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Voix d’automne à Évian-les-bains (1/3)

par Sabine Teulon Lardic 25 octobre 2021
par Sabine Teulon Lardic 25 octobre 2021
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Crédit photos : © Matthieu Joffres

L’automne et ses tons mordorés seraient-ils favorables à l’éclosion de festivals de musique ? Plusieurs manifestations fleurissent sur le territoire : Concerts d’automne à Tours, Festival de musique ancienne en Pic Saint-Loup et Hérault, les Lisztomanias de Chateauroux et … Voix d’automne à Évian-les-bains. Sur les hauteurs du lac Léman, ce dernier festival propose un week-end d’envergure avec deux œuvres baroques 

en confrontation : la Passion selon Saint-Jean de J.-S. Bach (22 octobre), La Giuditta d’A. Scarlatti (23 octobre). Le troisième concert assure la promotion des jeunes talents de l’Académie de l’Opéra national de Paris dans le domaine du Lied (24 octobre).

La Passion selon Saint-Jean à la Grange au Lac d’Evian : « tout est réalisé »
Carnet de bord 1/3 du festival Voix d’automne

L’ouverture du festival Voix d’automne à la Grange au lac (Évian) est un triomphe public qui magnifie la présence de J.-S. Bach. La Passion selon Saint-Jean par Les Arts florissants révèle l’humanité de la partition avec modernité grâce à la direction de Paul Agnew, évangéliste d’une conviction saisissante.

Extraire l’humanité de la Passion selon Saint-Jean

Un soir d’automne, vous entrez dans la Grange au Lac à Évian, une grange en cèdre et pin de conte de fée. Depuis votre siège sur une simple banquette, vous êtes saisi(e) par la poésie du fond de scène : des bouleaux élancés, sertis dans la verrière, rappellent certes la patrie du violoncelliste qui en fut le dédicataire à la fondation du lieu de spectacle (1993), Rostropovitch. De plus, la magie des lustres de cristal baignant la scène de leur halo givré, vous émerveille. A l’attaque du premier chœur de la Saint-Jean, vous êtes bouleversé(e) par la somptuosité polyphonique et l’expression joyeusement moderne des acclamations chantées. Dès lors, une émotion et une expérience quasi métaphysique vous emportent à votre insu ! Le miracle (sans le sens religieux) est que ces émotions et sensations vont durer trois heures, le temps que cette chronique de la crucifixion de Jésus de Nazareth par les soldats romains (Evangiles selon saint Jean, chap. 18, 19) soit contée et musicalisée, avec une présence au monde toute actuelle.

Devenue l’emblème du baroque italien et allemand autour de 1700, la grande fresque de toute Passion fixe cet épisode fondamental des évangiles, afin d’affirmer la foi chrétienne. SI les quatre versions de cette première Passion composée par J.-S. Bach (de confession luthérienne) témoignent de son opiniâtreté à s’adapter aux conditions matérielles – celles du Vendredi saint des années 1724, 1725, 1732, 1749 à Leipzig –, quel message peut délivrer l’œuvre pour les auditeurs d’une salle de concert en 2021 ?

C’est là que le talent polyphonique et le génie expressif du Kantor entrent en jeu. Composée à la cour de Coethen, avant son entrée en fonction au poste de Kantor à Leipzig, l’œuvre titre profit de la richesse instrumentale promue par cette cour calviniste. Aussi, la puissante architecture des deux parties de « la Saint-Jean » s’appuie non seulement sur les chorals (chant des fidèles de la Réforme), comme la Saint-Matthieu, mais aussi sur la coloration expressive de chaque aria. En s’inspirant des divers concertistes des Brandebourgeois, Bach fait dialoguer les solistes chanteurs avec flûtes, ou hautbois, ou hautbois da caccia, ou violes d’amour, et même viole de gambe. L’auditoire du XXIe siècle découvre ainsi le timbre idiomatique de ces instruments baroques, qui fusionnent si bien avec la voix si humaine de chaque aria. Dit autrement, si la puissance du sermon luthérien (contenu dans la Passion) n’est plus de mise au concert public, l’expressivité de ce drame humain touche tout auditoire.

L’esprit collectif des Arts Florissants

Les propriétés acoustiques de la Grange au Lac – le plateau scénique en bois de chêne, la carapace en écailles d’aluminium au plafond – optimisent la projection sonore sur les gradins et balcons.

Mais l’engagement des instrumentistes et des chanteurs des Arts Florissants est au rendez-vous pour envelopper les auditeurs dans leur cercle magique. Côté instrumental, la cohésion et la sûreté du continuo, confié à l’orgue (Marie van Rhijn), au violoncelle (Cyril Poulet) et au luth (Thomas Dunford), sont des atouts permanents, tandis que le pupitre des hautbois dans l’aria Von den Stricken, ou celui des flûtes traverso dans la joyeuse ritournelle de l’aria avec soprano (Ich folge dich gleichfalls) sont excellents. Si toutes les cordes interagissent avec une écoute collective, relevons les couleurs scintillantes des deux violes d’amour (Emmanuel Resche, Patrick Oliva) pour deux Arioso remplis d’une séduction éthérée (Betrachte meine Seele ; Erwäge). Signalons enfin la virtuosité de la gambiste (Myriam Rignol) dans l’air pénétrant qui scelle la destinée et le message du Christ, Es ist vollbracht (Tout est réalisé).

Côté vocal, la somptuosité du chœur surplombe les deux longues parties de la Passion, dont l’épicentre est le choral apaisé, Durch dein Gefängnis (De ta prison, fils de Dieu, Notre liberté doit venir). Que ce soit le dynamisme des interjections (Introduction), le traitement haché de la foule hurlante réclamant la crucifixion (Weg, weg mit dem) ou l’apaisement des chorals après l’effroi, tout fonctionne avec élan et précision. Sous la direction de Paul Agnew, les irruptions violentes du chœur (la turba du peuple juif) entre les séquences de récitatif (notamment celles de l’arrestation de Jésus) sonnent avec une modernité saisissante et une ambition théâtrale indéniable. Il semble que sa double fonction de chef d’orchestre et d’Évangéliste devienne un atout pour insuffler le dynamisme du tempo orchestral et vocal, sans les césures récitatives. Mais Peter Schreier n’avait-il pas ouvert cette voie dans l’enregistrement de la Saint-Jean pour Philips (1988) ? Si ce n’est un opera seria, l’interprétation des Arts florissants confère à l’œuvre une continuité « en action ». En outre, la véhémence de l’Évangéliste surpasse les difficultés vocales (sauts mélodiques, chromatismes figuraliste des pleurs) pour interpeller le public. Elle offre une immédiateté non seulement au récit, mais à la métaphysique qui habite la 2e partie : « Was ist Wahrheit ? » (Qu’est-ce que la vérité ?) …

Sortant ponctuellement des rangs du chœur, les solistes incarnent avec talent et humilité les acteurs de la Passion (Jesus, Ponce Pilate) ou les commentaires d’évangiles. Ces solistes appartiennent à la « famille Arts Flo », puisqu’ils sont quasi tous issus du Jardin des voix de William Christie, donc imprégnés de la stylistique baroque. Le baryton André Morsch (Ponce Pilate) fait preuve d’une sûreté vocale et rythmique étonnantes, d’autant qu’il remplace l’artiste Renato Dolcino, souffrant. Nicholas Scott, ténor d’une souplesse remarquable, parvient à vaincre le phrasé redoutable de l’aria Ach mein Sinn (Hélas, mon esprit). Lestyn Davies, contre-ténor alto, exprime avec une belle maîtrise ornementale les souffrances du sublime Es ist vollbracht (Tout est réalisé), sorte d’acceptation des évènements. La soprano écossaise Rachel Redmond brille par la fraicheur d’aigus radieux, soit qu’ils voltigent dans l’aria avec flûtes, soit qu’ils se plaignent dans Zerfliesse, meine Herze (Dissous mon cœur dans les flots de larmes). L’engagement de la basse Cyril Costanzo, Jésus véhément, voire combattif, ne fait pas oublier quelques difficultés d’intonation et de soutien.

En conclusion, laissons la parole à Paul Agnew : « J’ai beaucoup chanté Bach en tant que ténor, avec des chefs très différents les uns des autres. Cette expérience m’amène à considérer qu’il ne faut pas le cantonner à un registre sacré déconnecté des émotions et de la vie. […] Lorsque nous sommes face à une musique dramatique, il ne faut pas hésiter à en faire sortir toutes les émotions. »

Les artistes

Rachel Redmond, soprano
Lestyn Davies, contre-ténor alto
Nicholas Scott, ténor
André Morsch, basse
Cyril Costanzo, basse
Paul Agnew, évangéliste

Les Arts Florissants, dir. Paul Agnew

Le programme

Passion selon Saint-Jean BWV 245 de J.-S. Bach, livret d’après les Evangiles selon saint Jean et saint Matthieu, la Passion de B. H. Brockes, la Passion de C. H. Postel.

Concert du 22 octobre à la Grange au Lac, Évian

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bachLes Arts FlorissantsPaul Agnew
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Sabine Teulon Lardic

Sabine Teulon Lardic est chercheure à l'université de Montpellier 3. Spécialiste de l'opéra-comique du XIXe siècle et des spectacles lyriques dans les Théâtres de plein air (XIXe-XXIe siècles), elle a collaboré aux volumes collectifs de Carmen Abroad (Cambridge Press), The Oxford Handbook of the Operatic Canon (Oxford Press), Histoire de l'opéra français, t.3 (Fayard, 2022). Elle signe également des articles pour les programmes de salle (Opéra-Comique, Opéra de Montpellier) ou la collection CD du Palazzetto Bru Zane.

1 commentaire

Gilles Mathivet 28 octobre 2021 - 9 h 20 min

Votre commentaire ne laisse qu’un regret: celui de n’avoir pas assisté à ce concert!

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