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Édito de novembre – Interrompre les spectacles pour sauver la planète ?

par Stéphane Lelièvre 5 novembre 2022
par Stéphane Lelièvre 5 novembre 2022
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Vendredi 28 octobre, une représentation de La Flûte enchantée, donnée à l’Opéra Bastille, a été interrompue par un militant écologiste. Cette action fait suite à plusieurs autres visant certaines institutions artistiques : avant l’Opéra de Paris, le musée Mauritshuis de La Haye ou encore la National Gallery de Londres ont eux aussi fait l’objet d’actions dénonçant l’indolence et l’inaction des autorités devant le dérèglement climatique et les menaces qui pèsent sur l’avenir de la planète.

© Guergana Damianova / OnP

On ne reviendra pas sur le bienfondé de ces craintes et sur l’urgence qu’il y a à prendre des mesures pour mettre en œuvre des modes de vie et des systèmes de production plus responsables et respectueux de notre environnement : la majorité des lecteurs de Première Loge, des mélomanes, des amateurs d’art en sont, à n’en pas douter, pleinement convaincus. 

Vermeer, La Jeune Fille à la perle (Mauritshuis, La Haye)

On reconnaît volontiers la nécessité de mener des actions médiatisées, voire provocantes, afin d’éveiller les consciences – et les médias, souvent bien assoupis face à ces problématiques essentielles, sauf en cas de catastrophe naturelle spectaculaire, ou de sommet international aux conclusions hélas trop souvent oiseuses… On ne doute pas non plus que l’avenir de la planète importe plus, comme il a été dit par les militantes et les militants écologistes, qu’une représentation d’opéra, une œuvre d’art ou la protection d’un tableau célèbre, fût-il question d’œuvres aussi emblématiques du génie humain que La Jeune Fille à la perle de Vermeer, Les Meules de Monet, Les Tournesols ou Le Semeur au soleil couchant de Van Gogh.

Qu’il nous soit permis, pourtant, de prendre nos distances par rapport à de telles actions, par le biais de trois remarques :

  1. En dépit des efforts déployés par les auteurs et autrices de ces actions, nous n’avons toujours pas bien compris le lien entre la mise à mal d’œuvres d’art et la sauvegarde de la planète (et certains écologistes eux-mêmes ne comprennent pas et condamnent ces actions, tel le député Benjamin Lucas, qui a réaffirmé hier soir sur BFMTV que les écologistes se devaient d’être les défenseurs de la beauté, de l’art, de la culture). Ne peut-on concilier, dans un même monde, la préservation de l’art ET celle de la planète ? Pourquoi cette dernière devrait-elle nécessairement passer par la destruction d’autre chose ? Cette attitude, faite d’agressivité et de violence, nous semble quoi qu’il en soit emblématique du monde d’aujourd’hui et de la façon dont certaines requêtes ou certaines récriminations sont, sans doute trop systématiquement, formulées…
  1. Invariablement ou presque, les revendications, la défense de certains droits se font en effet aujourd’hui de manière exclusivement violente, parfois même haineuse. S’il convient de faire entendre sa voix haut et fort et de se montrer inflexible dans la défense de certaines causes, l’histoire offre les exemples de plusieurs causes gagnées par l’opiniâtreté des combats, l’entêtement, le refus d’obtempérer, la fermeté des positions – sans pour autant recourir à la destruction ni à la violence. L’aspect contreproductif de telles actions ne devrait pas, en tout cas, être négligé par ceux qui les mènent : l’exaspération des spectateurs de l’Opéra Bastille, la colère des amateurs de peinture est compréhensible et légitime. L’art présente en effet un visage bicéphale : s’il permet parfois de s’engager, humainement, socialement, et de défendre certaines causes, il constitue aussi pour beaucoup l’une des rares oasis permettant à chacune et chacun d’échapper, très ponctuellement, aux multiples vicissitudes et agressions du quotidien. Dans un monde où la bienveillance, le calme, le respect sont devenus des denrées rares, il ne faut pas sous-estimer la violence que constitue pour beaucoup la privation de ces instants précieux, essentiels (vitaux ?) offerts par l’art. Aller au musée, au cinéma, au concert, à l’opéra, ce n’est certes pas nier la réalité parfois bien sombre dans laquelle nous vivons. C’est tenir momentanément les problèmes à distance, afin de s’offrir ces rares instants d’oubli et de récupération auxquels chacun a droit, et dont chacun (même un militant écologiste !) a besoin.
  1. Enfin, on ne peut qu’être surpris du choix des institutions et/ou des œuvres concernées par les actions de ces militants. Si l’idée est de gêner, de choquer, d’alerter le plus grand nombre, ne faut-il pas plutôt cibler les événements et manifestations les plus populaires ? Ceux qui ont une visibilité certaine ? Qui bénéficient d’une grande couverture médiatique ? En dehors de la sphère culturelle, il y a bien eu quelques matches de foot interrompus, et une manifestation organisée pendant le Tour de France… Mais globalement, ce ne sont pas l’exposition de street-art de l’Hôtel de Ville de Paris, le musée de la bande dessinée d’Angoulême, le concert des rockeurs de Porcupine Tree au Zénith ou le prime de la Star Ac’ qui sont menacés par ces exactions. Non : la cible semble être, exclusivement, l’art considéré comme « classique » : l’opéra, la peinture (à condition qu’elle soit antérieure à Picasso) ; et si la représentation d’une pièce de théâtre devait être interrompue dans les jours qui viennent, ce serait, à n’en pas douter, Le Roi Lear de Shakespeare ou La Vie de Galilée de Brecht à la Comédie française plutôt qu’Un couple magique de Laurent Ruquier aux Bouffes Parisiens. Les activistes écologistes ont beau jeu d’affirmer qu’ils adorent, bien sûr, La Flûte enchantée ou les peintures de Van Gogh… Tout se passe pourtant comme si, pour eux, les textes, les œuvres musicales, les peintures antérieures au XXe siècle constituaient de manière incontestable et irréversible une forme d’art « bourgeois » ; comme si les musées des beaux-arts, les théâtres « classiques », et pire encore, les opéras étaient réservées à une élite nombriliste, fortunée, centrée sur elle-même, coupée du monde et des ses réalités… Pourtant, à l’Opéra comme ailleurs, on se préoccupe aujourd’hui de diversité, d’égalité ou d’écoresponsabilité… Peut-être pas dans des proportions suffisantes, mais des débats ont lieu, des voix se font entendre, des décisions sont prises… Voyez, à titre d’exemple, les discussions qui ont récemment eu lieu à Rennes dans le cadre de l’opération Opéramorphose ! Et les publics de l’Opéra, de la Comédie française, du Louvre ou du Musée d’Orsay sont infiniment plus diversifiés dans leurs convictions, leurs opinions, leurs sensibilités politiques qu’on ne le croit parfois…

Tout ceci, finalement, est très révélateur d’une part des a priori qui restent ancrés dans certains esprits, et, dans tous les cas, fermement attachés à certaines formes d’art ; d’autre part, des efforts qu’il faut continuer de déployer pour faire savoir aux gens, comme nous le confiait récemment Julie Fuchs dans une interview, que « l’Opéra est déjà ouvert : il faut juste montrer qu’il l’est ! »

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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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