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SOMBRES ÉCLAIRS SUR L’OPÉRA COMIQUE…

par Pierre Brévignon 3 novembre 2021
par Pierre Brévignon 3 novembre 2021
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Crédit photos : © S. Brion

Où notre chroniqueur invente le terme de « biopéra »...

Qu’elle soit chambriste, instrumentale, symphonique ou vocale, la musique de Philippe Hersant tisse de longue date un dialogue étroit avec la littérature, avec un tropisme certain vers le romantisme Mitteleuropa et le gothique anglo-saxon. Ses deux premiers opéras, Le Château des Carpathes (1991) et Le Moine noir (2005), adaptaient respectivement un roman de Jules Verne et une nouvelle d’Anton Tchekhov. Son troisième, commande de l’Opéra Comique donnée hier en création mondiale, a pour librettiste le romancier Jean Echenoz et pour matériau son propre livre Des éclairs (2010), biographie romancée du génial inventeur Nikola Tesla (1856-1943). Philip Glass s’était intéressé à Eadweard Muybridge (The Photographer, 1982), John Adams à Robert Oppenheimer (Doctor Atomic, 2005) et Nico Muhly à Alan Turing (Sentences, 2015). Au tour de Philippe Hersant, donc, de brosser le portrait d’une autre figure majeure de la science moderne.

Curieusement sous-titré « drame joyeux », en référence au dramma giocoso de Don Giovanni, ce nouvel opus ne prête pourtant guère à rire ou à sourire : le destin de Tesla, rebaptisé ici d’un kafkaïen « Gregor », est on ne peut plus sombre. Cet ingénieur, dont le nom est tiré aujourd’hui de l’oubli par la grâce d’Elon Musk et de ses voitures électriques, offrit des avancées décisives au XXe siècle (notamment la transmission de l’énergie électrique par courant alternatif) mais mourut pauvre et méconnu faute d’avoir partagé le même instinct commercial que ses grands rivaux, au premier rang desquels Thomas Edison.

Où se niche donc cette « joie » qu’Hersant distingue, dans les notes de programme, de la gaieté ? Tout d’abord, dans une écriture orchestrale raffinée, portée par une vitalité motorique, bien dans l’esprit de cette Amérique en pleine gloire industrielle où débarque Gregor au début de l’opéra. Si la partition évoque plus d’une fois le minimalisme généreux de John Adams, on apprécie également les sortes d’arrêt sur image que constituent les inclusions de musique folklorique ou populaire (spiritual « Go Tell It On The Mountain », danse slave, citation de la Symphonie du Nouveau Monde ou écho de la la fameuse série de Rencontres du troisième type dans une scène où Gregor prétend entrer en communication avec des extraterrestres). Ce continuum musical révèle toute son efficacité dans les articulations des nombreux épisodes, agencés dans un montage tantôt cut, tantôt sous forme de fondus enchaînés voire de montage parallèle (scène 3 de l’acte IV, lorsque musique et scénographie partagent dans le même espace-temps la réclusion de Gregor et le triomphe d’Edison).

Le plateau vocal, d’une belle homogénéité, offre toutefois moins de points saillants que la partition orchestrale. Il est vrai que cette conversation en musique d’obédience janacekienne se garde de tout morceau de bravoure. Jean-Christophe Lanièce met son baryton aigu au service d’une caractérisation tout en oxymore de ce dandy asocial de Gregor/Tesla ; André Heyboer campe un Edison rageur et impitoyable, notamment dans une terrifiante scène de chaise électrique ; Jérôme Boutillier incarne un financier sans états d’âme, prompt à lâcher son protégé dès qu’il sent tourner le vent de sa fortune ; François Rougier prête sa voix de ténor à Axelrod, mécène et ami de Gregor, sans doute le personnage masculin le plus intéressant de la distribution – témoin impuissant de l’amour naissant de son épouse pour son protégé. Personnage absent du roman d’Echenoz, Betty la journaliste du New York Herald vient faire le trait d’union entre les hommes du récit mais le timbre d’Elsa Benoit nous a semblé un peu léger pour véhiculer la combativité de son personnage comme ses moments de doute ou de lassitude ; à l’inverse, la mezzo Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, dont on a pu récemment apprécier les talents de tragédienne dans The Rape of Lucretia de Britten par l’Académie de l’Opéra de Paris, nous a enthousiasmé par l’humanité vibrante qu’elle confère à Ethel, amoureuse sans espoir mais non sans opiniâtreté.

La production scénique offre un écrin particulièrement soigné aux épisodes de ce qu’on qualifiera de « biopéra » (comme le 7e Art parle de « biopic »). Dans un noir et blanc moins cinématographique que graphique tout court (on songe au travail de Tardi illustrant Voyage au bout de la nuit), le décor et les costumes des personnages multiplient les citations de l’Americana : passerelle de paquebot, skyline de New York, escaliers de secours façon West Side Story, photos de Walker Evans ou de Charles Clyde Ebbets (l’iconique Luch In The Sky) en passant par l’effrayante chaise électrique de Warhol. Seules se voient parées de couleur les deux protagonistes féminines du récit, Betty et Ethel, qui tour à tour se disputent les faveurs de l’ingénieur. Mais ce dernier ne semble capable d’éprouver l’amour que pour ses machines ou pour les oiseaux, ses « alliés singuliers ». C’est du reste sous leurs auspices que s’ouvre et se clôt le récit de ce destin hors-norme, des cris des mouettes saluant l’arrivée de Gregor dans le port de New York aux roucoulements des pigeons, devenus seuls témoins de sa déchéance.

La mise en scène de Clément Hervieu-Léger a le mérite de rendre constamment lisibles les interactions entre les personnages, et de faire un sort à chaque figurant ou rôle d’arrière-plan – et ils sont nombreux. Ultime louange enfin à l’Ensemble Aedes, dont les choristes animent avec talent et ferveur les tableaux de ce biopéra attachant.

Les artistes

Gregor : Jean-Christophe Lanièce
Ethel Axelrod : Marie-Andrée Bouchard-Lesieur 
Norman Axelrod : François Rougier 
Betty : Elsa Benoit 
Edison : André Heyboer 
Parker : Jérôme Boutillier 

Membres du Chœur Aedes

Chœur Aedes (dir. Mathieu Romano), Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Ariane Matiakh

Mise en scène : Clément Hervieu-Léger
Collaboratrice artistique : Frédérique Plain
Décors : Aurélie Maestre
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumières : Bertrand Couderc

Le programme

Les Éclairs

Drame joyeux en quatre actes de Philippe Hersant sur un livret de Jean Echenoz d’après son roman Des Éclairs (Éditions de Minuit, 2010). Commande de l’Opéra Comique. Création mondiale.

Représentation du 2 novembre 2021 (première mondiale), Opéra-Comique (Paris).

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Marie-Andrée Bouchard-LesieurJérôme BoutillierPhilippe HersantJean-Christophe Lanièce
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Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

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