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CD – Saint-Saëns : une oubliable Déjanire ?

par Marc Dumont 28 avril 2024
par Marc Dumont 28 avril 2024
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Les artistes

Déjanire : Kate Aldrich 
Hercule : Julien Dran  
Iole : Anaïs Constans 
Philoctète : Jérôme Boutillier  
 Phénice : Anna Dowsley 


Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, dir. Kazuki Yamada

Le programme

Déjanire

Tragédie lyrique en 4 actes de Camille Saint-Saëns, livret du compositeur d’après une tragédie de Louis Gallet (inspirée de Sophocle), créée au Théâtre de Monte-Carlo le 14 mars 1911.

2 CD Palazzetto Bru Zane (Coll. « Opéra français », premier enregistrement mondial), avril 2024 (enregistré du 12 au 16 octobre 2022 à l’Auditorium Rainier III, Monaco)

Faut-il exhumer tous les opéras de Saint-Saëns ? Pour les éditions du Palazzetto Bru Zane, la réponse est claire : c’est oui. Voilà ce qui s’appelle faire œuvre patrimoniale. Dans la série consacrée à l’opéra français, il y avait déjà eu La Princesse jaune (1872), Le Timbre d’argent (1878), Phryné (1893), Les Barbares[1] (1901). Après un concert monégasque donné le 16 octobre 2022 parait donc cette Déjanire – non l’originale de 1898, mais la version retravaillée en opéra en 1911.

1898, ce fut la création de Déjanire aux Arènes de Béziers par l’antiwagner français, Saint-Saëns le méditerranéen. Mais dans une forme particulière puisque le texte n’est pas mis en musique mais déclamé.

Saint-Saëns dirige Déjanire en 1898 à Béziers
(Théâtre des Arènes)

1911, c’était la reprise de l’œuvre retravaillée, et création de l’opéra Déjanire, le dernier du compositeur, souvent oublié dans les biographies qui lui sont consacrées. Cette « musique puissamment évocatrice », comme le notait alors Gabriel Fauré, est donnée à l’Opéra de Monte-Carlo. Déjà, en 1904, Saint-Saëns avait dédié son Hélène au Prince de Monaco. Il est donc logique, plus d’un siècle après, que pour cette recréation discographique, l’œuvre soit confiée au chœur de cet opéra et à l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, superbement dirigé par Kazuki Yamada. Disons de suite que les instrumentistes s’y montrent en accord avec la puissance de la partition[2] et la conduite du chef qui insuffle une vraie tension dramatique et de vrais moments poétiques, comme lors des préludes orchestraux des actes II et III. Quant au chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, il est impressionnant (« Comme la Ménade en délire », à l’acte I) mais peu flatté par l’écriture de Saint-Saëns qui le confine pour l’essentiel dans des pages tonitruantes.

BnF - Gallica

Quelle étrange histoire… Déjanire plonge chez Sophocle. Quatre actes, d’une petite demi-heure, pour une action ou la vengeance amène la perte d’Hercule : Il a choisi d’épouser Iole, dont il a tué le père. Mais Iole aime Philoctète, confident d’Hercule, qui décide de supprimer son rival. Iole accepte donc le mariage pour sauver celui qu’elle aime. Mais voilà : Hercule est déjà marié – à Déjanire. Pour se venger, elle lui fait offrir par Iole la fameuse tunique de Nessus. Imprégnée du sang du centaure, elle brûle le héros dont le père, qui n’est autre que Jupiter, intervient in fine et l’emporte vers l’aréopage des dieux. Si elle n’est pas dépourvue de beaux moments (l’intervention d’Iole à la fin de l’acte II, le monologue de Déjanire au troisième acte…), la partition est pour le moins inégale, avec ses chœurs martiaux, ses airs en panne d’inspiration, son instrumentation manquant parfois de légèreté et surtout d’invention – le prélude de l’acte IV en est une caricature. C’est l’écriture de Saint-Saëns qui est ici en question, reprenant ses repères habituels tout en se refusant à creuser la modernité. Ainsi, le début du monologue d’Iole à l’acte II semble venir de quelque moment de la Mélisande debussyste avant de retrouver des harmonies lyriques moins aventureuses quoique capiteuses dans la voix de la soprano Anaïs Constans, superbe de ligne de chant avec de purs aigus filés (mais une diction perfectible). Le duo Hercule-Déjanire qui suit, puis celui entre Hercule et Iole, sont bien loin de l’inspiration du duo de Samson et Dalila. Ici, l’on perçoit un soupçon d’influence de Massenet ou Delibes, là de rares effluves wagnériens, mais partout, la déclamation nous rapproche du modèle hérité de Gluck, ce qui ne fraye guère avec la modernité de ce début de vingtième siècle… Les appels de cuivres, les scènes chorales pompeuses (fin des actes II et III) ne préfigurent-ils pas plutôt les musiques de péplum ? Le sujet lui-même appartient à un monde passé, celui qui mettait, de Monteverdi à Lully, de Gluck à Berlioz, la mythologie sur scène. Saint-Saëns a-t-il pour autant « réinventé la tragédie à l’antique », comme l’évoque la contribution de Sabine Teulon Lardic ? Rien n’est moins sûr. Il manque un souffle, une unité – une véritable inspiration renouvelée.

Mais les chanteurs défendent au mieux cette recréation. La mezzo-soprano Kate Aldrich campe une Déjanire habitée d’une jalousie funeste. D’une vraie vaillance, dès son apparition furieuse au premier acte, la voix mordorée est ample, incarnant l’amoureuse délaissée avec conviction. Son grand air de l’acte III la voit triompher des multiples épreuves de la partition, bien que la clarté de la prononciation ne soit pas toujours au rendez-vous – et cela s’entend dès le premier duo avec la Phénice de l’autre mezzo, Anna Dowsley, à la belle voix sombre. L’Hercule du ténor Julien Dran impressionne et rayonne, comme dans son superbe air du quatrième acte, malgré quelques aigus parfois poussés. Et le Philoctète du baryton Jérôme Boutillier est confondant d’autorité et de présence. Ajoutons que le livret proposé n’en est pas un : comme toujours dans ces éditions coordonnées par Alexandre Dratwicki, il s’agit d’un vrai livre aux articles éclairants, avec documents d’époque, autour une œuvre bien oubliée jusqu’ici. Devait-elle le rester ?

—————————————————————-

[1] Cet opéra au ton franchement anti-germanique fut le premier de la série « Saint-Saëns » à faire l’objet d’un enregistrement, il y a dix ans, sous la baguette de Laurent Campellone chez le même éditeur.

[2] Si ce ne sont quelques étranges problèmes de justesse dans les cordes à l’acte II (CD 1, plage 13 à 4’55) ou III (CD 2, plage 1 à 1’30)…

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À lire aussi :

  • Notre interview de Jérôme Boutillier ;
  • « Les trois Dran : ténors de (grand-)père en (petit-)fils »;
  • « Jérôme Boutiller, Julien Dran : les frères en art » ;
  • Notre feuilleton sur « Saint-Saëns et l’Opéra »: épisode1, épisode 2, épisode 3.
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Julien DranJérôme BoutillierAnaïs ConstansKate AldrichKazuki Yamada
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Marc Dumont

Passionné par l’Histoire et la Musique, Marc Dumont a présenté des centaines de concerts et animé de multiples émissions à Radio France de 1985 à 2014. Il se consacre à des conférences et animations, rédige actuellement un livre où Musiques et Histoire se croisent sans cesse, et propose des « Invitations aux Voyages », qui sont des rencontres autour de deux invités, en vidéo.

1 commentaire

Teulon Lardic 16 mai 2024 - 18 h 17 min

Merci à Marc Dumont de détailler les enjeux de cet opéra atypique de la Belle Epoque.
Je reviens juste sur la citation convoquée : Saint-Saëns a-t-il pour autant « réinventé la tragédie à l’antique » ? Oui … dans la version initiale de 1898 ! Celle qui fait précisément l’objet de mon article du programme de CD. Soit une oeuvre hybride dans laquelle les rôles sont confiés aux tragédiens et tragédiennes (du parlé), tandis que seul le choeur et le coryphée chantent, avec un immense orchestre sur la piste des arènes de Béziers.

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