À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKY-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduVu pour vousConcert

SIEGFRIED : Heiaho! Haha! Haheiaha! Et la Philharmonie devint Walhalla…

par Frédéric Meyer 6 avril 2025
par Frédéric Meyer 6 avril 2025
© Antoine Saito
2 commentaires 17FacebookTwitterPinterestEmail
2,3K

Les démarches interprétatives « historiquement informées », que l’on s’attend surtout à voir appliquées aux œuvres médiévales, baroques ou classiques, gagnent progressivement le répertoire du XIXe siècle, avec notamment une entreprise menée depuis sept ans sur le Ring de Wagner par Kent Nagano qui, avec ses collaborateurs se propose de renouveler notre approche du cycle wagnérien en renouant avec ce qui, possiblement, caractérisait la prononciation, la  direction d’orchestre, la nature des instruments ou encore la mise en scène à l’époque de la création des œuvres. La démarche est cette fois-ci appliquée à la deuxième journée de la Tétralogie, Siegfried, donné en version de concert ce vendredi 4 avril 2025 à la Philharmonie de Paris.

Le héros éponyme, ce soir, apparaît de prime abord vêtu comme un petit voyou de banlieue au sourire ravageur – qui parvient parfaitement par son jeu de scène à faire croire au tempérament fougueux et juvénile de celui qui, en proie aux interrogations qui l’assaillent, est en quête de son passé. Mais ne nous y trompons pas, le ténor belge Thomas Blondelle est dans ce rôle une révélation (à Paris du moins car on a déjà pu applaudir cet interprète à Nancy dans Manru).  Habitué du chant wagnérien, il a déjà tenu le rôle de Siegfried à Prague sous la direction de Nagano et a reçu un triomphe l’an dernier à la Deutsche Oper dans le rôle de Loge. Ce soir il tient le rôle-titre de cette deuxième journée du Ring, rôle ô combien éprouvant et qui requiert tant. Et il nous tient béats d’admiration devant sa facilité à affronter avec vaillance ces trois actes avec la même ferveur et sans montrer le moindre signe de fatigue. Les moments héroïques ne manquent pas, tels la fin de l’acte 1 où il reforge l’épée brisée et gardée par Mime, tout en chantant d’une façon claire comme le cristal « Nothung, neidliches Schwert! », ou, plus tard, lorsqu’il lance ses  « Hoho! Hoho! Hohei ! » pendant que le feu régénérateur jette ses flammes. Mais on apprécie également dans sa prestation des moments de pure émotion, comme au deuxième acte quand il parcourt la forêt tout en méditant avant de dialoguer avec l’oiseau après avoir tué le dragon. La projection de sa voix au 3e acte quand il invoque Brunhilde (« Erwache! Erwache! Heiliges Weib! ») est phénoménale tant sa puissance, couvrant tout l’orchestre avec naturel, emplit toute la Philharmonie. On en frissonne encore !

Le rôle de Mime est tenu par Christian Elsner. On doit ici avouer notre déception. Si le chanteur a à son répertoire Siegmund et Parsifal, il était le seul ce soir à lire la partition, donnant l’impression qu’il déchiffrait et découvrait sa partie  tant la plupart de ses gestes semblaient peu adaptés au texte.  Par ailleurs, sa façon de chanter le rôle d’un ton professoral convainc peu. Dommage, car la voix est incontestablement belle, mais il y manque définitivement cette pointe de perversité et de malice que savaient si bien distiller un Graham Clarke ou un Heinz Zednik  sans parler de Paul Kuën.

Derek Welton, baryton australien, est aguerri aux rôles wagnériens. Il a chanté Klingsor à Bayreuth et fut déjà, il y a trois ans, Wotan dans le Rheingold de la Deutsche Oper. Ici, il maîtrise totalement le rôle de Wotan qu’il chante sans partition tout en parcourant la scène, en pleine interaction avec ses partenaires.  Son chant évoque parfois, par la qualité de son legato, l’immense James Morris. Malgré quelques limites dans les aigus, la voix est forte et puissante. Son imprécation à Erda au début de l’acte 3 est particulièrement impressionnante. Un grand moment aussi que cet affrontement avec Mime à l’acte 2 où il finira par obtenir la tête de ce dernier, long dialogue où la ligne mélodique, tout en retenue, est parfaitement maîtrisée.

L’Autrichien Daniel Schmutzhard, déjà remarqué dans les Meistersinger à Bayreuth en 2019, s’implique totalement dans le personnage d’Alberich, vocalement et physiquement (ses mimiques, comme il se doit, font froid dans le dos !) Avec son timbre sinistre et noir à souhait, malgré un rôle court,  il est une des voix marquantes de cette soirée.

L’opéra n’est peut-être pas le genre de prédiction de Gerhild Romberger, mais Erda est un rôle qui lui convient bien. Elle l’a déjà abordé en 2023 dans une production de Rheingold, déjà avec le concerto Köln sous la direction de Nagano. Dans ce très court rôle, la voix est fort belle, par moments métallique. Mais elle arrive à insuffler parfaitement l’émotion de son personnage.

Fafner est ici campé par Hanno Müller-Brachmann, baryton-basse allemand. Il chante tout son rôle derrière l’orchestre en se servant d’un gigantesque cône porte-voix, avant de le laisser et de rejoindre le devant de la scène au moment de sa mort. La voix amplifiée de cette façon est un peu déroutante (mais sans doute s’agit-il d’un procédé utilisé à l’époque de la création de l’œuvre ?) et on a du mal à bien en apprécier tous les contours.

L’oiseau est superbement chanté par un tout jeune garçon du Tölzer Knabenchor. Malgré son jeune âge, il chante naturellement, mêlant justesse et puissance. Tonnerre d’applaudissements amplement mérités au moment des saluts. Dommage que son nom ne figure pas dans le programme.

La soprano suédoise Åsa Jäger est une des grandes chanteuses wagnériennes du moment. Brünnhilde est depuis des années un des rôles qu’elle affectionne particulièrement. Son  aisance à projeter sa voix est extraordinaire. Les premiers mots qu’elle prononce, « Heil dir, Sonne! » sont d’une admirable pureté cristalline et d’une bouleversante puissance.  Le dernier duo de l’Acte 3 où elle rivalise de puissance avec Siegfried avant le dernier tutti final est admirable de grâce et de beauté et tire les larmes.

Le Concerto Köln et le Dresdner Festpielorchester, sous la baguette de Kent Nagano, sont littéralement fabuleux et mériteraient à eux seuls une critique entière. Comment ne s’en tenir qu’à certains moments ? On retiendra pourtant les préludes des actes 1 et 2 où les pupitres sont tout en nuances, aussi bien pour évoquer la forge de Mime que la forêt où sommeille le dragon Fafner ; mention spéciale aux contrebasses (placées à gauche), et aux violoncelles qui sont d’une grande beauté. Le prélude de l’acte 3 est hallucinant de puissance et de précision. Un intermède plutôt bien agencé que celui où Siegfried est censé joué du pipeau pour réveiller le dragon et où le hoboïste debout dans l’orchestre fait semblant de jouer faux devant lui. Essentiels dans Wagner, les pupitres de cuivre furent tous remarquables et recevront un triomphe lors des derniers saluts.

Un grand merci au maestro Nagano pour son immense travail qui nous a permis de vivre ces instants, tout en découvrant au fil de notre écoute de nouvelles sonorités que nous n’avions pas l’habitude d’entendre. Triomphe absolu et rappels sans nombre pour tous, de la part d’une salle debout criant son bonheur après ces quatre heures de musique. Heiaho! Haha! Haheiaha! Et la Philharmonie devint Walhalla !

Les artistes

Siegfried : Thomas Blondelle 
Mime : Christian Elsner 
Der Wanderer : Derek Welton 
Alberich : Daniel Schmutzhard 
Fafner : Hanno Müller-Brachmann 
Erda : Gerhild Romberger 
Brünnhilde : Åsa Jäger 

Dresdner Festspielorchester, Concerto Köln, dir. Kent Nagano

Le programme

Siegfried

Opéra en 3 actes de Richard Wagner, créé le 16 août 1876 à Bayreuth.

Version de concert donnée à la Philharmonie de Paris le vendredi 4 avril 2025.

image_printImprimer
Thomas BlondelleKent NaganoDerek WeltonÅsa Jäger
2 commentaires 17 FacebookTwitterPinterestEmail
Frédéric Meyer

2 commentaires

Rogelet 6 avril 2025 - 12 h 11 min

Jolie critique pour un concert auquel je n’ai pas assisté. Ca donne envie. Merci.

Répondre
Paris 7 avril 2025 - 1 h 40 min

Si sur le fond je suis d’accord sur la qualité de ce concert et le bonheur d’avoir été présent dans la salle, pour tout dire ce Siegfried m’a emballé ; cette recension comporte toutefois des inexactitudes : les deux seuls à chanter par cœur étaient Gerhild Romberger et Derek Welton (Wotan très noble, que je n’ai pas trouvé limité dans les aigus mais dont les notes graves manquaient peut-être un peu de consistance) , tous les autres avaient une partition soit papier, soit électronique). Par ailleurs l’instrumentiste (en effet plein de fantaisie) qui faisait le « pipeau  » de Siegfried était le cor anglais. L’orchestre a été magnifique, en particulier le pupitre d’alto très sollicité dans les actes 1 et 2, et les cuivres ont été brillants même si le premier cor (naturel) a eu 2 ou 3 petits accrocs. Le cône porte-voix de Fafner est d’époque et pas une fantaisie du maestro Nagano. Une exécution dynamique, jamais lourde, infiniment musicale. Ces quatre de musique sont passées bien trop vite. Je prévois d’aller à Cologne ou Dresde l’an prochain pour die Götterdämmerung s’ils ne viennent pas à Paris.

Répondre

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Scala de Milan : Création du NOM DE LA ROSE –
Rencontre avec le compositeur Francesco Filidei
prochain post
Marseille au pays de Sigurd

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025