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Streaming : Dijon recrée le Palazzo incantato de Rossi

par Renato Verga 10 février 2021
par Renato Verga 10 février 2021
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© Gilles Abegg – Opéra de Dijon

Opéra de Dijon : Il Palazzo incantato de Luigi Rossi

Redécouverte du Palazzo incantato de Rossi à l’Opéra de Djon, sous la houlette de Leonardo García Alarcón. Un spectacle porté par une belle mise en scène, même si l’œuvre se trouve privée de sa dimension fantastique.

Le premier opéra de Luigi Rossi

Rome, Teatro delle Quattro Fontane, Palais Barberini, 22 février 1642. Le « virtuose de chambre » Luigi Rossi, déjà à la solde du prince Marco Antonio Borghese depuis vingt ans et auteur de centaines de cantates d’église, présente son premier opéra, un somptueux « acte en musique » : Il palazzo incantato o vero La guerriera amante en un prologue et trois actes.
Dans la distribution, strictement masculine, le célèbre castrat Marc’Antonio Pasqualini domine. À tel point que les spectateurs se plaignent de ne plus entendre que lui, bien que son art ne soit comparable à nul autre. De plus, la machinerie très coûteuse de la scénographie spectaculaire conçue par Andrea Sacchi et peinte par Filippo Gagliardi (Astolfo entrant en scène sur l’hippogriffe, Angelica disparaissant grâce à l’anneau magique, Atlas se transformant en géant puis en faux Ruggiero, et le palais qui disparaissant t à la fin de l’opéra) n’a pas fonctionné comme prévu ; et l’opéra a été jugé « long et larmoyant ». Mais c’est néanmoins un succès, dont l’écho s’est fait sentir dans toute l’Europe. Et c’est sur la notoriété du Palais enchanté que Rossi a été chargé par Mazarin d’écrire Orphée, son autre opéra.
Inspiré du Chant XII d’Orlando Furioso, le livret de Giulio Rospigliosi, librettiste d’Il Sant’Alessio de Landi et futur pape Clément IX, raconte l’histoire d’Angélique emprisonnée dans le palais d’Atlas, un labyrinthe où les chevaliers restent prisonniers d’un mécanisme de miroirs et d’images insaisissables.

Un livret inspiré de Roland furieux

Dans le prologue, Peinture, Poésie, Musique et Magie se demandent lequel des quatre arts est le plus précieux. La réponse viendra des événements racontant la bravoure de Ruggiero.
Acte I. Le magicien Atlante a construit un palais enchanté dans lequel, au milieu de vastes salles, de longs escaliers et de délicieuses loggias, les dames et les chevaliers errent, à la recherche d’amis et d’amours perdus. Orlando, Ferraù et Sacripante arrivent, tous à la recherche d’Angelica. Marfisa et l’audacieux Bradamante arrivent également, dans l’espoir de rencontrer et de libérer son bien-aimé Ruggiero. Ruggiero, qui cherche à rencontrer Bradamante, rencontre Angelica à sa place. Pendant que les personnages poursuivent leurs quêtes et que Bradamante, se croyant trahie, se révolte contre son bien-aimé, un chœur de fantômes chante les jeux trompeurs de l’amour.
Acte II. Bradamante envisage de tuer Ruggiero ; mais grâce à une intervention d’Atlante qui envoie à Angelica un portrait de Medoro, la jalousie de l’héroïne s’estompe. L’arrivée inattendue et prématurée d’Astolfo oblige le magicien à modifier ses plans. Atlante neutralise Astolfo, en le tranformant aux yeux de chacun en adversaire dangereux à éliminer.
Acte III. Pourtant, ce n’est pas la présence d’Astolfo mais la bravoure de Ruggiero qui réussira à rompre le sort. En effet, pour empêcher l’union des deux amants enfin réunis, Atlante se transforme en un faux Ruggiero. Mais à l’idée de se battre en duel avec le vrai Ruggiero, le magicien est contraint de se rendre. Le pouvoir de l’amour a pris le dessus sur la magie ; dames et chevaliers sont réunis et le palais disparaît.

Leonardo García Alarcón, maître d'oeuvre de cette redécouverte

Ces dernières années, les représentations du Palais Enchanté n’ont pas manqué : Teatro Comunale di Foggia (1998), Théâtre de Poissy (2008) ; Ludwigsburger Schlossfestspiele (2011, avec l’Arpeggiata et une mise en scène de Mimmo Cuticchio). C’est maintenant au tour de l’Opéra de Dijon, qui, par ses choix artistiques novateurs, est devenu l’une des grandes maisons d’opéra françaises, au point d’être considéré comme un Théâtre Lyrique d’Intérêt National.

Vingt ans exactement après avoir découvert le manuscrit dans la bibliothèque du Vatican, après avoir été frappé par la richesse de sa musique, à la tête de la Cappella Mediterranea, le chef d’orchestre argentin Leonardo García Alarcón s’attaque à la difficile tâche de présenter au public moderne le plus grand opéra de cour jamais vu en Italie, un opéra qui durait à l’origine sept heures, avec un texte de près de huit cents vers. Malgré les coupures, l’œuvre dure plus de trois heures et demie de recitar cantando où ne manquent pas les pages magistrales d’une grande beauté et d’une grande intensité expressive, mais où la musique évite généralement les contrastes violents des passions opposées, ce qui entraîne une certaine uniformité de ton, imprégnée d’un seul sentiment : celui d’une mélancolie suffocante et langoureuse.
Alarcón ne se laisse pas décourager par la difficulté et tient avec enthousiasme les rênes de cette entreprise gigantesque, parvenant à réunir une immense distribution de grande qualité. L’appareil musical extrêmement complexe, avec dix-huit chanteurs dans 24 rôles différents, des doubles chœurs à six, huit et dix voix et un triple chœur de clôture à douze voix, sonne  avec une grande richesse de couleurs instrumentales. Le recitar cantando, se déployant sur une robuste basse continue, est divisé en pas moins de 40 scènes différentes et est ponctué par des moments vocaux plus fleuris sur des rythmes de danse animés. Des symphonies instrumentales et trois finales grandioses avec chœurs complètent la musique de ce prototype de grand opéra. Dans Il palazzo incantato, on entend aussi le premier duo d’amour du mélodrame, celui qui ouvre le troisième acte, « Se spiegando Amore i vanni » entre Bradamante et Ruggiero, et qui anticipe de huit mois le célèbre « Pur ti miro » du Couronnement de Poppée. Francesco Barberini, lui-même cardinal, aurait aimé qu’un couple formé d’un homme et d’une femme chante cette pièce, mais il était absolument impossible de permettre à une femme de fouler la scène d’un théâtre romain, c’est pourquoi le duo eut lieu entre un castrat et d’un ténor. Le duo fit à la fois sensation et scandale.

Le spectacle de Dijon

La production de Dijon est signée Fabrice Murgia, un acteur et réalisateur belge de trente-sept ans. C’est sa première véritable production d’opéra, et certainement la plus ambitieuse. Murgia réussit à apporter sur la scène de l’opéra sa grande sensibilité d’acteur de théâtre dans le jeu de chanteurs, lesquels ne sont pas toujours réceptifs à de telles demandes. Ici cependant, le miracle a lieu, notamment grâce à une équipe de jeunes interprètes.
La scénographie créée par Vincent Lemaire pour le long premier acte est complexe. La scène est divisée en deux niveaux : à l’étage inférieur, des sections qui tournent pour créer continuellement de nouveaux environnements – les chambres d’un hôtel, les cellules d’une prison, l’intérieur d’un ascenseur, un salon d’aéroport… – avec un effet très cinématographique ; à l’étage supérieur, une série de portes numérotées, comme celles d’un hôtel/bordel, mais plus souvent un écran sur lequel sont projetées les images filmées par des caméras mobiles : ce n’est certes pas une nouveauté dans le monde de l’opéra moderne, mais cela reste efficace. L’aspect labyrinthique du palais d’Atlas est très bien rendu par le changement continu des décors, tourbillonnant notamment dans le final du premier acte avec tous les personnages qui se cherchent pendant que le chœur entonne solennellement et tristement : « Oh, comme il est difficile de ne pas trouver qui on aime ! ». Le deuxième acte est minimal, avec un vide noir qui engloutit les personnages, tandis que le troisième acte est lumineux, avec un rideau de fils qui descend d’en haut. À ce stade, la scénographie est un peu décevante par rapport à ce que nous avons vu auparavant : la disparition du château pendant le finale, qui était le point fort, spectaculaire, de la première au Palazzo Barberini, ne se reproduit pas ici. Deux danseurs prennent en charge les mouvements de krump moderne – déjà vus dans les mémorables Indes galantes à l’Opéra Bastille, également dirigé par Alarcón – pour accompagner le magnifique « Di cupido entro alla reggia » des Nymphes, puis le finale.

Il manque à la lecture de Fabrice Murgia l’élément fantastique : les décors sont grossièrement réalistes, et l’élément fictionnel apporté par les castrats dans des rôles travestis est également absent : ici les hommes sont incarnés par des chanteurs et les femmes par des sopranos. Les longues répétitions ont permis d’obtenir beaucoup de naturel chez les interprètes, presque tous étrangers, mais dotés d’une diction moyennement acceptable. À un niveau d’excellence se trouvent les cinq sopranos : Adriana Vendittelli, l’intense Angélique ; Deanna Breiwick,  la Peinture (pendant le Prologue) et l’ « amant guerrier » Bradamante ; Lucía Martín-Cartón, la Musique et Olympia ; Mariana Flores, la Magie, Marfisa et Doralice ; Gwendoline Blondeel, la Poésie et Fiordiligi. Les chanteurs Victor Sicard, Orlando ; Fabio Trümpy, Ruggiero ; Valerio Contaldo, Ferraù et Astolfo ; Mark Milhofer, Atlante faisant autorité, sont également excellents. Le contrôle vocal d’André Lacerda (Alceste), en revanche, n’avait a paru insuffisant. Les basses Grigory Soloviov (Gigante, Sacripante et Gradasso) et Alexander Miminoshvili (Mandricardo) ne se sont pas toujours montrées très à l’aise dans leur tessiture. Un contre-ténor, Kacper Szelążek, chante les parties du Nain et du Prasildo. Le chœur est situé dans les stalles, dûment espacé et masqué.

Les représentations prévues ont été annulées en raison de restrictions sanitaires, mais une captation a heureusement été enregistrée, et est diffusée sur OperaVision.

Pour lire la version orignale de cet article (en italien), c’est ici ! 

Les artistes

Orlando Victor Sicard
Ruggiero  Fabio Trümpy
Atlante   Mark Milhofer
Gigante / Sacripante / Gradasso   Grigory Soloviov
Prasildo / Le Nain   Kacper Szelążek
Alceste   André Lacerda
Ferrau / Astolfo   Valerio Contaldo
Mandricardo   Alexander Miminoshvili
Angelica  Arianna Vendittelli
Bradamante / La Peinture   Deanna Breiwick
Olympia / La Musique   Lucía Martín-Cartón
Marfisa / La Magie / DoraliceMariana Flores
Fiordiligi / La Poésie   Gwendoline Blondeel

Chœur de l’Opéra de Dijon, Chœur de Chambre de Namur,  Cappella Mediterranea, dir. Leonardo García Alarcón.

Mise en scène  Fabrice Murgia

Le programme

Il Palazzo incantato

 Azione in musica (action en musique) en trois actes avec prologue de Luigi Rossi, livret de Giulio Rospigliosi d’après Orlando furioso de l’Arioste, créé au Teatro delle Quattro Fontane Palazzo Barberini, Rome, le 22 février 1642.

Enregistré le 5 décembre 2020 à  l’Opéra de Dijon.

 

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Leonardo García AlarcónMariana FloresVictor Sicard
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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