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Naples : Attila de chair et de feu !

par Hervé Casini 3 mai 2025
par Hervé Casini 3 mai 2025

Vincenzo Milletarì - © Luciano Romano

© Luciano Romano

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Dans une salle chauffée à blanc, portée par des voix à l’endurance exceptionnelle, Attila, l’un des ouvrages de ce que Verdi lui-même appelait ses « années de galère », met le feu au Teatro San Carlo !

De la période qui voit, avec Oberto (1839), les débuts du « cygne de Busseto » jusqu’à Rigoletto (1851) qui donne le coup d’envoi d’une nouvelle conception de l’opéra verdien, Attila a su se maintenir au répertoire et nous gardons toujours vif à l’esprit les nombreuses reprises marseillaises de la production mise en scène dans les années 1970-80 par Jacques Karpo, pionnier dans l’hexagone…

Pour réussir son Attila il faut, bien sûr, quatre voix rompues à ce type de répertoire intermédiaire, issu du bel canto romantique mais qui n’en est plus tout à fait, où il faut savoir vocaliser – Ignazio Marini, le créateur du rôle-titre, était un grand Maometto chez Rossini ! – sans que cela ne se fasse aux dépens de l’expression et d’une indispensable vérité dramatique dont Verdi se fera, plus tard, l’un des champions. Pour autant, il serait erroné de penser que le rôle du chef d’orchestre se limite ici à accompagner ces super-solistes, alors que la partition nécessite en soi précision rythmique, sens du phrasé et tension théâtrale. De fait, toutes ces qualités se retrouvent dans la direction vif-argent de Vincenzo Milletarì, maestro concertatore originaire de Tarente, dont la presse transalpine a déjà régulièrement l’occasion de venter les mérites et la connaissance approfondie des partitions qu’il aborde : ce n’est, effectivement, pas le moindre des avantages de cette battue que de nous offrir une vision originale de l’ouvrage, tout en s’inscrivant – en particulier dans les nombreux moments risorgimentaux de l’opéra – dans la directe filiation d’un Riccardo Muti avec lequel Milletarì collabore régulièrement. Nous assistons ainsi à un réel bonheur d’écoute où chaque moment est sous contrôle tout en permettant aux solistes de respirer avec l’orchestre, dans des mélodies au lyrisme riche et au cantabile grisant. Outre un prélude dont, pour l’occasion, nous redécouvrons la noble retenue, la direction de Vincenzo Milletarì, à la tête d’un orchestre du San Carlo à la fois précis et riche en dynamique et en couleurs, nous entraîne  dans des concertati de fin d’acte (le II en particulier !) absolument irrésistibles : un véritable maestro à suivre dans son parcours !  

Vincenzo Milletarì - © Luciano Romano

C’est en grande formation, masculine et féminine, que se présente le chœur du Teatro San Carlo (direction Fabrizio Cassi) en cette matinée qui fait suite à La Fanciulla del West, entendue la veille. L’attention aux nuances, imposée par la direction du chef, permet en particulier de s’attarder sur la succession fréquente des nombreuses sfumature (dans le Prologue, par exemple, avec la louange au Créateur chantée par les rescapés d’Aquilée) aux moments plus guerriers à l’impact toujours saisissant, et ce, dès le lever de rideau (« Urli, rapine, gemiti, sangue, stupri, rovine »). Une magnifique prestation pour l’une des plus belles formations chorales professionnelles de la Péninsule.

Comme nous l’avons plus haut laissé percevoir, le plateau vocal réuni pour cette version de concert est électrisant, y compris dans les rôles plus secondaires d’Uldino et de l’évêque Leone, superbement phrasés par Francesco Domenico Doto et Sebastià Serra.

Remplaçant au pied levé, uniquement pour cette deuxième représentation, Luciano Ganci, victime d’une attaque allergique, le ténor génois Francesco Meli trouve en Foresto l’un de ses meilleurs emplois, tant du point de vue de l’adéquation stylistique que de l’homogénéité des registres : sans forcer ici des moyens naturels souvent vantés dans ces colonnes, Meli délivre, dans cet authentique emploi de ténor lyrique, une leçon de chant racé construit autour d’une science du legato et du phrasé qui laisse pantois. Adaptable à chacun de ses partenaires, Meli, par un art consommé de la projection et sans prise de risque inutile – en particulier dans les deux cabalettes qui lui sont confiées – ne pâlit pas, y compris face à l’océan vocal déployé, ce soir, par son Odabella !

En général romain, l’Ezio d’Ernesto Petti casse la baraque pour ses débuts dans le rôle : disposant d’un matériau vocal confondant de puissance, le baryton originaire de Salerne – que certains se souviendront peut-être avoir entendu en Germont, il y a quelques années, à l’Opéra d’Avignon – sait chanter de façon généreuse mais toujours en respectant l’école du bel canto, sans que sa voix ne se fasse pour autant plus légère ni ne change de couleur. D’un tel trésor vocal qui, en y prenant garde, constituera sans nul doute l’apanage de l’un des barytons les plus talentueux de la nouvelle génération, nous conserverons longtemps dans l’oreille l’émouvant phrasé sur la supplique « Avrai tu l’universo, resti l’Italia a me » et un air de l’acte II « Dagli immortali vertici » que Petti, dans la cabalette qui y fait suite, se paie le luxe de couronner d’un si bémol aigu parfaitement amené, chose rarissime à la scène, faisant immédiatement penser à Piero Cappuccilli, l’un des modèles de ce chanteur décidément enthousiasmant.

Repéré à Rouen par Stéphane Lelièvre alors qu’il ne chantait que les quelques répliques d’Orbazzano du Tancredi rossinien, chroniqué cet hiver à Monaco pour Première Loge, lors de ses incarnations de Colline (La Bohème) et Angelotti (Tosca), la basse géorgienne Giorgi Manoshvili est, lui aussi, un chanteur à suivre ! Dès son entrée en scène (« Eroi, levatevi ! »), on sait que l’on tient là la couleur vocale du rôle et, bien évidemment, le calibre nécessité par l’emploi, ce que viendront confirmer les duos avec Odabella et Ezio. La célèbre page du songe, au cours de laquelle Attila voit se dresser devant lui l’évêque de Rome Léon, permet en particulier à cet artiste attachant de développer un sens du phrasé laissant percevoir, sans nul recours à l’artifice scénique, la psychologie d’un personnage qui, au-delà de son armure de guerrier, fier et belliqueux, est également en proie aux tourments et aux doutes. Visiblement ému par l’impact produit sur un public chauffé à blanc, Giorgi Manoshvili prend un évident plaisir au tonnerre d’applaudissements qu’il recueille après cet air puis au moment des saluts. Un artiste qu’on retrouvera avec plaisir en juin prochain dans le rôle d’Assur (Semiramide) à Rouen.

Reste le « cas » Anna Pirozzi. Comment qualifier autrement, en effet, une chanteuse capable d’enchaîner, à quelques heures d’intervalle, la tessiture vocale de Minnie dans La Fanciulla del West avec celle, tout aussi exigeante, d’Odabella, cheval de bataille d’un type vocal particulier : celui du soprano drammatico d’agilità ? Des suraigus lancés fièrement dans un « Santo di Patria » d’une noble puissance mais aux écarts de registre allant tout de même du contre-ut au si grave jusqu’à la délicatesse quasi-chambriste de la cantilène « Liberamente or piangi » (quel beau dialogue avec le cor anglais !), tout est parfaitement maîtrisé dans ce réel exploit réalisé par la cantatrice parthénopéenne, l’une des plus douées de sa génération, venue remplacer son illustre collègue Sondra Radvanovsky entre deux représentations de Fanciulla ! Dans une forme vocale impressionnante, Anna Pirozzi affronte avec panache toutes les difficultés de l’un de ces rôles impossibles dont le Verdi de jeunesse semble avoir le secret : ici, la virtuosité des aigus n’a d’égal que l’art des chiari-oscuri (clairs-obscurs) et de pianissimi bien au rendez-vous lors de la matinée à laquelle nous avons assisté !

Avec, cette fois-ci, un public passionné de bout en bout par ce que le Teatro San Carlo lui permet d’entendre et qui ne semble plus vouloir quitter une salle bien remplie, cette version de concert d’Attila demeurera dans notre mémoire comme l’une des plus inoubliables à laquelle il nous ait été donné d’assister.

Les artistes

Attila : Giorgi Manoshvili
Ezio: Ernesto Petti
Odabella : Anna Pirozzi
Foresto : Francesco Meli
Uldino : Francesco Domenico Doto
Leone : Sebastià Serra

Orchestre du Teatro San Carlo, dir. Vincenzo Milletarì
Chœur du Teatro San Carlo, dir. Fabrizio Cassi

Le programme

Attila

Drame lyrique en un prologue et trois actes de Giuseppe Verdi, livret de Temistocle Solera et Francesco Maria Piave d’après Attila, König der Hunnen de Zacharias Werner, créé au Teatro alla Fenice de Venise le 17 mars 1846.
Naples, teatro san Carlo, représentation du dimanche 27 avril 2025.

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Anna PirozziFrancesco MeliErnesto PettiGiorgi ManoshviliFrancesco Domenico DotoSebastià SerraVincenzo Milletarì
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Hervé Casini

Hervé Casini est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, docteur en littérature française à Aix-Marseille Université et Secrétaire Général du Museon Arlaten (Musée d’ethnographie provençale). Collaborateur de diverses revues (Revue Marseille, Opérette-Théâtre Musical, Résonances Lyriques…), il anime un séminaire consacré au « Voyage lyrique à travers l’Europe (XIXe-XXe siècle) à l’Université d’Aix-Marseille et est régulièrement amené à collaborer avec des théâtres et associations lyriques dans le cadre de conférences et colloques.

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