À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduConcert

Mahler-Sokhiev, duo gagnant à la Philharmonie de Paris

par Pierre Brévignon 13 février 2020
par Pierre Brévignon 13 février 2020
0 commentaires 0FacebookTwitterPinterestEmail
1,K

Sokhiev-Mahler-Résurrection : c’était déjà, voilà un peu moins de dix ans, une des affiches-phares de la saison de concerts du Théâtre des Champs-Élysées. Depuis, les incursions du chef ossète en terres mahlériennes se sont multipliées à la tête de l’Orchestre national du Capitole, révélant une belle familiarité avec l’univers d’un des symphonistes les plus audacieux du XXe siècle. Sans doute l’enseignement d’Ilya Musin, qui a formé des mahlériens aussi éminents que Gergiev, Currentzis, Bychkov ou Barshai n’y est-il pas étranger. Ce qui frappe surtout, dans l’impressionnante démonstration de maîtrise donnée hier à la Philharmonie, c’est la capacité de Sokhiev et de sa phalange toulousaine – pourtant tenue trente-cinq ans durant bien loin des rives du Danube ! – à garder constamment intelligible un discours luxuriant, complexe dans son orchestration comme dans son architecture. Le chef Hans von Bülow, découvrant cette partition, ne se serait-il pas exclamé : « Si ce que j’ai entendu est de la musique, alors je ne comprends plus rien à la musique » ?

 

Vaste fresque associant à un orchestre pléthorique un chœur mixte et deux chanteuses, la Symphonie n°2 résume à elle seule tout ce qui fait la singularité et la séduction de la musique de Mahler, à la fois dense et vibrionnante, grinçante ou naïve, ancrée dans le trivial ou planant dans les hautes sphères du sublime. Alors qu’il n’a pas trente ans – et une production encore modeste : une symphonie, la cantate post-romantique du Klagende Lied, quelques mélodies pas encore arrangées en cycles et un brahmsien Quatuor avec piano –, le compositeur façonne une partition colossale, au propos philosophique ambitieux puisque, étayée par un poème très Sturm und Drang de Friedrich Gottlieb Klopstock qui lui confère son titre, elle interroge la destinée humaine et la notion de vie après la mort.

Singulièrement, le discours musical qui se déploie pendant près d’une heure vingt débute et s’achève par une procession : la première, funèbre, avait d’abord été écrite comme un poème symphonique (Todtenfeier, 1888) censé célébrer les funérailles du héros « titanesque » de la Première Symphonie ; la seconde, composée six ans plus tard, voit les morts surgir de leur tombeau au jour du Jugement Dernier. Paradoxalement, l’œuvre se conclut sur la proclamation de la résurrection de « tout ce qui a cessé d’être », dans un chant qui mêle les vers de Klopstock à ceux de Mahler lui-même.

Entre ces deux tensions, Sokhiev a clairement choisi une lecture allégée de tout pathos excessif. Son Allegro maestoso initial sonne inhabituellement lumineux : si les trémolos fiévreux des cordes ou les vociférations railleuses des cuivres sont bien là, le chef accorde à la mélodie pastorale du cor anglais une attention amoureuse, et chaque pupitre semble sculpter le son mahlérien dans une perspective plus hédoniste que dramatique. Procession funèbre, certes, mais qui n’oublie pas d’être lyrique. Après une pause – pas de cinq minutes, comme le spécifiait Mahler, mais plus longue qu’à l’accoutumée, le temps de laisser passer une sonnerie de portable (!) –, l’enchaînement avec le joyeux ländler provoque un effet de rafraîchissante étrangeté, porté par des pizzicati joueurs où les cordes toulousaines semblent prêtes à investir le Musikverein un matin de nouvel an. L’impression se confirme dans le Scherzo, cette valse tournoyante aux accents klezmer (qui reprend le matériau du Wunderhorn-Lied « Des Antonius von Padua Fischpredigt ») brisée par des foucades rythmiques, les interventions pépiantes de la petite harmonie ou les scansions rageuses des percussions. Là encore, Sokhiev assure une mise en place rigoureuse de chaque plan sonore, avec des effets de zoom-dézoom qui ne paraissent jamais artificiels. Tout cela avance, sans précipitation mais avec l’impression d’une inexorable course à l’abîme. Le « Urlicht » du mouvement suivant passe comme un intermède impalpable, irréel, délivré avec des trésors de délicatesse par la mezzo wagnérienne Christa Mayer dont la voix ample, humble et solennelle, se double d’une articulation hors pair. Après cette méditation quasi chambriste, la déflagration du gigantesque Finale offre un kaléidoscope de couleurs et d’émotions d’ampleur opératique. Du crescendo de percussions aux fanfares jouées hors-scène en passant par les fragments de thème du Dies Irae disséminés à travers la première partie du mouvement, tout concourt à ménager à l’entrée – on serait tenté de dire à l’apparition – du chœur l’effet de contraste le plus saisissant possible. Et l’Orfeon Donostiarra réussit ce miracle : déposer dans chacune des 2 400 paires d’oreilles de la salle Pierre-Boulez le velours d’un triple pianissimo vibrant d’une émotion qui ne cessera de croître pour mener à l’apothéose finale. L’intervention sobre de la soprano Jeanine De Bique vient s’insérer sans heurt dans cet écrin de voix, et rayonne en duo avec Mayer jusqu’à l’éclatante profession de foi du chœur : « Tu ressusciteras, mon cœur, oui tu ressusciteras ! Ce que tu as enduré te portera vers Dieu ! »

On l’aura compris : une soirée magique, où l’orchestre de la Ville Rose s’est couvert de gloire. Et que je dédie pour ma part au couple qui, assis à la tribune derrière le chœur, a quitté sa place à la fin d’Urlicht pour assister, debout dans la travée, aux trente dernières minutes de la symphonie dans une étreinte tour à tour dansante, sautillante, joyeuse et émue. Mes voisins au parterre ne paraissaient pas les avoir remarqués. Mirage ? En rentrant chez moi, je me suis alors rappelé qu’à son ami le chef Bruno Walter, Mahler avait confié que le Scherzo de sa Résurrection pouvait évoquer « un couple dansant au son d’une musique lointaine »…

Les artistes

Jeanine De Bique, soprano
Christa Mayer, mezzo-soprano

Chœur  Orfeon Donostiarra
Chef de chœur : José Antonio Sáinz Alfaro

Orchestre National du Capitole de Toulouse
Direction : Tugan Sokhiev

 

Le programme

Mahler, Symphonie n° 2 en ut mineur, créée à Berlin en mars et décembre 1895.

Philharmonie de Paris, concert du lundi 11 février 2020

image_printImprimer
0 commentaires 0 FacebookTwitterPinterestEmail
Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Dans la forêt musicale viennoise 2
prochain post
Dans la forêt musicale viennoise 3

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

Le REQUIEM de Donizetti à Saint-Denis, ou l’hommage...

6 juin 2025

Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo

4 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025