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Flûte alors ! C’est déjà Noël à l’Opéra national de Lorraine

par Nicolas Le Clerre 20 décembre 2021
par Nicolas Le Clerre 20 décembre 2021
©Jean Louis Fernandez
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La Flûte enchantée à l’Opéra national de Lorraine

À l’approche des fêtes de fin d’année, l’Opéra de Nancy mise sur un titre du répertoire et sur une production aux couleurs acidulées. Comme celle de la bûche aux marrons du réveillon, la recette est connue mais le public en redemande.

Donjons et dragons au pays des macarons

Le public nancéien aime Mozart en général et apprécie tout particulièrement la partition de La Flûte enchantée. Après une production féérique mise en scène par Robert Fortune en 1993 et un spectacle singulièrement moins enthousiasmant au cours de la saison 2005-2006, les aventures de l’oiseleur Papageno et de la terrifiante Reine de la Nuit sont de retour à Nancy pour la troisième fois en moins de trente ans. Le Directeur Général de l’Opéra national de Lorraine, Matthieu Dussouillez, a effectivement retenu l’ultime chef d’œuvre mozartien comme l’un des jalons de sa saison thématique sobrement intitulée « Lumière ! ».

Combat cosmogonique entre les forces des ténèbres et celles de la lumière, réflexion morale sur le Bien et le Mal, conte pour enfants de tous les âges… la Flûte enchantée se prête volontiers à toutes les transpositions. Adepte des expérimentations scéniques audacieuses (avec son groupe de performance Oper rund um elle a déjà mis en scène La finta giardiniera de Mozart dans une jardinerie viennoise), la jeune metteuse en scène autrichienne Anna Bernreitner fait à Nancy le choix assez sage d’inscrire son spectacle dans une imagerie enfantine aux couleurs acidulées.

Au cœur de son dispositif, un grand décor tournant prend tour à tour des allures de palais idéal du facteur Cheval ou de pâtisserie Ladurée. Les changements à vue permettent en effet de passer en quelques instants d’une atmosphère à une autre : au lever de rideau, un grand rocher de carton-pâte dominé par la silhouette d’un château-fort évoque la forêt magique que traverse le prince Tamino avant qu’un demi-tour du décor sur lui-même cède la place à un palais aux murs ripolinés de couleurs guimauves. C’est effectivement dans une atmosphère de bonbonnière un peu kitsch que Sarastro retient Pamina prisonnière et que se déroule l’initiation de ceux qui pénétreront in fine dans le Temple de la sagesse.

Afin d’éviter à son spectacle l’écueil de la ringardise, Anna Bernreitner habille ce décor très classique de projections cartoonesques qui lui donnent vie. L’utilisation de la vidéo permet à la metteuse en scène de dresser de jolis tableaux parmi lesquels on retiendra le combat de Tamino contre le serpent, la première apparition de la Reine de la Nuit, au centre d’un grand ciel étoilé, et le combat de sortilèges auquel se livrent Pamina et sa mère pendant l’air « Der Hölle Rache ». Il n’empêche cependant que les deux esthétiques – la classique et la moderne – ont du mal à coexister, le réalisme cru des projections vidéo s’accordant mal à la poésie désuète mais charmante des décors en carton-pâte.

Le travail des costumiers Hannah Oellinger et Manfred Rainer s’inscrit dans le même univers pop-kitsch que les décors dont ils sont par ailleurs aussi les auteurs. Leur plus jolie trouvaille est incontestablement l’immense robe à crinoline dans laquelle les trois Dames doivent cohabiter et apprendre à coordonner leurs mouvements. On peut légitimement être plus dubitatif concernant le bermuda et les bottes de Sarastro qu’on dirait empruntés au dressing de Barbarella, voire trouver franchement laids les costumes des choristes, rayés de couleurs pastelles. Nettement plus réussis sont les perruques et postiches arborés par les principaux protagonistes : boucles blondes pour Tamino, chignons colorés et vaporeux comme des barbe-à-papas pour les trois Dames, barbe fleurie pour Sarastro… On devine aisément l’ambiance bon-enfant qui doit régner en coulisse au moment d’endosser la panoplie de chaque personnage.

En autrichien dans le texte

Aguerri de longue date à fréquenter Mozart, l’orchestre de l’Opéra national de Lorraine est riche de pupitres précis et rigoureux capables de tisser sous les voix des chanteurs un tapis musical chatoyant. Dès l’ouverture, flûtes et clarinettes dialoguent de manière virtuose et n’ont rien à envier en précision aux cordes qui sonnent claires et soyeuses, comme il convient que soit interprétée la musique de l’enfant chéri de Salzbourg. Ces qualités intrinsèques de l’orchestre font d’autant plus regretter les tempi étirés et maladroits choisis par le jeune chef néerlandais Bas Wiegers qui dirige à Nancy sa première Flûte enchantée. Au cœur de l’ouverture, les trois accords maçonniques interprétés de manière empesée laissent immédiatement présager que la légèreté viennoise ne sera guère, ce soir, de la partie. En dépit de ces maladresses, Bas Wiegers démontre une parfaite connaissance de la partition et délivre quelques somptueux moments musicaux comme le final du premier acte « Es lebe Sarastro ! Sarastro lebe ! » au cours duquel les artistes du chœur, les solistes et l’orchestre semblent parfaitement connectés les uns aux autres.

Dans le programme de salle, la metteuse en scène Anna Bernreitner insiste sur son goût pour l’accent autrichien indispensable, selon elle, pour restituer le caractère populaire du singspiel composé par Mozart. Force est de reconnaitre que Christina Gansch et Michael Nagl, tous deux de nationalité autrichienne, dominent la distribution de cette Flûte enchantée et délivrent chacun une belle leçon de chant mozartien. Dans le rôle de Pamina qu’on croirait composé pour elle, Christina Gansch peut faire valoir un timbre rond, des aigus arachnéens et des sons filés de toute beauté. Au deuxième acte, son aria « Ach, ich fühl’s » est un moment de grâce absolu qui touche directement au cœur. Tout aussi idiomatique est le Papageno de la jeune basse viennoise Michael Nagl dont l’entrée en scène, suspendu à plusieurs mètres du sol, impressionne autant qu’elle ravit les plus jeunes des spectateurs. Si ses talents de comédiens lui permettent de se couler idéalement dans le personnage d’homme-oiseau que la metteuse en scène a imaginé pour lui, l’artiste impressionne d’abord par la solidité du timbre, le brillant des notes les plus hautes et l’apparente simplicité de la manière dont il délivre la phrase mozartienne sans jamais donner le sentiment de forcer son instrument. Tour à tour enjoué dans « Der Vogelfänger bin ich ja » et bouleversant dans son grand récitatif accompagné « Diesen Baum da will ich zieren », c’est cependant dans le duo « Bei Männern, welche Liebe fühlen » que Michael Nagl se révèle un subtil chanteur et un artiste à suivre.

Les autres voix masculines de la distribution ne déméritent pas et servent chacune la partition de Mozart du mieux qu’elles peuvent. Dans le rôle de Tamino, le ténor américain Jack Swanson donne à entendre un timbre séduisant. La projection de l’instrument est parfaitement maitrisée et le jeune chanteur sait mettre là où il faut l’émotion que requiert la situation dramatique comme dans son aria du 1er acte « Dies Bildnis ist bezaubernd schön ». Familier du public nancéien devant lequel il s’est déjà produit en Commandeur dans une production de Don Giovanni reprise du festival d’Aix-en-Provence en 2017, David Leigh est Sarastro dès qu’il ouvre la bouche et l’on serait bien en peine de dire ce qui impressionne le plus de ses graves telluriques ou de sa ligne de chant impeccablement élégante. On est cependant en droit de regretter qu’avec un interprète de cette qualité la metteuse en scène n’ait pas cherché à davantage fouiller la psychologie de ce beau personnage tiraillé entre son devoir de préserver la Justice et son souci de transmettre la Sagesse. Rôle de caractère, Monostatos trouve en Mark Omvlee une voix claire et un joli tempérament d’acteur tandis que Christian Immler prête sa haute stature et son timbre de bronze aux courtes interventions de l’Orateur.

Impayables dans leur crinoline à trois places, les Dames composent un trio équilibré et bien chantant dont les timbres s’harmonisent de façon naturelle : Susanna Hurrell, Ramya Roy et Gala El Hadidi ont en partage des voix charnues à la pulpe séduisante, et leur plaisir de partager la scène – et le même costume – est communicatif ! Dans le rôle de Papagena, Anita Rosati n’a que quelques mesures à chanter mais ce sont celles du duo le plus charmant de l’opéra ! Elle s’en acquitte avec élégance et humour.

Dans chaque nouvelle production de La Flûte enchantée, l’interprète de la Reine de la Nuit est attendue au tournant de ses deux arie qui, chacune, réserve des difficultés pyrotechniques presque surhumaines. Pour souligner le caractère extraordinaire de ce personnage, Anna Bernreitner a imaginé de l’habiller d’une somptueuse robe cendrée aux éclats d’argent, comparable à la robe couleur de lune de Peau d’âne, et de la suspendre dans les airs, comme en lévitation. Les images sont sublimes et l’apparition de Christina Poulitsi au milieu d’un ciel d’encre constellé d’étoiles s’inscrit dans la mémoire du spectateur comme un des temps forts de cette soirée. Vocalement, la prestation de la soprano grecque laisse un sentiment plus mitigé. Est-ce l’effet du trac ou d’un vertige mal maîtrisé ? Dans son premier air « O zitt’re nicht », Christina Poulitsi semble privée d’une grande part des moyens qui lui ont valu de chanter la Reine de la Nuit sur de nombreuses scènes à travers le monde ; la projection est trop limitée et les aigus, excessivement prudents, déconcertent un peu. La seconde aria « Der Hölle Rache » corrige sensiblement cette première impression : la chanteuse projette mieux son instrument et les notes aigües sont toutes en place, acérées comme des éclats de verre.

Peu sollicités par la partition de La Flûte enchantée, les chœurs de l’Opéra national de Lorraine n’en restent pas moins vaillants et idiomatiques. C’est d’ailleurs de leurs rangs que sont issus les deux hommes d’armes Ill Ju Lee et Benjamin Colin ainsi que les chanteuses qui, depuis une loge d’avant-scène, ont dû remplacer au pied levé les trois enfants empêchés d’assumer leur rôle pour cause de Covid.

Au rideau final, le public nancéien – en partie composé de scolaires et de nombreux enfants qui accompagnaient leurs parents au spectacle – n’a pas ménagé ses applaudissements ni son enthousiasme pour saluer cette Flûte enchantée aux saveurs sucrées comme une friandise de Noël.

Les artistes

Pamina   Christina Gansch
La Reine de la Nuit   Christina Poulitsi
Première Dame   Susanna Hurrell
Deuxième Dame   Ramya Roy
Troisième Dame   Gala El Hadidi
Papagena   Anita Rosati
Tamino   Jack Swanson
Sarastro   David Leigh
Papageno   Michael Nagl
Monostatos   Mark Omvlee
L’orateur   Christian Immler
Premier homme d’armes Ill Ju Lee
Second homme d’armes   Benjamin Colin

Chœur de l’Opéra national de Lorraine, dir.   Guillaume Fauchère
Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, dir.   Bas Wiegers

Mise en scène   Anna Bernreitner

Le programme

La Flûte enchantée

Opéra en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Emmanuel Schikaneder. Créé au Theater auf der Wieden à Vienne le 30 septembre 1791.

Opéra national de Lorraine, Nancy, vendredi 17 décembre 2021

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Christina GanschJack SwansonMichael Nagl
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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