHÈDRE

par Stéphane Lelièvre 28 avril 2020
par Stéphane Lelièvre 28 avril 2020
0 commentaires 1FacebookTwitterPinterestEmail
1,2K

Eh bien, connais donc Phèdre (de Lemoyne), et toute sa fureur !

Les artistes

Phèdre   Judith van Wanroij 
Hippolyte   Julien Behr
Thésée   Tassis Christoyannis
Œnone   Melody Louledjian
Un Grand de l’Etat / un Chasseur   Jérôme Boutillier
La Grande Prêtresse de Vénus   Ludivine Gombert


Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi

Le programme

Tragédie lyrique en 3 actes, créée à Fontainebleau le 26 octobre 1786
Paroles de François-Benoît Hoffman

2 CD Palazzetto Bru Zane, avril 2020

Pour rendre justice à une œuvre de cette qualité,  parfaitement inconnue qui plus est, il fallait absolument réunir une équipe de musiciens à la hauteur de la tâche. Une fois de plus, le Centre de Musique romantique française a remarquablement bien fait les choses !

 

Est-ce l’impressionnante stature de l’héroïne qui tétanisa les compositeurs, ou l’absolue perfection du texte de Racine ? Toujours est-il qu’hormis Rameau et sa tragédie lyrique de 1733 Hippolyte et Aricie (titre d’où, significativement, l’héroïne éponyme de Racine est absente), Ildebrando Pizzetti (Fedra, créée en 1915 à la Scala – et reprise notamment en 1959, toujours à Milan, avec Régine Crespin, ou plus récemment, en 2008, au festival de Montpellier) et Benjamin Britten (Phaedra, cantate créée en 1975), les amours coupables de la fille de Minos et de Pasiphaé auront peu inspiré les compositeurs…

Aussi la redécouverte de la Phèdre de Jean-Baptiste Lemoyne, créée à Fontainebleau en 1786, suscita-t-elle, lors de spectacles donnés en 2017, beaucoup de curiosité… et d’intérêt. Car même dans une adaptation – au demeurant fort habile, de Benoît Dratwicki – pour quatre chanteurs et dix instruments, l’œuvre laissait deviner de nombreuses beautés et un fort pouvoir d’émotion, impression confirmée par certains échos flatteurs venus de Budapest où eurent lieu, en  septembre 2019, plusieurs concerts ayant servi à l’enregistrement ici présenté.

C’est peu de dire que notre attente impatiente n’a pas été déçue…

Le Palazzetto a choisi d’enregistrer l’œuvre telle qu’elle fut créée, c’est-à-dire avec les premières scènes – que Lemoyne supprima rapidement, suivant en cela l’avis de la critique qui trouva le début de l’œuvre un peu languissant –, dans lesquelles on entend Hippolyte (lequel, dans cette version, préfère la compagnie de ses amis chasseurs à celle d’Aricie) adresser une prière à Diane, une marche, des danses religieuses, une autre prière adressée cette fois-ci à Vénus par ses prêtresses… On peut effectivement trouver que l’action tarde à commencer ;  mais on peut aussi trouver que ce début un peu statique offre judicieusement un contraste fort avec la première confrontation entre Phèdre et Œnone, au cours de laquelle la reine avoue à sa suivante l’amour qui la torture (c’est l’équivalent de la scène 3 du premier acte de Racine : « Mon mal vient de plus loin… »). Quoi qu’il en soit, c’est sans doute dans le cadre d’une représentation scénique que l’absence de dramatisme de ces premières scènes pourrait, éventuellement, être gênant…

À ce détail près, le livret de François-Benoît Hoffman est habilement construit : entièrement resserrée autour de quatre personnages seulement (Phèdre, Hippolyte, Thésée, Œnone ; le Chasseur, le Grand de l’État, la Grande Prêtresse ne sont que très secondaires), l’intrigue progresse sur trois actes au lieu des cinq de la tragédie initiale. Les vers de François-Benoît Hoffman s’inspirent de ceux de Racine sans les recopier ni même chercher à les adapter. Tout au plus reprennent-ils ici ou là une formule, une image (le jour souillé par la présence de Phèdre, par exemple), mais l’ensemble constitue une vraie réécriture, dont il serait vain de mesurer la qualité à l’aune de la tragédie classique : tel qu’il se présente, le livret d’Hoffman fonctionne – même si plusieurs tournures très « dix-huitième » donnent à certaines scènes ou certaines répliques un côté « galant » parfois surprenant ! – et offre à peu près tout ce qui fait un bon livret d’opéra : une vraie progression dramatique, des moments d’introspection, des joutes verbales, une alternance de climats très  variés (scènes de fureur, de déploration, prières, …)

Et la musique ? On songe bien sûr plus d’une fois à Gluck pour les couleurs orchestrales et la noblesse de ton, et notamment à une œuvre telle qu’Iphigénie en Aulide en raison d’une certaine liberté formelle : l’œuvre comporte plusieurs pièces « fermées », mais d’autres, également, relevant plus de l’arioso que du véritable aria, et dont le développement semble suivre les mouvements de l’âme plutôt que certaines structures préétablies. L’émotion surgit parfois de récitatifs étonnamment dramatiques plus encore que d’un air, voire d’une simple phrase (telle celle chantée par Hippolyte à la fin de l’acte II : « Mais cachons lui, grands dieux ! cet horrible mystère », à laquelle se superposent celles de Phèdre : « Comment vais-je cacher mes honteuses fureurs ? » et d’Œnone : « Dieux, qu’ai-je fait ? ô ciel, écarte les malheurs ! »). Le rôle dévolu à l’orchestre est de premier plan, notamment lorsqu’il est chargé de renforcer l’expressivité du texte et du chant (les souffrances de Phèdre croyant, dans une hallucination, voir revenir Thésée dans sa belle scène de la fin du premier acte : « Je crois voir… ciel ! je vois le père d’Hippolyte ! », sont autant traduites par le personnage lui-même que par les interventions puissamment dramatiques des cuivres, ou les commentaires torturés des cordes qui doublent ses paroles). Parfois même, étonnamment, l’orchestre dit une vérité que le personnage n’ose mettre au jour : dans sa prière à Vénus (« À mon cœur rends l’espérance »), à laquelle Phèdre, devant ses femmes, s’efforce de donner une couleur sereine, les traits anxieux et haletants des violons semblent trahir son émotion et révéler comme malgré elle les tourments qui la déchirent !

Pierre-Narcisse Guérin, Phèdre et Hippolyte (détail), 1802

Melody Louledjian (entendue cet automne en Laurette dans le Richard Cœur de Lion proposé par l’Opéra de Versailles), est une très belle Œnone (dont le nom dans cet enregistrement est curieusement prononcé [ønɔn] et non pas [enɔn]), digne, touchante, tragique, dont le timbre rond contraste avec celui, plus métallique, de Phèdre. Julien Behr se montre extrêmement à l’aise dans ce répertoire, le rôle d’Hippolyte semblant correspondre parfaitement à ses moyens actuels : la voix, très saine, dont les couleurs rappellent parfois celles d’un Nicolai Gedda, se déploie sans accroc sur l’ensemble de la tessiture, et l’interprète sait donner aux mots leur juste poids. Tassis Christoyannis est bouleversant en Thésée. La caractérisation du personnage est superbe : autorité du roi, fureur du père qui se croit trahi, douleur incommensurable due au remords, tout y est, et tout s’exprime par des moyens musicaux et dramatiques parfaitement mesurés. Le seul récitatif qui ouvre le dernier acte : « Ô jour affreux, ô destin déplorable, / Quelle horreur a souillé ces lieux ! » suffit à faire comprendre l’incroyable talent de l’interprète, capable de modifier la couleur de sa voix pour évoquer le bouleversement ayant eu lieu pendant l’ellipse séparant les actes 2 et 3 ! Et son invocation à Neptune est l’un des très grands moments de l’enregistrement… Judith van Wanroij, enfin, surprend dans un premier temps dans le rôle éponyme : le personnage de Phèdre semble appeler, dans l’imaginaire du spectateur du moins, une voix plus épaisse, peut-être plus richement colorée… Mais on apprend rapidement à aimer cette interprétation : la clarté de la voix permet de saisir le moindre mot du texte, et Judith van Wanroij se révèle être, tout autant qu’une musicienne sensible et rigoureuse, une formidable diseuse : sa Phèdre est d’une authentique tragédienne, et l’interprète offre un parfait exemple de l’équilibre (ou de la fusion) entre texte et musique qui devrait toujours avoir cours à l’Opéra.

Cette Phèdre est donc bien plus qu’une simple curiosité, bien plus qu’un document permettant de mesurer l’évolution stylistique de la tragédie lyrique entre le début et la fin du XVIIIe siècle – soit entre 1733 (Rameau) et 1786 (Lemoyne) : il s’agit d’une œuvre forte, passionnante, et qui subirait à coup sûr avec succès l’épreuve de la scène. La balle est maintenant dans le camp des directeurs de salles…

image_printImprimer
Palazzetto Bru ZaneTassis ChristoyannisJean-Baptiste LemoyneJudith van WanroijJulien BehrGyörgy Vashegyi
0 commentaires 1 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
JEAN CARTAN – Partir avec un idéal
prochain post
PETR NEKORANEC : French Arias

Vous allez aussi aimer...

CONFIDENZE : Nicolò Balducci et Anna Paradiso redonnent...

29 novembre 2025

In Search of Youkali, mélodies de Kurt Weill...

28 novembre 2025

ARTEMISIA, par François Cardey et l’Ensemble Agamemnon –...

26 novembre 2025

CD – Au salon de JoséphineLes plaisirs de...

15 novembre 2025

CD – Psyché d’Ambroise Thomas ? Un joyau !

9 novembre 2025

CD – Die Nacht is vorgedrungen – Noël...

7 novembre 2025

CD – Véronique Gens, Les divas d’Offenbach

21 octobre 2025

CD – Andrè Schuen : MOZART, un arc...

19 octobre 2025

CD – Couperin, Lalande – Leçons de ténèbres

19 octobre 2025

CD – Marc-Antoine Charpentier, Motets 

18 octobre 2025

En bref

  • Les brèves de novembre –

    20 novembre 2025
  • Les brèves d’octobre –

    27 octobre 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

Édito


  • Édito d’octobre –
    « O, mia musica, si bella e perduta… » : quand le cas Venezi révèle un malaise plus profond concernant les arts et la musique en Italie

    2 octobre 2025

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • G.ad. dans Démission de Jean-Louis Grinda, un seul opéra programmé cet été en version de concert… : AVIS DE TEMPÊTE SUR LES CHORÉGIES D’ORANGE
  • Simon De Salmans dans LA WALKYRIE à l’Opéra Bastille : un plateau vocal triomphant !
  • Cacoton dans ROMÉO ET JULIETTE, Gounod (1867) – dossier
  • Patrice ZERAH dans LA WALKYRIE à l’Opéra Bastille : un plateau vocal triomphant !
  • Daouia dans Lucrezia et Les Paladins aux Invalides

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

CONFIDENZE : Nicolò Balducci et Anna...

29 novembre 2025

In Search of Youkali, mélodies de...

28 novembre 2025

ARTEMISIA, par François Cardey et l’Ensemble...

26 novembre 2025