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Les festivals de l’été – Munich : un Vaisseau fantôme… « fantastique »

par Stéphane Lelièvre 8 juillet 2021
par Stéphane Lelièvre 8 juillet 2021
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Crédit photos :  © Wilfried Hösl

Musicalement, ce fut une belle soirée : Simone Young dirige l’œuvre avec toute la fougue requise, en ménageant comme il se doit de beaux moments de poésie et de lyrisme. Elle reçoit au rideau final un accueil chaleureux parfaitement mérité. Les chœurs, et plus encore l’orchestre sont impressionnants de ferveur et d’engagement. Le plateau vocal, sans être irréprochable, est quant à lui fort convaincant. Dans les courtes interventions de Mary, Tanja Ariane Baumgartner fait entendre une voix bien timbrée et un chant soigné. Le timonier de Manuel Günther comporte ce mélange de lyrisme et d’enthousiasme requis par le rôle. À un ou deux aigus près, légèrement étriqués, Tomislav Mužek est un très bel Erik, au chant tantôt tendre, tantôt passionné et fougueux, et Ain Anger est un Daland sobre et bien chantant, sans cet excès de bonhomie qui peut parfois agacer dans certaines interprétations.

Tomasz Konieczny remporte un grand succès en Hollandais. Sa stature et sa présence scénique impressionnent, de même que sa puissance vocale. Pourtant, une ligne de chant excessivement hachée ainsi qu’une nasalisation assez généralisée dans l’émission et une tendance à détimbrer dans le chant piano retirent à son chant un certain raffinement ; in fine, le portrait du Hollandais qui se dessine est peut-être trop uniformément noir et brutal, sans cette part de tendresse qui pourtant le caractérise également. Enfin, c’est Anja Kampe qui interprète Senta, avec le talent qu’on lui connaît : technique aguerrie, voix chaude, longue et puissante mais capable de belles nuances… Ce soir, les aigus se font un peu rebelles (et même réfractaires au deuxième acte !). Heureusement, le public ne lui en tient nullement rigueur au rideau final, saluant chaleureusement un investissement vocal et dramatique remarquable. 

Sur le plan scénique, des trois opéras du Festival de Munich chroniqués par Première Loge cette année (voyez également nos comptes rendus de Tristan et Isolde et du Freischütz),  Le Vaisseau fantôme est celui qui nous a le plus intéressé. Le livret est de ceux qui se prêtent le plus facilement à des lectures psychanalytiques, et les metteurs en scène ne se sont guère privés, depuis longtemps, de s’engouffrer dans cette voie, de Harry Kupfer en 1978 (dont la lecture, qui demeure l’une des plus magistrales jamais proposées de l’œuvre, se double d’une satire sociale très acerbe) à Philipp Stöltz plus récemment (Bâle, 2009). De façon originale, Peter Konwitschny, sans pour autant négliger la psychologie des personnages, choisit une option a priori moins porteuse vis-à-vis du public ou de la critique des XXe et XXIe siècles : celle consistant à renouer avec la dimension  fantastique de l’opéra, essentielle mais presque toujours négligée – car considérée sans doute aujourd’hui, bêtement, comme puérile.

Pour ce faire, Konwitschny inscrit l’action du livret dans le monde contemporain, non pour obéir à un simple effet de mode mais pour rendre encore plus surprenante et inquiétante l’apparition du Hollandais et de son équipage, projetés depuis l’époque où ils ont fait naufrage (sans doute le XVIIe siècle si l’on en croit leurs costumes, les apparentant à des portraits qui pourraient être signés Rembrandt ou van Dyck) dans un univers ultra contemporain. À cet égard, l’apparition pour le moins surprenante, au second acte, d’une salle de fitness – les compagnes de Senta ne filent pas leur rouet mais pédalent en cadence sur des « vélos spinning » en chantant leur « Summ’ und brumm’ » ! – est à la fois comique, dérangeante, et efficace dramatiquement : on a rarement à ce point mis en lumière le fait que Senta (obsédée par une peinture flamande du XVIIe) n’ait strictement rien à partager avec ses comparses (dont le seul souci semble être de brûler quelques calories en s’agitant dans des tenues flashy). L’irruption brutale d’une temporalité autre, celle du passé – ou de l’intemporalité et de la légende – dans ce contexte plein de prosaïsme et de superficialité, via la ballade de Senta et ses premiers accords pleins de rage et de férocité, fait basculer la scène dans l’angoisse…

… tout comme le cadre choisi par Konwitschny pour le dernier acte : nous sommes non pas sur le quai, devant le vaisseau du Hollandais, mais dans une taverne où se côtoient deux groupes de marins, ceux de Daland qui festoient bruyamment, ceux du Hollandais, silencieusement attablés, immobiles, têtes baissées, se contenant de plus en plus difficilement face aux provocations de leurs collègues norvégiens, avant de perdre patience, de se lever brutalement, et de mettre les marins de Daland sous leur joug, faisant basculer cette scène de réjouissances dans l’horreur…

À la fin de l’opéra, Senta, devenue folle, entraîne dans son suicide toutes les personnes présentes en une sorte de sacrifice collectif, la taverne disparaissant dans une formidable explosion. Le dernier tableau est glaçant : les marins, le Hollandais, Erik, Senta sont debout, comme statufiés, à l’avant-scène, ayant définitivement basculé « de l’autre côté ». Les derniers accords de l’œuvre ne nous arrivent qu’étouffés, comme s’ils parvenaient à grand peine de l’autre monde – le monde réel que les personnage du drame ont définitivement quitté.

Voilà une lecture novatrice, intelligemment pensée, forte dramatiquement, et d’une lisibilité constante (nul besoin de projection de textes pour nous expliquer qui est qui, qui fait quoi, ou qui pense quoi…).

Les artistes
Der Holländer   Tomasz Konieczny
Daland   Ain Anger
Erik   Tomislav Mužek
Der Steuermann   Manuel Günther
Senta   Anja Kampe
Mary   Tanja Ariane Baumgartner
Bayerisches Staatsorchester, Chor und Extrachor der Bayerischen Staatsoper, dir. Simone Young
Mise en scène   Peter Konwitschny
Le programme

Der fliegende Holländer (Le Vaisseau fantôme)

Opéra romantique en trois actes de Richard Wagner, livret du compositeur d’après Mémoires de Monsieur de Schnabelewopski de Heinrich Heine, créé au Königliches Sächsisches Hoftheater (Dresde) le 2 janvier 1843.

Représentation du mercredi 7 juillet 2021, Münchner Opernfestspiele.

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WagnerPeter KonwitschnyAnja KampeTomasz Konieczny
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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