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Édito de mai : « Je me souviens… »

par Stéphane Lelièvre 1 mai 2020
par Stéphane Lelièvre 1 mai 2020
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  « Je me souviens… »

Le temps est à l’introspection, aux souvenirs, à la nostalgie… Les rédacteurs et rédactrices de Première Loge se remémorent l’époque heureuse où les artistes enchantaient leur quotidien, et forment des voeux pour que l’art et la culture puissent de nouveau, très vite, occuper toute la place qui leur revient. 

Je me souviens de Jill Clayburgh, sublime mère incestueuse, chantant (avec la voix de Gabriella Tucci) la dernière scène d’Un Ballo in Maschera dans les Thermes de Caracalla, à la fin de La Luna de Bertolucci (1979).

  • Je me souviens d’avoir profité d’une place vacante à côté de Patrick Poivre d’Arvor pendant la première partie de Don Carlos au Châtelet, place que Claire Chazal est venue occuper après l’entracte (et le JT).
  • Je me souviens d’un suraigu cristallin, d’une fragile silhouette en sari bleu nuit et d’un grand mandala de fleurs orangées. Natalie Dessay reprenait à Nancy la production de Lakmé qui l’avait vue triompher à l’Opéra-Comique.

Je me souviens d’avoir préféré, un soir, faire l’impasse sur un devoir de maths pour apprendre par coeur l’air du Catalogue de Don Giovanni (par Salvatore Baccaloni dans la version Busch/Glyndebourne 1936). J’ai eu zéro en maths mais découvert à cette occasion qu’en italien, gli se prononce li.

Je me souviens de ma mère, simple mélomane au bon sens inébranlable, en sanglots à la fin de La Petite Fille aux allumettes d’Helmut Lachenmann…

Je me souviens d’avoir traîné ma femme (et moi-même, d’ailleurs) à Sarrebruck pour voir Peter Grimes dans la mise en scène de Brigitte Fassbaender, et que notre émotion a été entièrement submergée par le formidable boeuf wagyu dévoré après le spectacle…

 

 

 

 

Je me souviens d’une soirée au Théâtre du Châtelet (pour écouter Wozzeck par Jeffrey Tate) où mes pires ennemis furent, à ma gauche, un pilier, et à ma droite un spectateur à la coupe afro.

  • Je me souviens d’avoir pleuré en voyant ma mère manger un sandwich au jambon, au retour d’une représentation de La Vie parisienne, parce que ne pouvais concilier cette réalité prosaïque avec la magie de mon premier spectacle lyrique.

Je me souviens d’avoir esquissé trois pas de danse sur le parvis de Garnier en sortant d’une représentation de Platée au printemps 1999.

  • Je me souviens de n’avoir longtemps pu dissocier l’écoute du presque trop suave « Leise, leise » du Freischütz par Elisabeth Grümmer d’un plat de pâtes à la crème presque trop succulent, dégusté deux jours de suite à Mantoue.

Je me souviens d’avoir eu une indigestion causée par des abricots secs après en avoir mangé un paquet entier tout en regardant Atys à la télévision, le mercredi 30 décembre 1987, entre 20h30 et 23h45.

Je me souviens d’avoir tout fait pour mémoriser le duo « Piangi, fanciulla » que je venais tout juste d’entendre chanté par Renato Bruson et Barbara Hendricks, y être parvenu pendant quelques jours, constater avec frayeur que le souvenir s’en estompait avec le temps, et avoir couru à la FNAC aux vacances de la Toussaint pour m’acheter l’intégrale de Rigoletto…

  • Je me souviens de mon premier spectacle lyrique, vu à l’âge de 8 ans : La Mascotte d’Audran à l’Opéra Avignon, et notamment de ma stupéfaction amusée en voyant, à l’entracte, un balai dépasser du rideau de scène : quelqu’un était en train d’ôter la paille qui jonchait le plateau à l’acte précédent !
  • Je me souviens de François Le Roux en larmes, s’excusant de ne pouvoir chanter un bis après de bouleversants Kindertotenlieder.

Je me souviens des ors fanés de la salle Poirel, d’un programme de lieder de Richard Wagner un peu austère mais de la jubilation d’entendre enfin Gundula Janowitz sur scène après avoir tant écouté sa Sieglinde dirigée par le Maestro Karajan.

  • Je me souviens de la première mise-en-scène lyrique d’Olivier Py (Der Freischütz à l’opéra de Nancy en 1999), d’une partie du public quittant la salle après le tableau de la Gorge aux Loups et de son air crâne au rideau final, sous les sifflets de ses détracteurs.

© Pierre Grosbois / Opéra Comique

Je me souviens, en janvier 1987, d’avoir couru au métro pour acheter une place à l’Opéra Comique après avoir lu la critique de Télérama concernant une recréation : celle d’Atys.

Je me souviens de l’entracte d’Atys : les défections au premier balcon étaient si nombreuses qu’il était facile de trouver une place royale !

Je me souviens, le lendemain de cette représentation, être retourné acheter deux autres places, parmi les dernières restantes, bien plus mal situées : le succès avait fait son chemin.

Je me souviens, quelques jours après, m’être levé à 4h du matin pour aller faire la queue devant l’Opéra Garnier afin d’avoir une chance d’acheter, de nombreuses heures plus tard, deux places pour entendre chanter Luciano Pavarotti dans La Fille du régiment.

  • Je me souviens d’une représentation de Manon à Bastille en 2004 et de l’intime conviction qu’Alexia Cousin, Roberto Alagna et Michel Sénéchal étaient alors les meilleurs interprètes au monde de leurs rôles respectifs.
  • Je me souviens des séances exaltantes « Chantez les airs de l’opéra » qui précédent la représentation à l’Opéra-Comique …  Dans les ors du foyer, une cheffe de chœur initie les spectateurs volontaires au choeur des maraîchers de Ciboulette, met en selle la ronde du Postillon de Lonjumeau ou l’air écossais de La Dame blanche.

Je me souviens de m’être arrêté en pleine nuit dans les rues de Carpentras pour décoller une affiche de la Tosca que je venais tout juste de voir avec Gwyneth Jones – et de m’être pris, l’espace d’une minute, pour un dangereux délinquant !

  • Je me souviens être allé saluer Gwyneth Jones à la sortie des artistes après Elektra, à la sortie des artistes ; je n’osais m’approcher de cette petite femme menue, si frêle… qui pour m’encourager m’a dit : « I don’t bite ! » (« Je ne mords pas ! »)…
  • Jeune mélomane encore très novice, je me souviens être resté scotché dans mon fauteuil sous l’avalanche de décibels d’une Gwyneth Jones stratosphérique dans Elektra à l’Opéra Bastille. Je devais ressembler au Capitaine Haddock médusé par la Castafiore, et pensais irrésistiblement aux concerts de rock de mon adolescence, et me posais une seule question : comment une telle performance était possible sans micro ?

Je me souviendrai jusqu’à ma mon dernier souffle d’Alfredo Kraus en Werther (Opéra Comique, 1994) et d’Edita Gruberova dans Roberto Devereux (Munich, 2017). Dans les deux cas, les rappels et les applaudissements se sont succédé pendant plus d’une heure, dans les deux cas le public hystérique ne voulait pas quitter la salle…

  • Je me souviens avoir réellement compris pour la première fois le Requiem de Verdi (que je croyais pourtant connaître) lors d’un concert dirigé par Gergiev au TCE, que j’ai bu jusqu’à la dernière goutte, jusqu’à la dernière note, jusqu’au bout de la nuit…

 

 

Je me souviens de Desproges clamant « On n’a quand même pas pris la Bastille pour en faire un opéra ! » Et nous n’avons pas fabriqué des masques pour s’inviter au Ballo in maschera ou au Domino noir …

Je me souviens de ne pas avoir cru Paulette qui m’avait dit que même en pédalant comme un fou, en raison du mistral, je n’arriverais jamais à l’heure à Orange (j’étais à Avignon !) pour le début de Don Carlos – et m’être assis à ma place en nage et essoufflé au moment même où Thomas Fulton levait sa baguette…

Je me souviens de la femme de Lorin Maazel regrettant les toux qui avaient gâché les toutes dernières minutes d’une formidable 9è symphonie de Mahler avec l’Orchestre Symphonique de la Radio de Bavière. Son mari lui répondit que c’était logique car cette musique nous emmène si loin qu’elle interroge au plus profond de nous et que certains ne le supportent pas.

Je me souviens du sourire de Pierre Boulez que je venais interviewer : j’avais commencé par lui souhaiter un bon anniversaire pour ses 80 ans.

Je me souviens de la fin de cette conférence de presse où un ami me dit qu’il avait été désorienté. D’où il était, il voyait Gérard Depardieu poser une question à Riccardo Muti avec ma voix.

De fait, Depardieu venait de s’assoir juste à mes côtés…

 

 

 

 

Je me souviens de l’émotion insoutenable ressentie en entendant Martine Dupuy chanter « Va, laisse couler mes larmes… » salle Favart.

                                                                                       L’équipe des rédacteurs et rédactrices de Première Loge

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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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