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Un Comte Ory torride à Toulon

par Stéphane Lelièvre 25 janvier 2020
par Stéphane Lelièvre 25 janvier 2020
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On ne saurait trop se réjouir du retour en grâce du Comte Ory (New York en 2011, Lyon en 2014, Bad Wildbad et Zurich en 2016, Opéra-Comique en 2017, Rennes, Rouen ou Liège en 2019,…), tout en s’étonnant de l’absence quasi-totale, sur les scènes françaises en tout cas, du Voyage à Reims qui lui est, musicalement et dramatiquement, très supérieur – notamment pour la relation texte-musique, infiniment plus subtile que dans l’œuvre française dont on espère que le comique, somme toute assez gras – fruit du scribouillard Scribe et exclusivement basé sur la gaudriole et la trivialité : obsession sexuelle, ivrognerie, travestissement – , ne représente pas aux yeux des étrangers la quintessence de l’esprit et de l’humour français… Ne boudons pas notre plaisir cependant, devant cette partition comportant quelques-unes des plus belles pages rossiniennes !

Mettre en scène Le Comte Ory n’est guère chose aisée, en raison précisément du décalage entre la trivialité des situations et l’extrême raffinement de la musique. On peut bien sûr basculer dans la farce pure, le risque étant alors de créer un hiatus plus ou moins gênant entre ce qui est vu et ce qui est entendu (rien de plus douloureux pour le rossinien que d’entendre une salle couvrir des ses hurlements de rires l’incroyable délicatesse du trio nocturne de l’acte II, par exemple…) Il nous avait semblé qu’à l’Opéra-Comique, Denis Podalydès avait, à quelques détails près, trouvé plus ou moins ce difficile équilibre entre humour débridé et raffinement. Pour cette reprise en revanche, la balance penche peut-être un peu trop du côté de la pure farce. Cela reste légitime pour la scène des fausses bonnes sœurs se saoulant dans la château de la Comtesse Adèle ; ça l’est peut-être un peu moins au premier acte, où ladite Comtesse apparaît encore plus nymphomane que son avatar parisienne (Julie Fuchs) : la chanteuse, sans doute à la demande du metteur en scène – et en tout cas pour le grand plaisir du public – surjoue la frustration sexuelle dans sa cavatine, avant de passer, dans la cabalette « Ô bon ermite », à la nymphomanie la plus débridée, la Comtesse apparaissant comme une parfaite obsédée, au bord de l’orgasme à chaque fois qu’elle lance un aigu ou une vocalise, et ayant le plus grand mal à ne pas violer tout homme qui se présente à sa vue. Soit. Mais elle devrait alors trépigner de joie en apprenant que le « bon ermite » n’est autre que le libidineux Comte Ory (belle occasion pour elle de trouver enfin un partenaire à la hauteur de de sa frénésie sexuelle !!), et l’on comprend mal alors pourquoi une telle nouvelle l’effraie – et pourquoi elle fera tout pour lui fermer l’accès de son château…

Quoi qu’il en soit, les décors et la scénographie du spectacle de l’Opéra-Comique se sont bien adaptés à la scène un peu plus étroite de l’Opéra de Toulon, la direction d’acteurs est toujours aussi acérée et certains tableaux (le début de l’acte II, notamment) ont gardé intacts leur beauté et leur pouvoir d’évocation.

Musicalement, l’Opéra de Toulon a bien fait les choses ! Khatouna Gadelia parvient, dans le rôle pourtant on ne peut plus épisodique d’Alice, à mettre en valeur une voix ronde et bien projetée, et l’on souhaiterait vraiment l’entendre dans un rôle plus conséquent. Sophie Pondjiclis est une Dame Ragonde truculente à souhait et très efficace, malgré un médium parfois sourd et certains aigus qui plafonnent un peu… Thomas Dear est étonnant en Gouverneur : densité du timbre, probité stylistique, belles couleurs (à la Ramey, qui légua au disque ce qui reste aujourd’hui encore la plus éclatante interprétation de cet air – version « Lord Sydney » – du Voyage à Reims), souplesse de la ligne lui permettant de venir à bout sans difficulté de la cabalette « Cette aventure fort singulière… » : autant de qualités qui lui font remporter un vif succès et laissent espérer qu’il sera dorénavant distribué dans les rôles de premier plan qu’il mérite.

L'air de Lord Sidney dans Le Voyage à Reims par Samuel Ramey

Ève-Maud Hubeaux, simple Ragonde à l’Opéra-Comique promue ici Isolier, remporte elle aussi un succès mérité. On est avant tout impressionné par la facilité de la projection, qui n’empêche nullement cependant les nuances ni le respect du style – à deux points d’orgue près, un peu trop longtemps tenus dans le duo avec Ory. La chanteuse est, de surcroît, extrêmement crédible scéniquement. Armando Noguera s’amuse beaucoup en Raimbaud. Il porte aussi bien le costume et le chapeau haut de forme que la robe de bure, et manie avec la même aisance le chapelet et le litron de rouge ! Il ne fait qu’une bouchée de son air du II, faisant preuve de son habituel respect du style rossinien, d’une belle maîtrise du souffle, d’un goût très sûr (le second couplet de la cabalette est orné avec sobriété et délicatesse), et d’une totale intelligibilité – ce qui ne surprend guère chez ce chanteur d’origine argentine mais parfaitement francophone.

Certains pourraient reprocher à Marie-Ève Munger une densité, une couleur de voix, un style – notamment dans les ornements des reprises – typiquement français… et ils auraient bien tort ! Adèle n’est pas la Comtesse de Folleville du Voyage à Reims, et le chant entendu dimanche dernier à Toulon participe pleinement de l’esthétique de l’opéra-comique, celle, précisément, à laquelle ressortit Le Comte Ory. Le timbre, du reste, est très agréable, et la technique aguerrie. Francisco Brito n’est pas encore très connu en France, mais ce jeune ténor a déjà  une belle carrière, construite pour l’instant principalement en Italie et en Allemagne. Sa voix claire et agréable ainsi que son aisance scénique ont fait une belle impression sur le public. Seuls un ou deux aigus ont paru un peu en retrait, voire ont été esquivés (dans le duo avec Isolier au premier acte), mais le style est respecté (on n’en attend pas moins de quelqu’un qui a débuté sous la houlette du grand Alberto Zedda), l’aisance vocale est certaine, et le français presque toujours compréhensible. Bref, un bilan très positif pour un rôle difficile entre tous.

Sous la baguette précise et pleine de vie de Jurjen Hempel, l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Toulon se sont montrés d’une implication sans faille.

Avis aux Messines : après Toulon, le dangereux Comte Ory et sa bande séviront à Metz en avril prochain, avec toujours Armando Noguera en Raimbaud, et cette fois-ci le très attendu Patrick Kabongo en faux ermite libidineux !

Les artistes

Le Comte Ory   Francisco Brito
Raimbaud   Armando Noguera
Le Gouverneur   Thomas Dear
La Comtesse Adèle   Marie-Ève Munger
Isolier   Ève-Maud Hubeaux
Dame Ragonde   Sophie Pondjiclis
Alice   Khatouna Gadelia
Comédiens   Laurent Podalydès & Léo Reynaud

Orchestre et Choeur de l’Opéra de Toulon, dir. Jurjen Hempel

Mise en scène Denis Podalydès, réalisée par Laurent Delvert
Chorégraphie   Cécile Bon
Décors   Éric Ruf
Costumes   Christian Lacroix
Lumières   Stéphanie Daniel

le programme

Le Comte Ory

Opéra en deux actes de Gioacchino Rossini, livret d’Eugène Scribe, créé en 1828 à l’Opéra de Paris (salle Le Peletier). 

Opéra de Toulon, représentation du dimanche 24 janvier 2020.

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Armando NogueraRossiniFrancisco BritoMarie-Ève MungerThomas DearÈve-Maud Hubeaux
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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