À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

ProductionCompte renduVu pour vous

Les festivals de l’été – Munich, Le Freischütz vu par Tcherniakov, ou quand le sniper fait long feu…

par Stéphane Lelièvre 6 juillet 2021
par Stéphane Lelièvre 6 juillet 2021
0 commentaires 1FacebookTwitterPinterestEmail
2,6K

Crédit photos : © Wilfried Hösl

Après Warlikowki, Tcherniakov : en ce lundi 5 juillet 2021 avait lieu la première représentation d’une série de reprises du Freischütz vu par le célèbre metteur en scène russe – un spectacle précédé d’une flatteuse réputation. Lorsque le rideau se lève, on découvre non pas la place du village prévue par le livret, mais les salons de réception d’une grande entreprise, dont Kuno est le patron dénué de toute morale et de tout scrupule. Le jeune Max ne souhaite pas, en gagnant la main d’Agathe, devenir garde-chasse, mais convoite un poste important dans l’entreprise. Pour ce faire, Kuno exige qu’il se transforme en sniper et abatte au hasard un passant. Le jeune homme ne peut s’y résoudre ; c’est Killian qui se charge de la besogne, récoltant les hourras de la foule, laquelle se moque bruyamment du pauvre Max…

Le monde des affaires, la violence de meurtres commis gratuitement, l’ambition dévorante dont se voit gratifié Max sont autant de notions  évidemment  étrangères au livret, mais pourquoi pas… Elles fonctionnent d’ailleurs plutôt bien, et l’on était prêt à les accepter sans sourciller, de même que bon nombre de tics tcherniakoviens (ou encore d’autres procédés ou idées plus ou moins surprenants) : les projections de textes sans lesquels la lecture du metteur en scène serait incompréhensible, le minutage de l’action apparaissant de façon récurrente dans une horloge numérique (procédé vu, revu, re-revu au point d’avoir perdu dorénavant tout impact), le lesbianisme entre Agathe et Ännchen, la folie meurtrière de Kaspar qui, tel un schizophrène, joue à la fois son rôle et celui de Samiel – émanation de son esprit malade –, la scène de la Gorge au Loup où Kaspar, nouveau Dexter, ne fond pas les balles mais terrorise Max enveloppé dans un grand plastique en faisant mine de vouloir le tuer, la suppression du happy end, etc. etc. Deux problèmes surgissent cependant : certaines pages se révèlent définitivement rétives à la transposition, malgré les efforts déployés par le metteur en scène (toute la musique de couleur populaire, les chants et danses du premier acte, ou encore le chœur de chasseurs…) ; et surtout, la disparition absolue de la nature, dont l’importance est capitale dans le livret comme dans la partition, nous a semblé très dommageable à l’équilibre de l’œuvre et à son dramatisme, qui est entièrement construit sur l’alternance entre scènes d’extérieur (lesquelles sont potentiellement vectrices de brutalité et de surnaturel) et d’intérieur (lesquelles sont censées offrir un cadre plus rassurant, mais qui se laissent peu à peu contaminer par la violence et le fantastique…). Or dès la première scène entre Ännchen et Agathe, censée se dérouler à l’intérieur de la maison forestière, on comprend que toute l’action du Freischütz selon Tcherniakov se déroulera au même endroit (y compris la scène de la Gorge au Loup) et dans un décor unique (le salon chic de l’entreprise) qui, pour beau qu’il soit, finit inévitablement par engendrer une vraie lassitude,– même si l’idée, on l’a bien compris, était de circonscrire l’action dans un huis clos étouffant.

On ne peut certes pas parler de ratage, mais le spectacle n’est, au mieux, qu’à-demi réussi, et l’ennui nous gagne au fil des actes, quand le but du metteur en scène était visiblement de transformer l’œuvre en un thriller au suspense insoutenable. Mais sans doute l’interprétation musicale est-elle aussi en partie responsable de cette impression… À commencer par la direction d’Antonello Manacorda dont la lenteur et la lourdeur plombent jusqu’aux scènes les plus brillantes ou les plus dramatiques, y compris l’ouverture, empesée au possible, et la Gorge au Loup, tout sauf terrifiante. S’ajoutent à cela quelques décalages, notamment avec les chœurs, loin d’être irréprochables, même dans le pourtant rebattu « Was gleicht wohl auf Erden », un peu braillé…

Le plateau vocal est lui aussi très inégal. Si Bálint Szabó est un Kuno percutant, si Tareq Nazmi a toute la profondeur et l’autorité requises par l’Ermite, Milan Siljanov dispose d’un timbre trop rond et trop peu incisif pour donner tout leur sel aux sarcasmes dont il accable le pauvre Max. Anna Prohaska fait exister Ännchen essentiellement scéniquement : elle est souvent peu audible au premier acte, et par la suite, l’émission vocale révèle à plus d’une reprises d’assez nombreuses irrégularités. Kyle Ketelsen en Kaspar nous semble relever de l’erreur de distribution. Ce ne sont pas les qualités du chanteur qui sont en cause, mais la nature même de sa voix, peu adaptée à ce rôle démoniaque : où sont la noirceur du timbre, la puissance vocale, l’arrogance de la projection ? Si le jeu de l’acteur est extrêmement convaincant, le chant reste nettement en-deçà de ce qu’on peut attendre du personnage. A contrario, Pavel Černoch dispose a priori des moyens de Max. Pourtant, en cette soirée de première du moins, l’émission manque de franchise, de facilité, de ductilité… Méforme passagère ? La plus applaudie sera finalement Golda Schultz qui, après un début un peu timide, offre un portrait sensible et nuancé d’Agathe, avec notamment un « Und ob die Wolke » poétiquement phrasé.

Les applaudissements très tièdes résument à eux seuls l’impression pour le moins mitigée qui se dégage du spectacle… Un comble pour une œuvre à ce point exaltante et irrésistible !

Les artistes

Max   Pavel Černoch
Kaspar/Samiel   Kyle Ketelsen
Ein Eremit   Tareq Nazmi
Kilian   Milan Siljanov
Ottokar   Boris Prýgl
Kuno   Bálint Szabó
Agathe   Golda Schultz
Ännchen   Anna Prohaska
Vier Brautjungfern   Juliana Zara, Eliza Boom, Yajie Zhang, Daria Proszek

Bayerisches Staatsorchester, chœur de la Bayerische Staatsoper, dir. Antonello Manacorda
Mise en scène   Dmitri Tcherniakov

Le programme

Opéra romantique en trois actes de Carl Maria von Weber, livret de Johann Friedrich Kind d’après un conte populaire recueilli et retranscrit par August Apel, « Der Freischütz, eine Volkssage » (« Le Franc-tireur, un conte populaire »). Créé le 18 juin 1821 au Königliches Schauspielhaus de Berlin.

Représentation du lundi 5 juillet 2021, Münchner Opernfestspiele

image_printImprimer
WeberTcherniakovAntonello ManacordaGolda SchultzPavel Cernoch
0 commentaires 1 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
06 JUILLET : JOURNÉE INTERNATIONALE DU BAISER – VERDI, Otello : « Un bacio ancora! »
prochain post
Effeuillez la marguerite avec Passionnément de Messager!

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Stéphane Lelièvre dans À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
  • HUBERT dans À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025