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Production

Così Fan Tutte au Théâtre des Champs-Élysées – C’est Mozart qu’on enregistre !

par Pierre Brévignon 10 mars 2022
par Pierre Brévignon 10 mars 2022

Così fan tutte - TCE © Vincent Pontet

Così fan tutte - TCE © Vincent Pontet

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Così fan tutte - TCE © Vincent Pontet

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Grande soirée de chant mozartien, grand cafouillage de mise en scène

Dans son récent compte rendu de la production liégeoise de Rigoletto, notre confrère Romaric Hubert écrivait : « Le public a toujours raison ». Si, rapporté aux courbes d’audimat des chaînes de télé, l’apophtegme mérite d’être nuancé, la fréquentation des salles d’opéra par la sémillante équipe de Première Loge tendrait, elle, à l’accréditer. En tout cas, la première de Così fan tutte au Théâtre des Champs-Élysées hier soir le confirme. Au terme des trois heures de spectacle, le public a ainsi réservé : des applaudissements nourris et équitablement répartis aux trois chanteuses et aux trois chanteurs (pas d’effet « stars » vs seconds rôles) ; une ovation soutenue à la cheffe Emmanuelle Haïm et aux musiciens du Concert d’Astrée ; enfin, de copieuses salves de huées à l’équipe scénographique emmenée par le pourtant chevronné Laurent Pelly – dont la magnifique production du Barbier de Séville, voilà cinq ans, lui avait valu, sur la même scène, un accueil autrement plus enthousiaste. Sic transit gloria…

De fait, cette nouvelle production de Così fan tutte souffre d’un réel déséquilibre entre la qualité des prestations vocales et musicales et la proposition scénique confuse. Laurent Pelly précise dans sa note d’intention (rarement bon signe d’avoir besoin de s’y référer pour clarifier le propos du metteur en scène) qu’il voulait montrer comment des artistes participant à une session d’enregistrement de l’opéra de Mozart pouvaient se laisser peu à peu envahir par leur personnage. Idée séduisante, au fond (même si elle pourrait se plaquer sur n’importe quel autre opéra), comme paraît d’emblée séduisant ce décor de studio d’enregistrement « inspiré d’un immense studio qui existe réellement à Berlin » (ah. Et ?). Les tenues des protagonistes laissent deviner une vague décennie 1950, et l’on verrait pour un peu la silhouette de Walter Legge se profiler dans le box vitré qui surplombe la salle (dans cette transposition, le rôle du directeur artistique semble échoir à Don Alfonso, « aux manettes » de cette machination). Mais l’idée peine malheureusement à se matérialiser de façon convaincante, au point que le second acte semble y renoncer tout à fait, reléguant dans l’ombre l’encombrant fatras de micros, pupitres, empilement de chaises – tout juste s’offrent-ils un come-back dans le finale, comme pour justifier in extremis la proposition scénique…

Emmanuelle Haïm avait déjà dirigé Così en 2017 à Lille dans la lecture très politique de Christophe Honoré (qui campait l’action dans un camp militaire italien en Érythrée sous domination mussolinienne). Pour forcée qu’elle paraisse, la transposition tenait la route du début à la fin de l’œuvre. Ici, le spectateur constate, perplexe, un abandon en rase campagne. Et n’a plus qu’à considérer l’« habillage » de l’intrigue par Laurent Pelly comme un déguisement aussi peu crédible que celui de soldats albanais dont s’affublent Ferrando et Guglielmo pour prendre au piège les inconstantes Dorabella et Fiordiligi. Par chance, on l’a dit, le sextuor vocal ne se perd pas en méta-conjectures et se contente de l’essentiel : servir au mieux Mozart. Et avec quel talent ! Idéalement portés par un orchestre conjuguant verdeur baroque (aux bois parfois très verts) et clairs-obscurs préromantiques, dans des tempi se gardant de toute frénésie mais n’oubliant pas d’insuffler suffisamment d’allant et de contrastes à cette autre « folle journée », Vannina Santoni, Gaëlle Arquez et Laurène Paternò d’une part, Cyrille Dubois, Florian Sempey et Laurent Naouri d’autre part offrent une leçon de chant et de jeu d’ensemble exemplaire. Ce qui, dans un opéra où les duos, trios, quatuor, quintettes et sextuor l’emportent sur les airs solistes, se révèle capital. Résultat : de touchants « Di scrivermi ogni giorno…» et « Soave sia il vento… », un emballant sextuor « Alla bella Despinetta» et deux finales enlevés avec brio.

Emmanuelle Haïm ©DR

Dans ce récit où la duperie engendre la duperie, l’interaction entre les personnages repose souvent sur le dédoublement (de gestes, d’attitudes), et la paire Dubois-Sempey excelle à ce petit jeu. On a déjà vanté ici les qualités de comédien du jeune ténor, son partenaire Florian Sempey (qui a lui aussi connu le triomphe du Barbier de Pelly) n’a rien à lui envier sur ce plan, et la complémentarité de leur timbre vient ajouter sa pierre de touche à leur belle complicité dramatique. Même complémentarité complice chez Vannina Santoni et Gaëlle Arquez. Cette dernière passe avec une aisance admirable de l’air de fureur (« Smanie implacabili che m’agitate ») à l’air enjôleur (« È amore un ladroncello »), quand la blonde soprano déjà familière des grands rôles mozartiens (sa comtesse Almaviva, toujours au TCE en 2020, reste dans les mémoires), confirme cette affinité dans un poignant « Per pietà, ben mio, perdona…».

Mention spéciale enfin au troisième duo de l’œuvre : loin du machiavélisme dont certains metteurs en scène s’acharnent à le parer, Don Alfonso apparaît comme un « hénaurme » farceur dans la grande tradition de la commedia dell’arte, et Laurent Naouri semble s’amuser comme un fou à lui prêter son énergie et son timbre toujours vaillant. Quant à Laurène Paternò, irrésistible en medico nasillard comme en notaire vétilleux, son talent lui permet d’instiller un dose d’humanité touchante lorsque, face aux deux sœurs se moquant de sa capacité à séduire, elle se récrie : « Eh quoi, une femme de chambre n’a-t-elle pas le droit d’avoir deux soupirants ? » avant de se lancer dans un « Una donna a quindici anni » pétillant d’esprit.

L’ironie du calendrier aura voulu que cette première se déroule le lendemain du concert « L’Histoire de la musique au féminin » organisé par le festival Un Temps Pour Elles. On ne pouvait rêver meilleur prétexte que ce Così pour relancer cette guerre des sexes pour rire. Un temps pour eux, en somme…

Les artistes

Fiordiligi : Vannina Santoni, soprano
Dorabella : Gaëlle Arquez, mezzo-soprano
Ferrando : Cyrille Dubois, ténor
Guglielmo : Florian Sempey, baryton
Despina : Laurène Paternò, soprano
Don Alfonso : Laurent Naouri, baryton-basse 

Le Concert d’Astrée
Direction : Emmanuelle Haïm

Chœur Unikanti 
Direction : Gaël Darchen

Mise en scène et costumes : Laurent Pelly
Scénographie : Chantal Thomas 
Lumières : Joël Adam 
Collaboration aux costumes : Jean-Jacques Delmotte 

Le programme

Così Fan Tutte (1790)
Dramma giocoso de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo Da Ponte

Coproduction Théâtre des Champs-Élysées, Théâtre de Caen, Tokyo Nikikai Opera Fondation, Pacific Opera Victoria

Théâtre des Champs-Élysées, représentation du mercredi 09 mars 2022, 19h30

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Florian SempeyCyrille DuboisVannina SantoniLaurent PellyGaelle Arquez
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Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

3 commentaires

Anne Thiébaut 10 mars 2022 - 19 h 56 min

Une idée de mise en scène « qui pourrait se plaquer sur n’importe quel autre opéra », mais surtout déjà vue, revue, et re-revue…

Répondre
Hubert D'Illiers 16 mars 2022 - 9 h 09 min

Pas plus tard qu’il y a un mois à Garnier en effet (Noces de Figaro).

Répondre
Hubert 13 mars 2022 - 16 h 14 min

« Sic transit gloria » : un peu rapide, quand même. Qui n’a pas raté un spectacle, à part Strehler ? même Chéreau, même Vitez… quant à Honoré, question de goût (sa Tosca !).

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