L’œuvre au programme étant bien trop courte pour occuper tout le concert, Valentin Tournet a proposé une courte première partie de vingt minutes alignant une suite d’airs de Rameau. Tout commence par l’ouverture du Temple de la gloire qui a brillé de tous les feux de deux cors naturels, deux trompettes et traversos qui, tout au long de la soirée, se sont fait remarquer par leur excellence. Puis, ce furent des airs essentiellement tirés des Boréades, avec deux gavottes, une contredanse et la poétique entrée de Polymnie. Il y eut aussi deux menuets de Zoroastre et, pour terminer, la chaconne finale des Indes Galantes, interprétée sans grande inspiration.
C’est d’ailleurs ce qui manque à ces Fêtes de Ramire, cet acte de ballet de 1745 à l’histoire singulière. Car voilà « une œuvre à laquelle ont collaboré trois des plus brillants esprits du XVIIIe siècle » comme nous en avertissait le programme. Certes, mais… Il s’agit d’une commande faite à Rameau et Voltaire par une cour qui souhaitait un remaniement de leur Princesse de Navarre, la comédie ballet qui venait de connaitre un vrai succès royal. Sauf que les deux larrons n’avaient pas le temps et qu’ils demandèrent à Rousseau de leur venir en aide.
Les mots de Voltaire sont édifiants : « Vous réunissez, monsieur, deux talents qui ont toujours été séparés jusqu’à présent. Voilà déjà deux bonnes raisons pour moi de vous estimer et de chercher à vous aimer. » Rousseau s’exécute, pour quelques récitatifs et airs, avec un résultat qui ne plut guère. Le fossé musical entre le compositeur du Devin du village et celui des Indes Galantes est… réel. Rameau dut retoucher l’ouverture de Jean-Jacques, qui ne reste pas, de fait, la plus inspirée.
Reste que, le 22 décembre 1745, la cour découvrait une œuvre mettant en scène une princesse espagnole captive à qui l’un de ses geôliers offre de superbes divertissements avant que l’amour ne les réunisse – sorte d’allégorie du mariage du dauphin Louis avec l’infante Marie Thérèse d’Espagne quelques mois plus tôt.
Si l’on retrouve des couleurs ramistes, disons que l’enthousiasme musical n’est pas au rendez-vous, malgré l’engagement des artistes : beaucoup de répétitions dans de multiples reprises, une action diluée par d’innombrables danses, des parties vocales déséquilibrées. C’est ainsi que la suivante de Fatime a plus de place que sa maîtresse.
Cela permet toutefois d’entendre avec plaisir Marie Théoleyre, Isbé à la voie légère et acidulée, aux côtés de la Fatime d’Apolline Raï-Westphal, aux chaudes inflexions – deux sopranos aux timbres bien différenciés. Quant à Ramire, le ténor aigu David Tricou lui a donné une présence et une flamme conquérante, sachant convaincre par une belle et puissante projection avec des aigus triomphants, comme dans son air « Grâces, plaisirs, amour ». Enfin, si le baryton Matthieu Walendzik impressionne tant par le timbre que par la musicalité, les courtes interventions d’Alice Ungerer et Jehanne Amzal ont peiné à convaincre.
Les interventions du chœur ont parfois manqué d’homogénéité, alors que l’orchestre de La Chapelle Harmonique, sans démériter, a manqué d’étoffe, sonnant parfois sec, malgré le travail du premier violon Pablo Valetti. La direction de Valentin Tournet n’y a pas été pour rien, qui demanderait plus de contrastes, de variété dans les reprises (particulièrement dans la vaste chacone finale).
Le disque va suivre, permettant peut-être de réévaluer notre jugement sur cette œuvre oubliée.
Fatime : Apolline Raï-Westphal
Ramire, Premier guerrier : David Tricou
Isbé, Troisième Grâce : Marie Théoleyre
Un devin, deuxième Guerrier, deuxième suivant : Matthieu Walendzik
Première Grâce : Alice Ungerer
Deuxième Grâce, première suivante de Ramire : Jehanne Amzal
Chœur et Orchestre La Chapelle Harmonique – Valentin Tournet
Les Fêtes de Ramire
Acte de ballet de Jean-Philippe Rameau, livret de Voltaire, créé à Versailles le 22 décembre 1745.
Opéra Royal de Versailles, concert du jeudi 22 mai 2025.