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Trilogie mozartienne à Bordeaux : LES TROIS ÂGES DU LIBERTIN

par Pierre Brévignon 26 mai 2022
par Pierre Brévignon 26 mai 2022

© Eric Bouloumié

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Une exploration séduisante et joueuse de la trilogie Mozart-Da Ponte

Portée voilà sept ans sur les fonts baptismaux du sublime Théâtre du château de Drottningholm, en Suède, redonnée en 2017 dans le non moins sublime écrin de l’Opéra royal du château de Versailles, la trilogie Mozart-Da Ponte revisitée par Ivan Alexandre s’offre aujourd’hui – après un passage par le Liceu de Barcelone – au public bordelais. Qui lui fait un triomphe.

L’audace de la proposition a, il est vrai, de quoi séduire : appliquer aux trois chefs-d’œuvre mozartiens le même dispositif scénique, avec la même troupe de chanteurs. Ici, l’esprit saltimbanque prévaut, avec son décor léger – une scène dans la scène façon théâtre de tréteaux, éclairée de quinquets et flanquée de loges à vue – et ses comédiens récurrents, capables d’endosser les rôles les plus divers. Séduisant aussi pour l’œil, ce décor de géométrie pure où des portants de bois accueillent des pans de tissu ornés d’écriture ou de motifs cabalistiques, recomposant l’espace au gré de leur ouverture-fermeture. Pierre de touche de l’ensemble, les éclairages jaune-orangés évoquant la lueur des bougies et les costumes sobrement d’époque ajoutent à la beauté plastique d’une production alliant le classicisme d’un Jean-Pierre Ponnelle au dépouillement d’un Peter Brook.

La mise en scène associe les mêmes qualités de clarté, de simplicité, d’élégance – au point qu’on en viendrait parfois à souhaiter un peu plus de folie (Nozze), de violence (Don Giovanni), de cruauté (Così)… Mais les metteurs en scène d’opéra s’évertuent si souvent à convoquer le chaos, y compris lorsque rien ne le justifie, qu’il y a quelque chose de presque courageux dans la posture résolument anti-provocatrice adoptée par Alexandre.

Loin de travailler le déséquilibre, ce dernier relie ses lectures des trois opéras par un fil rouge qui en assure toute la cohérence : chaque volet de la trilogie Mozart-Da Ponte illustrerait un des trois âges du libertinage (sensuel, philosophique, intellectuel). Dans Le Nozze di Figaro, le page Chérubin est cette créature androgyne travaillée par des pulsions confuses, amoureuse de l’amour ; parvenue à sa maturité, elle devient le séducteur-destructeur de Don Giovanni ; lequel, à l’automne de sa vie, se mue en philosophe sans illusions sur la nature réelle de l’amour en général, et des femmes en particulier, qui manipule cyniquement deux jeunes couples. « Ainsi font-ils/elles tous/toutes » serait, au fond, l’idée force du triptyque mozartien : tous et toutes sont possédés par l’amour ; tous et toutes manipulent et détruisent ; tous et toutes finissent par trahir – et se réconcilier, même si la querelle esquissée dans le finale de Così laisse percer une ambiguïté sur la nature réelle de ce dénouement.

Belle réussite scénique, donc, et splendide démonstration musicale. Dans une production qui met tellement en avant la notion de « troupe », il y aurait quelque chose de presque injuste à pointer telle ou telle qualité individuelle. Comme le cinéma américain couronne parfois les « prestations d’ensemble » d’un Oscar spécial, on serait tenté de décerner une seule couronne de lauriers à la quinzaine de chanteuses et chanteurs remarquables par leur théâtralité, leur vocalità, leur engagement. Tout juste mettrons-nous l’accent sur le formidable Almaviva de Thomas Dolié (nous n’avons hélas pas pu entendre Florian Sempey), d’une noirceur qui rend d’autant plus bouleversante sa supplique finale ; sur la Despina de Miriam Albano, au tempérament bouffe électrisant ; sur Robert Gleadow qui fait de Leporello et de Figaro deux frères en révolte, avec une fragilité désarmante chez le premier et une force vitale qui emporte tout chez le second ; sur Julien Henric, dont le timbre d’une richesse de coloris étonnante sort Don Ottavio de sa pâleur habituelle… Et l’on gardera longtemps en mémoire le bouleversant  « Per piéta, ben mio… » de la Fiordiligi d’Ana Maria Labin.

L’acoustique à la fois enveloppante et précise de l’Opéra de Bordeaux fait merveille dans les ensembles – finale de l’acte I des Nozze di Figaro, quintette et trio de l’acte I de Così fan tutte, trio des maschere et sextuor de Don Giovanni – et offre à l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine une caisse de résonance idéale. Mozartien accompli, Marc Minkowski assure l’osmose entre la fosse et le plateau – le plus fascinant étant encore la faculté des chanteurs et chanteuses à rivaliser avec les tutti volontiers fracassants de l’orchestre. Mention spéciale, pour finir, au pianoforte malicieux de Maria Shabashova. Comme Mozart lui-même cite le Nozze di Figaro dans la scène du banquet de Don Giovanni, Alexandre s’est amusé à confier à la pianofortiste le soin d’illustrer son fil rouge thématique. C’est ainsi que quelques notes de Così s’égarent dans les Noces (où l’on aura aussi la surprise d’entendre Chérubin s’improviser Don Giovanni en entonnant les premières notes de « Deh, vieni a la finestra… »), ou que le « Notte et giorno faticar » de Leporello s’invite dans Così… Autant de clins d’œil qui parachèvent la lecture de cette nouvelle « carrière d’un débauché », comme aurait pu le dire Stravinski.

Les spectateurs de Drottningholm, de Versailles, de Barcelone et de Bordeaux ne s’y sont pas trompés en acclamant cette production : on a bien là affaire à une trilogie unique en son genre, d’ores et déjà gravée dans le canon des mises en scènes de Mozart.

Les artistes et le programme

Le Nozze de Figaro (1786)
Opera buffa en quatre actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte d’après Beaumarchais. Créé au Burgtheater de Vienne le 1er mai 1786.

Figaro : Robert Gleadow
Susanna : Angela Brower
Il Conte Almaviva : Thomas Dolié 
La Contessa : Ana Maria Labin
Cherubino : Miriam Albano
Don Basilio, Don Curzio : Paco Garcia
Marcellina : Alix Le Saux
Barbarina : Manon Lamaison

Don Giovanni (1787)
Dramma giocoso en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Créé au Théâtre des États de Prague le 29 octobre 1787.

Don Giovanni : Alexandre Duhamel
Leporello : Robert Gleadow
Donna Anna : Iulia Maria Dan
Donna Elvira : Ariana Vendittelli
Don Ottavio : Julien Henric
Masetto, Commendatore : Alex Rosen
Zerlina : Alix Le Saux

Così fan tutte (1790)
Opera buffa en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Créé au Burgtheater de Vienne le 26 janvier 1790.

Don Alfonso Alexandre Duhamel
Fiordiligi : Ana Maria Labin
Dorabella : Angela Brower
Ferrando : James Ley
Guglielmo : Robert Gleadow
Despina : Miriam Albano

 —————————————–

Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, Chœur de l’Opéra national de Bordeaux (direction : Salvatore Caputo), dir. : Marc Minkowski
Pianoforte : Maria Shabashova

Mise en scène : Ivan Alexandre
Décors et costumes : Antoine Fontaine
Lumières : Ivan Alexandre
Chorégraphie : Natalie Van Parys

Production originale Drotthningholms Slottsteater
Coproduction Château de Versailles Spectacles
Reprise en coproduction : Opéra National de Bordeaux, Fundación del Gran Teatre del Liceu, Les Musiciens du Louvre

Opéra national de Bordeaux, représentations des vendredi 20, dimanche 22 et lundi 23 mai 2022

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Alexandre DuhamelMarc MinkowskiRobert GleadowIvan Alexandre
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Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

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