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« Così maudit » à Strasbourg !

par Stéphane Lelièvre 20 avril 2022
par Stéphane Lelièvre 20 avril 2022
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"Così maudit" à Strasbourg !

Quand ça ne veut, pas, ça ne veut pas ! Alors que samedi dernier, Ambroisine Bré, souffrante, avait dû renoncer à chanter le rôle de Dorabella (elle s’est contentée de le mimer, une collègue appelée à la rescousse ayant assuré la partie vocale), les déboires se sont accumulés sur cette nouvelle production strasbourgeoise de Così fan tutte, contraignant l’équipe à annuler la représentation de ce mardi 19 avril. Annuler ? Pas tout à fait…

Désistements en cascades

Lorsqu’Alain Perroux paraît devant le rideau de scène avant que l’orchestre n’attaque  l’ouverture, on se dit qu’il va se contenter d’annoncer le forfait de la titulaire de Fiordiligi (Gemma Summerfield), ce dont les spectateurs qui avaient consulté le site de l’OnR étaient déjà informés. De fait, après Dorabella, c’est bel et bien Fiordiligi qui est tombée malade cette fois, en début de matinée, une pharyngite empêchant Gemma Summerfield d’interpréter (vocalement) le rôle-titre. Alain Perroux explique que l’OnR a cependant miraculeusement pu trouver une interprète qui tout à la fois connaissait le rôle de Fiordiligi et était disponible pour cette soirée du 19 avril. Il s’agit de Monika Buczkowska, actuellement en troupe à l’Opéra de Francfort où elle a d’ailleurs interprété ce même rôle lors de la présente saison. La perle rare ayant été trouvée à 13 heures seulement, il va de soi que Monika Buczkowska, arrivée à Strasbourg vers 16 heures, n’a nullement eu le temps de répéter : la soprano s’apprêtait donc à chanter sa partie depuis une loge, Gemma Summerfield devant mimer son rôle comme l’avait fait Ambroisine Bré trois jours plus tôt. C’était compter sans l’acharnement d’un destin particulièrement hostile : une heure environ avant le lever du rideau, c’est cette fois-ci l’interprète de Despina (Lauryna Bendžiūnaitė) qui déclarait forfait, victime d’un violent choc allergique ! N’était en jeu la santé des chanteuses, contraintes d’annuler malgré elles leur participation au spectacle, on serait tenté de dire que l’opéra de Mozart et Da Ponte aura rarement aussi  bien porté son titre ! Mais l’heure n’est pas à la plaisanterie, et nous souhaitons à Lauryna Bendžiūnaitė, Ambroisine Bré et Gemma Summerfield un  rétablissement aussi complet que rapide…

© Opéra national du Rhin, D.R.

Jouer quand même !

Alain Perroux annonce donc que la soirée est annulée et que les spectateurs peuvent, au choix, se faire rembourser leur place ou assister à une autre représentation… avant de préciser que les artistes « valides » et l’orchestre tiennent malgré tout à offrir aux spectateurs quelques pages du chef-d’œuvre de Mozart ! C’est ainsi que le premier acte sera finalement donné avec mise en scène jusqu’au moment où Despina est censée faire son apparition (c’est-à-dire jusqu’au trio « Sova sia il vento »), avant que les quatre chanteurs principaux n’interprètent tous leur(s) air(s), en version de concert cette fois, la représentation s’achevant avec le duo Fiordiligi/Ferrando « Fra gli amplessi ». Nous savons gré aux musiciens et chanteurs d’avoir offert ce très beau cadeau au public, forcément déçu mais qui néanmoins a manifesté très chaleureusement sa reconnaissance envers les artistes !

Nous nous garderons bien de porter quelque jugement que ce soit sur la mise en scène de David Hermann, que nous n’avons vue que de façon pour le moins… lacunaire ! Contentons-nous de remarquer que le spectacle, visiblement, ne fait pas le choix – comme trop souvent hélas – de l’indigence ou de la laideur (les costumes de Bettina Walter, les décors de Jo Schramm, les éclairages de Fabrice Kebour sont très séduisants à l’œil), et expliquons en quelques mots le concept du metteur en scène. L’action est transposée dans la première moitié du XXe siècle, qu’elle couvre presque intégralement : nous sommes dans l’immédiate avant première guerre mondiale lorsque le rideau se lève, et il se baissera, à la fin du second acte, à l’orée des années 50 (sans que les personnages aient pour autant vieilli physiquement). Si cette plongée au cœur de décennies particulièrement violentes et meurtrières confère à l’action une noirceur et un dramatisme étonnants (la mobilisation de Ferrando et Guglielmo, appelés à prendre part à la « Der des ders », est autrement plus glaçante que le départ convenu pour une guerre d’opérette qu’on nous donne habituellement à voir !), on peut se demander ce qu’il advient du pari proposé par Alfonso (faire changer les sentiments des deux femmes en l’espace d’une journée) dans une action dont la temporalité est à ce point étirée : s’il est pour le moins surprenant de changer complètement de sentiments au cours d’une seule journée, une telle métamorphose au bout de… quarante ans est nettement moins étonnante…  Mais encore une fois, pour nous prononcer, il aurait fallu voir le spectacle dans son intégralité !

Honneur aux braves !

Dans les conditions très particulières qui furent celles de cette soirée (les musiciens de l’orchestre découvraient presque en direct quels allaient être les morceaux interprétés au cours du concert !), chacun a fait de son mieux pour sauver ce qui pouvait l’être, et c’est finalement à une belle « version de concert d’extraits de Cosi  » que nous avons assisté.

© D.R.

On est déçu de n’avoir pu apprécier dans son ensemble la direction musicale de Duncan Ward, tant ce que nous avons entendu nous a fait bonne impression : l’ouverture est parfaite de vivacité et de nervosité, sans précipitation exagérée cependant, et fait entendre un très bel équilibre entre les différentes parties. Le caractère dramatique de sa lecture évite tout excès, et ménage comme il se doit de belles respirations au sein de la partition (« Soave sia il vento », « Un aura amorosa »,…). Reste à savoir quelle vision globale de l’œuvre le jeune chef anglais aurait dessinée s’il avait pu la diriger dans son intégralité…

L’Américain Jack Swanson est un Ferrando très convaincant : sa voix de ténor léger, placée quelque peu en arrière comme le sont parfois celles de certains ténors anglo-saxons (elle n’est pas sans rappeler celle d’un John Aller, par exemple), est agréable – et le phrasé est particulièrement soigné. Tout au plus aurait-on aimé une reprise de l’ « Aura amorosa » encore plus nuancée… Björn Bürger est un Guglielmo à la santé vocale insolente, qui ne fait qu’une bouchée de son « Donne mie ». Le rôle d’Alfonso ne s’inscrit peut-être pas dans les meilleurs notes de Nicolas Cavallier, dont les grands moyens rechignent parfois un peu à se plier à la souplesse de la ligne mozartienne. Mais l’incarnation du personnage (d’après, du moins, ce que nous avons pu en voir…), supérieur, cynique, désabusé, est pleinement convaincante !

Côté femmes, Ambroisine Bré, qui a courageusement accepté d’assurer la représentation, n’est visiblement pas totalement remise de sa méforme : la voix, ce soir, sonne un peu rêche et est dépourvue du velouté qui la caractérise habituellement… mais l’art du chant demeure, avec une attention particulière accordée aux nuances. Quant à Monika  Buczkowska, elle remporte un beau succès public, s’expliquant aussi bien par le fait qu’elle sauve – en partie ! – la soirée que par son talent propre : si sa voix ne possède pas la pureté instrumentale que l’on attend parfois dans ce rôle, sa technique aguerrie lui permet de venir à bout sans encombre des redoutables écarts de « Come scoglio » et « Per pietà » et de leurs vocalises finales, le rondo du second acte (agrémenté de discrètes variations dans les reprises) étant par ailleurs empreint d’une belle intériorité.

Une soirée tout à la fois marquée par la déception… et la reconnaissance. Bravo et merci aux artistes et à l’Opéra du Rhin d’avoir fait tout ce qu’ils ont pu pour offrir quelques beaux instants de musique malgré des circonstances pour le moins contraires !!

Les artistes

Fiordiligi : Monika  Buczkowska
Dorabella : Ambroisine Bré
Ferrando : Jack Swanson
Guglielmo : Björn Bürger
Don Alfonso : Nicolas Cavallier
Artistes de complément : Macha Bunzli, Arnaud Richard, Caroline Richard, Nicolas Umbdenstock

Orchestre philharmonique de Strasbourg, Chœur de l’Opéra national du Rhin, dir. Duncan Ward
Continuo Pianoforte : Tokiko Hosoya

Mise en scène : David Hermann
Décors : Jo Schramm
Costumes : Bettina Walter
Éclairages : Fabrice Kebour

Le programme

Così fan tutte, ossia La scuola degli amanti

Opera buffa en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Lorenzo da Ponte, créé le 26 janvier 1790 au Burgtheater de Vienne. 

Représentation pour partie scénique, pour partie concertante du mardi 19 avril 2022, Opéra du Rhin (Strasbourg)

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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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