© Première Loge Opéra
Parmi les divers lieux où prennent place les concerts du Festival Verdi, le petit théâtre Girolamo Magnani de Fidenza (430 places), conçu par Nicola Bettoli, n’est pas le moins joli : son architecture néo-classique et les riches peintures qui décorent son intérieur en font un cadre ravissant pour les concerts ou récitals qui y sont organisés, tel celui donné par le baryton Amartuvshin Enkhbat ce samedi 5 octobre 2024.
Amartuvshin Enkhbat a, pour l’occasion, bénéficié de l’accompagnement pianistique fort soigné de Stefano Salvatori, qui brille particulièrement dans la Romanza senza parole dont il égrène avec talent les volutes poétiques, et surtout dans la transcription pour piano du prélude d’Aida, dont il révèle avec finesse les harmonies étranges et délicates.
En quelques années seulement (sa carrière internationale a véritablement démarré en 2017, à l’occasion de représentations de Rigoletto aux Arènes de Vérone), Amartuvshin Enkhbat est devenu un baryton incontournable dans le répertoire italien, et plus spécialement verdien. Le baryton mongol possède en effet à peu près toutes les qualités exigées par l’écriture du maître de Busseto : ce long et généreux récital en aura une nouvelle fois apporté la preuve.
La première partie consiste essentiellement en une mise en voix : les romances composées par Verdi en 1838 et 1845 sont parfois charmantes – et même un peu plus, tel le beau « Non t’accostare all’urna » –, souvent un peu ternes… et Amartuvshin Enkhbat, même s’il en délivre une interprétation de belle tenue, n’en semble guère familier : ses yeux ne décolleront pas de ses partitions au cours de cette première partie, ne favorisant guère l’établissement d’un vrai contact avec le public. Les romances choisies permettent néanmoins d’apprécier la grande maîtrise technique du chanteur (les gruppetti de « Ad una stella » sont rigoureusement respectés, la maîtrise du souffle impressionne…); et, ici ou là, le tempérament dramatique se révèle, comme dans le « Qui tutto è gioia; il ciel, la terra / Di natura sorridono all’incanto » de L’esule.
Mais c’est surtout au cours de la seconde partie du récital, entièrement consacrée à l’opéra, qu’Amartuvshin Enkhbat donnera toute la mesure de son formidable talent. Six longues scènes (les airs sont précédés de leur récitatif et suivis de leur cabalette, à l’exception du « Di Provenza » de Germont) sont ainsi généreusement offertes au public – scènes au cours desquelles l’art du baryton, à peine entaché d’une très légère méforme qui l’oblige de temps en temps à toussoter discrètement, se révélera dans toute son excellence : legato soyeux (« Di Provenza »), sens du clair-obscur (« Il balen del suo sorriso »), fougue (« O prodi miei ») confinant à la violence (« Urna fatale »), ou, a contrario, émotion contenue (« Dio di Giuda », « O vecchio cor che batti »)… : on ne sait qu’admirer le plus ! Le public ne s’y trompe pas, qui réserve au chanteur un véritable triomphe, le conduisant à proposer trois bis : rien moins que Rigoletto, Ernani et Macbeth !
À défaut d’avoir pu entendre cette année Amartuvshin Enkhbat à Parme dans une œuvre intégrale, on le retrouvera avec plaisir mardi 15 octobre à l’Opéra de Lyon, où il interprétera Charles Gérard dans un André Chénier (version de concert) très attendu…
Amartuvshin Enkhbat, baryton
Stefano Salvatori, piano
Sei romanze (1845)
Ad una stella
La seduzione
L’esule
Romanza senza parole (pour pianoforte)
Sei romanze (1838)
Non t’accostare all’urna
Sei romanze (1845)
Il tramonto
Brindisi
Luisa Miller
Sacra è la scelta
I due Foscari
O vecchio cor che batti
La traviata
Di Provenza il mare, il suol
Aida
Preludio (pianoforte)
Nabucco
Dio di Giuda….O prodi miei, seguitemi
Il trovatore
Il balen del suo sorriso
La forza del destino
Morir, tremenda cosa!…Urna fatale
Bis : Rigoletto, Ernani, Macbeth
1 commentaire
je me souviens de lui dans un Rigoletto à Garnier y a bien longtemps