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Intolleranza 1960, la violence au bout de la musique

par Gilles Charlassier 30 août 2021
par Gilles Charlassier 30 août 2021

Anna Maria Chiuri

Sean Panikkar

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1,4K

Crédit photos : © SF / Maarten Vanden Abeele

Salzbourg 2021 : Luigi Nono, Intolleranza 1960

Cinquante ans après sa création à la Biennale de Venise en 1961, Intolleranza 1960, la première des trois grandes pièces scéniques de Nono, est donnée pour la première fois à Salzbourg. Pour l’événement, le festival autrichien, qui célèbre son centenaire avec un décalage d’une année en raison de la pandémie réduisant le programme du cru 2020, a d’ailleurs installé une exposition dans la mezzanine du foyer de la Felsenreitschule où sont collationnées des reproductions des toiles conçues par Emilio Vedova pour la première mondiale à Venise, ainsi que des documents relatifs à la réception de l’œuvre.

Utilisant les codes de l‘art protest, l’ouvrage ne manque pas d’être en prise avec son époque. L’argument décrit la lutte d’un immigré, venu travailler dans les mines en France et tenté par le retour au pays. Son chemin affronte les violences sociales et politiques de son temps. Dans le texte de 1961, on retrouve pas exemple des allusions à la guerre d’Algérie, et cette dialectique avec l’aujourd’hui a sans doute poussé Nono à réviser l’opus pour une reprise sous forme d’opéra en un acte à Florence en 1974, Intolleranza 1970. Présenter cette action scénique ne doit certainement pas faire l’impasse sur les soubresauts contemporains, et la question migratoire actuelle s’invite presque inévitablement dans le spectacle réglé par Jan Lauwers. Pour autant, Nono va bien au-delà de l’anecdote, et plonge sa réflexion musicale et politique dans l’histoire multiséculaire de l’exil. Eclairées par un spicilège de textes, puisant chez Alleg, Brecht, Eluard, Maïakovski, Fucik et Sartre, et qui constituent l’essentiel du livret, les péripéties de l’émigrant, ses obstacles économiques plus que raciaux, sont, par-delà des motivations autres, un visage moderne de l’errance d’Ulysse.

Cependant, plus que le contenu du message politique, c’est sa forme et son originalité esthétiques qui assurent la force d’Intolleranza. Les vastes dimensions de la Felsenreitschule et l’excellence de la réalisation musicale peuvent lui rendre justice. Les déambulations circulaires des figurants, pour lesquels on a veillé à un métissage plus large que celui auquel le monde opératique est habitué, soulignent la fuite migratoire avec une redondance qui perturbe l’identification des solistes dans la première partie, rendue encore plus délicate par le foisonnement chorégraphique mimant les violences physiques et psychologiques, que Jan Lauwers et Paul Blackman confient aux danseurs du BODHI PROJECT und SEAD – Salzburg Experimental Academy of Dance – ainsi qu’à trois performeurs de la Needcompany. On pourra également discuter la pertinence de la substitution de la première scène de la seconde partie, avec ses bandes magnétiques évoquant la menace atomique, par un monologue – dévolu, en anglais et non dans l’italien de l’ensemble de l’ouvrage, à Victor Afung Lauwers – d’un poète aveugle frappé d’une impatience parkinsonienne qui finit par devenir lassante. Pour autant, le texte du metteur en scène, réactualisant une sorte de rédemption christique, ne jure pas dans la dynamique dramaturgique de Nono. Mais le mapping vidéographique, réalisé avec Ken Hioco, qui donne aux séquences du plateau un bleuté d’archives – qui auraient d’ailleurs pu être enrichies par un fonds historique –, l’efficacité de la spatialisation sonore, confiée à Paul Jeukedrup, ainsi que le sens pictural des tableaux scénographiques réglés par Jan Lauwers participent de la puissance visuelle d’un spectacle parfois aux confins du rituel.

Et avec les pupitres du Wiener Philharmoniker – dont harpe et percussions sont réparties sur les tribunes latérales du plateau – sous la direction d’Ingo Metzmacher, les richesses d’une partition hautement exigeante sont magistralement défendues. Emmenée par un avocat passionné et renommée de la musique des vingtième et vingt-et-unième siècles, la présente lecture équilibre le contraste entre la véhémence percussive, qui peut être invasive, et une subtilité fascinante dans les textures des cordes, pour faire vibrer la cohérence poétique du discours, portée par une écriture chorale littéralement inouïe. Préparés par Huw Rhys James, les effectifs du Wiener Staatsopernchor se révèlent à la hauteur des enjeux d’une écriture remarquablement difficile.

Quant aux solistes, ils assument également, avec un engagement admirable, les risques d’une vocalité tendue vers l’expression. Sean Pannikar affronte les extrêmes de la tessiture de ténor qui écartèlent la souffrance de l’émigrant, aux côtés de sa compagne investie par une Sarah Maria Sun non moins attentive à l’intégrité musicale. Le mezzo sombre d’Anna Maria Chiuri confère à la femme d’autres nuances de l’inquiétude, quand les deux rôles de l’Algérien et du torturé reviennent aux voix plus graves d’Antonio Yang et Musa Ngqungwana, et complètent l’intensité dramatique de cette production, qui, au-delà de quelques menues réserves, restitue l’inimitable inspiration d‘Intolleranza 1960. On en regretterait presque qu’il faille les moyens d’un Festival de Salzbourg pour rendre justice à Nono, tant on aimerait voir son urgence intemporelle mieux servie et plus souvent dans les programmations européennes.

Les artistes

Un émigrant : Sean Panikkar 
Sa compagne : Sarah Maria Sun 
Une femme : Anna Maria Chiuri 
Un algérien : Antonio Yang 
Un torturé : Musa Ngqungwana 
Le poète : Victor Afung Lauwers 

  • Dancers of BODHI PROJECT
    and SEAD — Salzburg Experimental Academy of Dance
     
  • Concert Association of the Vienna State Opera Chorus 
  • Huw Rhys James Chorus Master 
  • Vienna Philharmonic

Wiener Philharmoniker, Concert Association of the Vienna State Opera Chorus, dir. Ingo Metzmacher.

BODHI PROJECT and SEAD — Salzburg Experimental Academy of Dance, chorégraphie Jan Lauwers et Paul Blackman.

Jan Lauwers : mise en scène

Le programme

Intolleranza 1960

Action scénique en deux parties (1961) de Luigi Nono d’après une idée d’Angelo Maria Ripellino, livret du compositeur basé sur des textes de Henri Alleg, Bertolt Brecht, Paul Éluard, Julius Fučík, Vladimir Mayakovsky, Angelo Maria Ripellino et Jean-Paul Sartretextes,  créée à Venise en 1961.

Représentation du 26 août 2021,  Festival de Salzbourg,  Felsenreitschule.

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Festival de SalzbourgLuigi Nono
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Gilles Charlassier

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