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Opéra de Marseille : GUILLAUME TELL, le retour de « l’homme à la pomme » après plus d’un demi-siècle d’absence !

par Stéphane Lelièvre 13 octobre 2021
par Stéphane Lelièvre 13 octobre 2021
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Crédits photos : © Christian Dresse /  M.C. (Michèle Clavel)

Gros succès pour le Guillaume Tell de Marseille, galvanisé par un chef et un orchestre en grande forme !

Le dernier opéra de Rossini n’avait pas été représenté à Marseille depuis 56 ans ! C’est ici une version (quasi) intégrale de Guillaume Tell qui est proposée au public : une distribution de très belle tenue et une direction musicale flamboyante assurent au spectacle un très grand succès.

Un opéra de chef

Guillaume Tell est un opéra de chef. Non seulement parce que la partition déploie une richesse et des raffinements orchestraux inédits chez Rossini – et qui séduiront jusqu’à Berlioz, grand pourfendeur du « gros homme gai » devant l’Éternel -, mais aussi parce que, oscillant entre une forme de néo-classicisme et un pré-romantisme affirmé – avec également quelques (rares) échos belcantistes -, elle nécessite certains choix. Michele Spotti, pour sa part, semble clairement faire celui du romantisme : sa lecture, flamboyante, passionnée, dramatique, contrastée, met parfaitement en lumière ce que les compositeurs à venir (notamment ceux qui s’illustreront dans le Grand Opéra français) doivent au Cygne de Pesaro. Mettant en valeur maints détails passant habituellement inaperçus (les mélismes angoissés des violons pendant le duo « Oui, vous l’arrachez à mon âme »,  la tendre intervention de la clarinette dans la seconde partie du duo « Doux aveu… », la ligne nerveuse de l’orchestre dans le trio Tell/Arnold/Walter au moment de l’annonce de la mort de Melchtal,…), le chef respecte la partition dans toutes ses composantes, du lyrisme passionné d’Arnold à la coloratura di forza du second air de Mathilde, du dramatisme exacerbé du finale du premier acte à l’envol majestueux et serein, parfaitement maîtrisé, de l’ensemble qui conclut l’œuvre. C’est une gageure pour tout chef d’orchestre que d’affronter un tel monument, surtout pour un jeune chef certes expérimenté  mais dont la carrière est encore très récente : dès l’ouverture, saluée par des tonnerres d’applaudissements, elle est superbement relevée par Michele Spotti, lequel remporte un triomphe mérité au rideau final.

Il faut dire que le chef est secondé par un orchestre de l’Opéra de Marseille des grands jours, (les flûtes, les violoncelles, les cuivres y brillent particulièrement), lui aussi longuement applaudi. Les chœurs ne sont pas en reste : après un début un peu timide en termes de précision et d’homogénéité (mais peut-être le fait que les choristes soient relégués hors scène y est-il pour quelque chose ?…), ils contribuent pleinement à la réussite musicale du spectacle.

Une impossible mise en scène ?

Pas facile de mettre en scène Guillaume Tell, œuvre assez statique sur le plan dramatique et dont l’arrière-plan historique parle peu au public d’aujourd’hui. Faut-il respecter le livret à la lettre ? Transposer l’action dans un univers plus proche du nôtre ? Se focaliser sur le personnage de Gessler, l’un des pires « salauds » du répertoire ? (C’est ce qu’avait tenté Tobias Kratzer à Lyon en 2019, dans un spectacle qui ne nous avait pas pleinement convaincu…) Ou encore respecter les grands traits du livret mais en stylisant l’aspect visuel du spectacle ? C’est cette dernière démarche qu’ont suivie Louis Désiré et Diego Méndez-Casariego, responsable des costumes et des décors, tout en accentuant eux aussi le côté cruel de Gessler, notamment lors du ballet de 3e acte. Ce ballet a de fait été rendu impossible par les conditions sanitaires. En lieu et place des scènes dansées, Louis Désiré a imaginé une pantomime : les couples de jeunes gens mariés au premier acte réapparaissent et, littéralement terrorisés, sont contraints malgré eux de se livrer à des danses devant Gessler et ses hommes qui les brutalisent tout en se moquant d’eux. La scène est directement inspirée du Salò de Pasolini (en beaucoup plus soft bien sûr !) et crée un certain malaise par le contraste qu’elle offre entre l’aspect guilleret de la musique et la terreur éprouvée par les personnages. On peut, au choix, s’en offusquer (sans pour autant aller jusqu’à interrompre le spectacle par des cris d’indignation… d’autant que la scène est infiniment moins choquante que celle qui suit – la fameuse scène de la pomme au cours de laquelle Gessler s’amuse à regarder un père devenir le possible meurtrier de son fils ! – et qui est, elle, prévue par les librettistes !), ou trouver au contraire le procédé intéressant en ce qu’il met en lumière le sadisme de Gessler. La scénographie (des caisses de bois occupent l’essentiel de l’espace, leur agencement permettant de délimiter certains lieux plus ou moins évocateurs) n’est quant à elle pas des plus séduisantes à l’œil (notamment au premier acte), mais elle est assez fonctionnelle, surtout lorsque quelques éléments de décors ou quelques accessoires viennent la compléter. Si la mise en scène recourt à une symbolique parfois un peu facile, le jeu des acteurs est particulièrement travaillé. Mais cela ne suffit pas toujours, hélas, à donner une véritable urgence à l’action ou aux situations représentées…

Une distribution qui tient ses promesses

La distribution est globalement de qualité, et c’est d’autant plus méritoire qu’elle comporte de nombreux seconds rôles qui doivent impérativement « faire le poids » face aux personnages de premier plan. Côtés messieurs, de Carlos Natale, qui assume crânement les difficiles aigus du Pêcheur, au Leuthold à la diction très claire de Jean-Marie Delpas, de Patrick Bolleire (qui tient parfaitement sa partie dans le célèbre trio de l’acte II), au Gessler absolument glacial de Cyril Rovery, du Melchthal sonore de Thomas Dear au Rodolphe de Camille Tresmontant (voix bien placée et diction très claire), tous remplissent leur emploi de façon crédible et avec beaucoup de conviction.

Côté dames, Annunziata Vestri campe une Hedwige touchante, mais l’émission vocale s’avère parfois fluctuante et le français n’est pas toujours parfaitement compréhensible. Jennifer Courcier, avec sa silhouette d’adolescent passionné et impulsif, est absolument crédible en Jemmy, au point qu’on en oublie un timbre un peu mince, surtout dans les ensembles tel le finale du premier acte (mais n’est-ce pas le cas de tous les Jemmy ou presque ?…).

Restent, enfin, les trois rôles principaux. Il nous a semblé que la prestation d’Alexandre Duhamel est allée en s’améliorant au fil de la soirée : au premier acte, les registres ne sont pas toujours bien soudés, la diction est parfois un peu floue… Mais la voix se chauffant progressivement, le baryton parvient finalement à camper un très beau Tell, particulièrement émouvant au 3e acte, avec un superbe « Sois immobile », et surtout des répliques, après l’épreuve de la pomme (« Je ne vois plus, je me soutiens à peine ») vraiment touchantes dans la délicatesse et les nuances dont il les pare.

Enea Scala a ses aficionados, et ils étaient nombreux hier soir ! D’autres sont parfois moins convaincus par son chant, et ils se sont (très légèrement) manifestés à la fin du spectacle… C’est que le ténor semble parfois avoir deux voix : un grave et un médium chauds et séduisants, mais un aigu plus nasal et affecté d’un petit vibrato… ce qui séduit les uns mais agace les autres ! Quoi qu’il en soit, le ténor possède un français tout à fait respectable (l’émotion et la passion  qui transparaissent dans son chant restent en revanche d’essence typiquement italienne !) et s’implique totalement dans ce rôle redoutable entre tous. Sachons lui gré, notamment, d’avoir (une fois n’est pas coutume…) préservé les deux strophes de « Amis, secondez ma vengeance ! », en proposant même de légères variations dans la reprise.

Quant à Angélique Boudeville, elle prouve ici qu’elle est dorénavant prête pour les grands rôles du répertoire. La voix, aux couleurs très personnelles, est conduite avec une grande maîtrise, jusque dans les coloratures de son second air ou de son duo avec Arnold. Mais elle est aussi capable de beaux élans dramatiques et de superbes envolées lyriques. Et surtout, le chant reste constamment émouvant : autant de qualités qui ont valu à la soprano un magnifique succès.

Stiffelio à Strasbourg, Guillaume Tell à Marseille…  Pour entendre d’autres Verdi que Rigoletto ou Traviata, d’autres Rossini que Le Barbier ou La Cenerentola, c’est en tout cas en province qu’il faut se rendre ces temps-ci !

Les artistes

Guillaume Tell : Alexandre Duhamel
Arnold : Enea Scala
Melchthal : Thomas Dear
Gessler : Cyril Rovery
Rodolphe : Camille Tresmontant
Walter Furst : Patrick Bolleire
Leuthold : Jean-Marie Delpas
Un Pêcheur : Carlos Natale
Un Chasseur : Tomasz Hajok
Mathilde : Angélique Boudeville
Jemmy : Jennifer Courcier
Hedwige : Annunziata Vestri

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille, dir. Michele Spotti
Mise en scène : Louis Désiré
Décors / Costumes : Diego Méndez-Casariego
Lumières : Patrick Méeüs 

Le programme

Guillaume Tell

Opéra en 4 actes de Gioachino Rossini, livret d’Étienne de Jouy et Florent Bis d’après Schiller, créé salle Le Peletier (Paris) le 3 août 1829.

Opéra de Marseille, représentation du mardi 12 octobre 2021.

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Angélique BoudevilleAlexandre DuhamelMichele SpottiGuillaume TellEnea Scala
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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