À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

ProductionCompte renduVu pour vous

Aix-en-Provence : SALOME, une expérience tellurique

par Nicolas Darbon 12 juillet 2022
par Nicolas Darbon 12 juillet 2022

© Bernd Uhlig

© Bernd Uhlig

© Bernd Uhlig

© Bernd Uhlig

0 commentaires 2FacebookTwitterPinterestEmail
1,4K

Cet opéra est une énigme. Pourquoi Salomé demande-t-elle la mort de la personne qu’elle désire le plus au monde ? Le parti-pris du directeur musical Ingo Metzmacher et de la metteure en scène Andrea Breth est de faire du personnage titre une adolescente presque pure, mue par les forces contradictoires du désir, dans un contexte familial légèrement compliqué : son beau-père la désire et sa mère est « incestueuse »…  Sur scène, Salomé apparaît dans la pureté vaporeuse d’une robe / chemise de nuit ; blancheur qui perdurera jusqu’à la fin. Ce halo séraphique est tout de même loin de l’image d’une femme resplendissante que tout le monde désire – du roi aux soldats – et qui exerce sa séduction comme on exerce le pouvoir. La production aixoise présente ainsi une incohérence ; en supprimant la chorégraphie érotique de la « Danse des sept voiles », Breth annihile cet érotisme triomphant pour installer un état d’apesanteur. Sur une musique enfiévrée, le plateau noir est alors traversé de divers personnages zombies évoluant ultra lentement. Désérotiser cette Danse, c’est renoncer à une stratégie de séduction égocentrée et mortifère.

Le désir s’affirme toutefois dans les mots de la jeune fille lorsqu’elle s’oppose à l’intransigeance psycho-rigide de Jochanaan [autrement dit, Jean le Baptiste du Nouveau Testament], qui est une sorte de fanatique religieux tout à fait insensible et moralisateur (« C’est par la femme que le mal est entré dans le monde. ») Suite à cette entrevue, où Salomé n’obtient pas gain de cause, elle demande la mort de Jochanaan, ce que le roi Hérode finit par accepter. Si Salomé tue certainement par un geste de dépit et d’orgueil, l’explication d’Andrea Breth est tout autre. « C’est l’histoire d’une jeune fille qui est soudain confrontée à son désir, à l’éveil de sa sexualité et à sa capacité à aimer avec une telle force qu’elle ne parvient pas à agir de manière raisonnable, sensée. » Cette justification du meurtre est assez légère.

Au crédit de Breth, il faut insister sur la nature naïve et enfantine de Salomé, que l’on néglige souvent, et même d’une forme de maladie mentale, perceptible dans la scène finale, lorsqu’elle se demande pourquoi les yeux de la tête qu’elle tient dans une corbeille… restent fermés.

Hérode, le Tétrarque de Judée, est parfaitement campé par le ténor John Daszak dont l’agilité phénoménale et la justesse n’ont d’égale que l’énergie d’un rôle très agité. Son épouse Herodias, incarnée par Angela Denoke (qui a déjà endossé le rôle de Salomé), possède une voix de soprano dramatique puissante et intimidante. Gábor Bretz joue un Jochanaan à la voix onctueuse et ample, aussi bien qu’imperturbable. Ancienne artiste de l’Académie du Festival d’Aix, Elsa Dreisig nous livre une Salomé éblouissante que le public saluera, à peine le rideau tombé, par une déflagration extraordinaire de hourras. La franco-danoise possède un profil de Salomé tout à fait adapté aux idées de la mise en scène. Sa prestation vocale est sûre, ferme, inspirée, nuancée ; même les graves, qui pourraient être fragiles dans ce rôle, s’imposent aisément. Le choix rare de la version allégée de Dresde (1929) permet au timbre de soprano lyrique de l’héroïne (Dreisig chante par exemple les rôles de Micaëla, Pamina, Papagena… ) de se fondre aux linéaments timbriques du génial compositeur. L’équilibre acoustique général, des interprètes et de la salle du Grand Théâtre de Provence, est excellemment réalisé. L’Orchestre de Paris, dans le second interlude instrumental, marie énergie, rudesse et travail d’orfèvrerie. Les décors soulignent avec efficacité les forces de l’imaginaire qui travaillent les personnages. Au début de l’opéra, le tableau de Caspar David Friedrich Zwei Männer in Betrachtung des Mondes (1819-20) installe la couleur noire qui enveloppera tout l’opéra (décors signés Raimund Orfeo Voigt) avec des changements « toplogiques » : une Lune  immense circule. Le jeu des lumières confié à Alexander Koppelmann est à la fois épuré et juste, traversant un voile en tulle d’avant-scène. Cet opéra de Strauss est unique. Elsa Dreisig et l’ensemble de la production aixoise nous en restituent sa tellurique beauté.

Les artistes

Salome : Elsa Dreisig
Herodias : Angela Denoke
Eine Sklavin : Katharina Bierweiler
Jochanaan : Gábor Bretz
Herodes : John Daszak
Narraboth : Joel Prieto
Ein Page der Herodias : Carolyn Sproule
Erster Jude : Léo Vermot-Desroches
Zweiter Jude : Kristofer Lundin
Dritter Jude : Rodolphe Briand
Vierter Jude : Grégoire Mour
Fünfter Jude / Zweiter Soldat : Sulkhan Jaiani
Erster Nazarener / Ein Kappadozier : Kristján Jóhannesson
Zweiter Nazarener : Philippe-Nicolas Martin
Erster Soldat : Allen Boxer

Orchestre de Paris, dir. Ingo Metzmacher

Mise en scène : Andrea Breth
Décors : Raimund Orfeo Voigt
Costumes : Alexandra Charles
 Lumière : Alexander Koppelmann

Le programme

Salome

Drame en un acte de Richard Strauss, livret du compositeur d’après Oscar Wilde, créé le 21 novembre 1901 à la Semperoper de Dresde.

Festival d’Aix-en-Provence, représentation du samedi 9 juillet 2022

image_printImprimer
Elsa DreisigIngo MetzmacherJohn DaszakAngela DenokeAndrea BrethGábor Bretz
0 commentaires 2 FacebookTwitterPinterestEmail
Nicolas Darbon

Nicolas Darbon est maître de conférences (HDR) à Aix-Marseille Université. Avant sa carrière universitaire, il a été , il a été pendant plus de vingt ans professeur de musique en collèges-lycées. Spécialiste de la musique des XXe-XXIe siècles, il a organisé de nombreux colloques. Il coordonne le Groupe de recherche sur la musique (GRiiiM), encadre le Journal du GRiiiM et les journées d'études organisées aux Antilles. Parmi ses derniers livres Musique et Littérature en Guyane : explorer la transdiction, publié en 2018 chez Garnier Classiques ; ainsi que Les Musiques du chaos ; Dutilleux... du cristal à la nuée, Messiaen... les sons impalpables du rêve, Musica y Complejidad. Il contribue à l'Histoire de l'opéra français publié chez Fayard, à L'Avant-scène opéra, et rédige de nombreux articles sur l'opéra. Il est compositeur et président de Millénaire III éditions.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
À la Staatsoper de Berlin, une TURANDOT-marionnette !
prochain post
MOÏSE ET PHARAON DE ROSSINI : LE RETOUR DU BEL CANTO AU THÉATRE DE L’ARCHEVÊCHÉ

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025