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Scala de Milan – Sérieux, l’opera seria ?

par Renato Verga 10 avril 2025
par Renato Verga 10 avril 2025

© Brescia e Amisano

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Scala de Milan - Redécouverte de L'Opera seria Florian Leopold Gassmann

Un spectacle signé Laurent Pelly drôle et élégant, une distribution quasi parfaite : au final, grand succès et applaudissements nourris d’une salle pleine à craquer !

Mise en abyme et opéra

Il n’est pas paradoxal que le spectateur doive attendre le troisième acte de cet opéra de Florian Leopold Gassmann, précisément celui qui met en abyme un opéra sérieux, pour se divertir : il n’y a rien de sérieux à  l’Opéra, et encore moins dans l’opera seria ! Nous sommes dans le domaine de l’improbable et de l’excès, où la réalité est suspendue, l’histoire devient invraisemblable, la rationalité cède la place à la fantaisie la plus folle.

Maître de Salieri, dont l’ Europa riconosciuta inaugura le Teatro alla Scala en 1778, Gassmann est l’auteur d’une vingtaine d’opéras. Né en Bohême, il s’établit à Venise puis à Vienne, où est représenté en 1769 L’opera seria sur le livret caustique de Ranieri de’ Calzabigi, le librettiste des opéras réformés de Gluck. Un méta-mélodrame, c’est-à-dire une satire dans laquelle l’opéra se moque de lui-même, de ses personnages et de ses conventions, en s’attaquant à la figure de l’impresario de théâtre.

Avec le pamphlet de Benedetto Marcello (Il teatro alla moda, 1720), le méta-théâtre est un sous-genre du répertoire comique qui, au XVIIIe siècle, se définit d’abord dans les intermezzos (La Dirindina, Scarlatti, 1715 ; L’impresario delle Canarie, Sarro, 1724 : Il maestro di Cappella, Cimarosa, 1793), puis dans le dramma giocoso (La bella verità, Piccinni, 1762 ; L’Impresario burlato, Mosca, 1797) et dans la farce en un acte (Che originali, Mayr, 1798). Mozart, avec Der Schauspieldirektor (1786), apporte lui aussi sa contribution au genre, de même que Salieri, la même année, avec Prima la musica poi le parole. Mais le chef-d’œuvre absolu se situe en plein XIXe siècle, avec Le convenienze ed inconvenienze teatrali (1827) de Donizetti. Avec le temps, le genre finira par être relégué à des œuvres mineures comme La cantante, « opérette en prose et en musique pour jeunes filles » de Walter Carlo Graziani en 1899.

L’Opera seria de Gassmann est « un mélodrame au carré », écrit Lorenzo Mattei dans le programme, comme toujours plein de propos intéressants, où l’onomastique prête déjà à rire :  l’impresario s’appelle Fallito, le poète Delirio, le musicien Sospiro, le castrat Ritornello, le maître de ballet Passagallo et les sopranos Stonatrilla, Smorfiosa et Porporina, jusqu’à leurs mères respectives Caverna, Befana et Bragherona. Le premier acte présente le sujet et les personnages avec leurs tics, leurs manies, les rivalités entre les chanteurs, le compositeur et le librettiste, et les prétentions du maître de ballet. Dans le second, on assiste à la répétition de l’opera seria Oranzebe, drame tragique dont le décor et la versification orientaux sont une parodie évidente du théâtre métastasien, même si le titre fait référence à l’Aureng-Zebe (« Restoration drama ») de John Dryden (1675). Ici, le rôle de l’impresario est dévastateur lorsqu’il raccourcit les vers et les refrains, provoquant l’indignation du poète et du musicien et l’agacement des chanteurs. Dans le troisième, nous assistons enfin à la représentation  de l’Oranzebe, bientôt interrompue par l’intempérance du public et la fuite de l’impresario avec la boîte.

Le très élégant spectacle de Laurent Pelly

Coproduit avec le Theater an der Wien, le spectacle a été confié, pour la mise en scène, à Laurent Pelly, qui avait réalisé à Lyon une interprétation inoubliable de Le convenienze ed inconvenienze teatrali de Donizetti. Ici, la musique est bien différente et la dramaturgie plutôt légère, les querelles entre primedonne, compositeur et poète étant répétitives et le texte peu brillant. Surtout, il n’y a pas la Mamm’Agata qui fait une apparition tonitruante dès le premier acte dans l’opéra de Gilardoni et Donizetti. Ici, il n’y a pas moins de trois mères de chanteurs, mais elles n’apparaissent qu’à la fin et dans des rôles limités.

Pelly résout la faiblesse de la dramaturgie avec une grande élégance, en s’appuyant sur une mise en scène d’une précision millimétrique et sur une esthétique visuelle extrêmement raffinée rappelant le noir et blanc de certains spectacles de Ponnelle, tant dans les costumes conçus par Pelly lui-même que dans les décors de Massimo Troncanetti éclairés par les lumières de Marco Giusti, apportant des teintes pastel au gris des vêtements. La scène est presque nue dans les deux premiers actes, avec des portes au fond et sur les côtés et huit serviteurs qui se déplacent selon un mécanisme d’une précision absolue pour porter ou enlever les quelques objets nécessaires : une chaise, une table, un instrument de musique, une lance… Des gestes impeccables qui soulignent la personnalité de chaque personnage : l’orgueil de Stonatrilla, la dépression de Smorfiosa, l’arrogance décomplexée de Ritornello, le stress de Delirio – et puis les trois mères, un ténor et deux contre-ténors en travestis hilarants.

Quant au troisième acte, il constitue un véritable coup de théâtre avec une scénographie peinte comme une toile de jouy « indienne » en nuances de gris : palmiers, arbustes et un gigantesque éléphant qui s’effondre lamentablement sur le sol comme dans Un jour à l’opéra des Marx Brothers. C’est la trouvaille de Pelly pour remplacer l’intempérance du public prévue dans le livret.

En crescendo, il y a aussi la musique qui, après le trio initial « Oh, che bell’opera! Che bella musica! Che stil drammatico! Che stil cromatico! » – le calme avant la tempête -, dès le premier final fait ressortir la rancœur et la jalousie : « Che veleno mi bolle nel petto! Oh teatro! oh mestier maledetto! quanto fiele inghiottire ci fa« . Au deuxième acte, Ritornello insiste pour remplacer Scilla par Sicilia dans son air de style métastasien « Quel nocchier che scioglie a’ venti« , au désespoir du librettiste et à l’amusement du public. Au troisième, les interprètes endossent enfin les rôles prévus dans l’opéra  L’Oranzebe, et interprètent trois arias pompeuses avec daccapo.

Une distribution quasi parfaite

La Scala a, pour cette occasion, réuni une troupe de chanteurs pratiquement parfaite : Pietro Spagnoli, Fallito, évolue avec l’agilité vocale et l’élégante présence scénique dont il a toujours fait preuve ; Mattia Olivieri incarne Delirio avec justesse et équilibre ; Giovanni Sala, compositeur perruque au vent, cédant aux caprices des impresarios et des musiciens, est un Sospiro impeccable, tandis que Josh Lovell, avec sur la tête  une crête quasi punk, est un Ritornello très amusant et vocalement glorieux. De Julie Fuchs, Stonatrilla, on ne pouvait attendre qu’une interprétation impeccable, ce qui fut le cas ; sympathie et vivacité débordante caractérisent la Smorfiosa d’Andrea Carroll et la Porporina de Serena Gamberoni ; le maître de ballet Passagallo consterné est efficacement représenté par Alessio Arduini. Enfin les trois « mammas » sont  incarnés par trois invités de luxe : Lawrence Zazzo pour la Befana , Filippo Mineccia pour la Caverna et Alberto Allegrezza pour la Bragherona. Si l’interprétation musicale s’est révélée impeccable de la part de Christophe Rousset, expert de ce répertoire, placé à la tête de l’orchestre du théâtre augmenté de quelques instrumentistes de ses Talents Lyrique, on pouvait malgré tout en attendre un peu plus de verve…

Comme toujours dans les spectacles de Pelly, le plus grand soin est apporté à la chorégraphie, confiée ici à l’ironie de Lionel Hoche et à l’exécution impeccable de ses danseurs. Au final, grand succès et applaudissements nourris d’une salle pleine à craquer, pour l’un des rares après-midi que le théâtre milanais offre à son public.

————————————————–

Retrouvez sur Première Loge nos interviews de Mattia Olivieri et Julie Fuchs.

Per leggere la versione originale in italiano di questo articolo, cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Fallito   : Pietro Spagnoli
Delirio  : Mattia Olivieri
Sospiro : Giovanni Sala
Ritornello : Josh Lovell
Stonatrilla : Julie Fuchs
Smorfiosa : Andrea Carroll
Porporina : Serena Gamberoni
Passagallo : Alessio Arduini
Bragherona : Alberto Allegrezza
Befana : Lawrence Zazzo
Caverna : Filippo Mineccia
Ballerina : María Martín Campos
Coro di ballerini (soprano) : María Martín Campos
Coro di ballerini (mezzosoprano) : Dilan Şaka
Coro di ballerini (tenore) : Haiyang Guo
Coro di ballerini (basso) :Xhieldo Hyseni

Chœur et orchestre du Teatro alla Scala augmenté de musiciens des Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset

Mise en scène et costumes : Laurent Pelly
Décors : Massimo Troncanetti             
Lumières : Marco Giusti           
Chorégraphie : Lionel Hoche

 

Le programme

L’opera seria

Commedia per musica de Florian Leopold Gassmann, livret de Ranieri de’ Calzabigi, créé à Vienne en 1769.

Scala de Milan, représentation du 6 avril 2025.

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Christophe RoussetJulie FuchsLaurent PellyPietro SpagnoliGiovanni SalaMattia OlivieiriJosh Lovell
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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