Tosca, Opéra Bastille, 19 décembre 2025
Une représentation caractérisée par le retour d’Elena Stikhina et les débuts parisiens d’Adam Smith
Dans la succession de chanteurs – quatre sopranos, cinq ténors, trois barytons – qui vont se relayer pendant plus de deux mois dans cette reprise de Tosca à l’Opéra Bastille, peut-on véritablement parler de première et de seconde distribution ? La représentation du 23 novembre dernier ayant déjà fait l’objet d’une chronique, ce sont surtout les débuts in loco d’Adam Smith en Cavaradossi et le retour d’Elena Stikhina dans le rôle-titre – après ses prestations du printemps 2019 et de l’automne 2022 – qui nous intéressent ce soir.
Alliant l’élégance certaine de l’acteur à un timbre chaleureux, le premier caractérise son Mario par la justesse de l’accent, dès son premier air, l’assise du legato se conjuguant à l’ampleur non négligeable de l’instrument. La maîtrise de la ligne s’impose aussitôt dans le duo avec sa bien-aimée, cependant que les échanges compulsifs avec Angelotti mettent en relief le contrôle savant des transitions. Habilement négocié, son cri de victoire épouse à merveille les transports désespérés de Tosca. Un phrasé admirable singularise à la fin le récitatif de la mort, avant des adieux très narratifs.
Nous avions déjà recensé la Floria de la cantatrice russe à l’été 2024. Nous nous réjouissions de la réentendre dans des conditions plus traditionnelles que celles qu’offre le plein air des Arènes de Vérone. C’est par une extrême douceur qu’Elena Stikhina conçoit son personnage et ce, dès son appel dans les coulisses : « Mario! Mario! Mario! ». Son irruption dans l’église Sant’Andrea della Valle se distingue ainsi par les enchaînements intelligents des harmoniques, tandis que l’affrontement avec le Scarpia d’Alexei Markov – en plus petite forme qu’en novembre – s’engage d’abord sur des tons émoussés pour s’épanouir ensuite dans le crescendo des aveux. Couronnant son air d’un lyrisme très intimiste, elle sait aisément monter vers la partie haute du registre sans donner de signes perceptibles d’effort. Lors des retrouvailles avec son amant, relevons la belle note prolongée qui darde comme un stylet, de manière à signifier le poignard ayant frappé son tortionnaire. Une belle entente s’établit alors avec son partenaire qui n’hésite pas à recourir au bon vieil expédient de lui serrer la main, bien que le chant partagé ne le justifie pas forcément. Dommage que dans l’épilogue on perçoive comme une légère hâte de conclure : « Com’è bello / il mio Mario! » est mal articulé, de même que le rendez-vous à l’adresse de Scarpia sonne savonné. En cela l’interprète n’est probablement pas aidée par la direction nerveuse d’Oksana Lyniv.
Ovation au rideau final pour tous les artistes. On joue jusqu’au 27 décembre, avant une reprise programmée en mars-avril.
Floria Tosca : Elena Stikhina
Mario Cavaradossi : Adam Smith
Il Barone Scarpia : Alexei Markov
Cesare Angelotti : Amin Ahangaran
Il Sagrestano : André Heyboer
Spoletta : Carlo Bosi
Sciarrone : Florent Mbia
Un carceriere : Bernard Arrieta
Un pastore : Pablo Chagot Di Piero
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris (Ching-Lien Wu)/Maîtrise de Fontainebleau (Astryd Cottet), dir. Oskana Lyniv
Mise en scène : Pierre Audi
Décors : Christof Hetzer
Costumes : Robby Duiveman
Lumières : Jean Kalman
Dramaturgie : Klaus Bertisch
Tosca
Melodramma en trois actes de Giacomo Puccini, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, d’après Victorien Sardou, créé au Teatro Costanzi de Rome le 14 janvier 1900.
Paris, Opéra Bastille, vendredi 19 décembre 2025

