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Streaming – Les Contes d’Hoffmann à Berlin : mais Kosky est arrivé à Barrie ?

par Stéphane Lelièvre 16 janvier 2021
par Stéphane Lelièvre 16 janvier 2021
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1,4K

Crédits photos : © Monika Ritterhaus
Disponible en streaming jusqu’au 21 janvier 2021

Il est tout à fait légitime, pour un artiste, d’avoir des hauts et des bas et de faire alterner de belles réussites avec des choses moins abouties… voire ratées. Barrie Kosky n’échappe pas à la règle : on trouve, dans les productions qu’il enchaîne à un rythme effréné, de véritables pépites (Son Onéguine, ses Perles de Cléopâtre), des spectacles plus attendus (sa Bohème, son Prince Igor)… ou des ratés. J’ai suffisamment dit, dans ces mêmes colonnes, tout le bien que je pensais de certains de ses spectacles pour ne pas faire part ici de ma grande déception devant sa vision des Contes d’Hoffmann…

Comme trop souvent hélas, il semble que le statut d’œuvre inachevée ait autorisé le metteur en scène à modifier à loisir l’ensemble de l’œuvre (paroles et musique), la rendant difficilement reconnaissable : les textes parlés de la version originale tout comme les récitatifs de Guiraud ont disparu ; ils ont été remplacés par des textes de liaison ânonnés en allemand par Uwe Schönbeck jouant un Hoffmann vieux, laid et ridicule, omniprésent pendant tout le spectacle. On ne compte pas les pages musicales abrégées, déplacées, supprimées ou remplacées par d’autres pages, parfois d’autres compositeurs. Entre autres exemples : l’apothéose de la Muse (« Des cendres de ton cœur… ») devient son air d’entrée (sur de nouvelles paroles) ; l’épilogue est remplacé par le « Là ci darem la mano » de Don Giovanni accompagné au seul clavecin, la Muse chantant le rôle de Don Juan, et Hoffmann, coiffé de la perruque de Stella, celui de Zerline ; et l’air de Frantz disparaît de l’acte d’Antonia pour réapparaître dans celui de Giulietta, chanté par Piticchinaccio entre la Barcarolle et les couplets bachiques d’Hoffmann. Or dans ces deux cas, les choix dramaturgiques, outre le fait qu’ils ne respectent pas ceux du compositeur et du librettiste, sont absolument incompatibles avec ce que disent la musique et les paroles : les phrases amples et sereines de la Muse ne peuvent être que celles d’un épilogue, c’est-à-dire, littéralement, d’un discours couronnant l’œuvre ; quant au déplacement des couplets de Frantz (« Jour et nuit, je me mets en quatre »), il entre en totale contradiction avec les paroles d’Hoffmann qui suivent en principe la langoureuse Barcarolle : « Et moi, ce n’est pas là, pardieu, ce qui m’enchante… […] Le plaisir doit-il soupirer ? Non ! Le rire à la bouche, écoutez comme il chante ! » De trois choses l’une : soit Kosky n’a pas lu les paroles ; soit il les a lues mais ne les a pas comprises (deux hypothèses qui semblent hautement improbables) ; soit il les a lues et comprises… mais s’en moque (ce qui est plus grave).

Nous sommes évidemment prêts à accepter qu’une œuvre soit triturée, modifiée, déformée, à deux conditions cependant : qu’elle change de titre (par respect pour leurs auteurs) et qu’elle serve un propos dramatique nouveau et fort. Aucune de ces conditions n’est ici remplie. La présence sur scène de trois Hoffmann au lieu d’un n’apporte rien de neuf sur l’œuvre, mais permet tout juste de faire en sorte que les ténors qui se répartissent le rôle puissent arriver sans trop de dommages au terme de leur tâche. Faut-il rappeler par ailleurs que la vision d’un Hoffmann perpétuellement ivre est à ce point éculée qu’elle était déjà devenue insupportable aux Romantiques eux-mêmes ? Quant à la référence omniprésente au Don Giovanni de Mozart, elle est devenue à ce point banale et attendue qu’elle finit par perdre absolument tout impact… Lorsqu’au début des années 2000, Pelly faisait commencer Les Contes d’Hoffmann par le « Non mi dir… » d’Anna, l’effet était saisissant. Déjà, à l’Opéra de Paris, en dépit de sa grande force visuelle, le beau spectacle de Carsen (qui fait se dérouler toute l’œuvre dans un théâtre où l’on joue Don Juan) donnait l’impression de forcer un peu le trait. Aujourd’hui à la Komische Oper de Berlin, la référence (très lourde) à Mozart fait l’effet d’un tic, utilisé par un metteur en scène à court d’idées… Au demeurant, la référence à Don Giovanni dans l’opéra d’Offenbach est certes intéressante, mais on ne peut plus ponctuelle ; elle n’est absolument pas plus développée que celle au Vase d’or (avec le personnage d’Anselme), et l’est infiniment moins que celles à L’Étrange Histoire de Peter Schlemihl ou l’homme qui a vendu son ombre de Chamisso ou au Petit Zachée surnommé Cinabre…

Quoi qu’il en soit, s’il s’agissait pour Kosky de renouer avec l’esprit de Hoffmann, c’est raté (avoir à ce point maltraité les prologue et épilogue est, de ce point de vue, une aberration, le principe des récits enchâssés étant au cœur de l’œuvre du conteur allemand et notamment des Contes des Frères de Saint Sérapion). Il y a bien deux ou trois grandes réussites qui nous rappellent tout ce dont le metteur en scène est capable : le trio de la consultation, la scène de la mère d’Antonia (avec ces violonistes hystériques et menaçants, vraiment effrayants) sont exemplaires d’efficacité dramatique et d’adéquation à la musique. Pour le reste, nous avons un festival de poncifs (Kosky nous fait cependant grâce du « tournage des Contes d’Hoffmann », de la référence au monde du cinéma ou du « masque du Joker » porté par le Diable, procédés usés jusqu’à la corde, utilisés par exemple par Warlikowski l’an dernier à Bruxelles), avec une prédilection, comme il se doit, pour la vulgarité (la Barcarolle s’achève par une pénible scène où Hoffmann tente désespérément d’extirper de ses poumons des glaires qui entravent sa respiration) et bien sûr le sexe : pendant les couplets bachiques, Hoffmann donne en rythme des coups de reins contre une chaise où est assise une jeune femme (allusion fine à « l’ivresse meilleure des chants joyeux » ?), et passe le plus clair de son temps, au quatrième acte, à copuler avec Giulietta (tout y passe : coït brutal, tentative de sodomie, masturbation, et bien évidemment long cunnilingus pendant que Giulietta égrène les vocalises de « L’amour lui dit la belle »).  Images vues, revues, re-revues mille fois depuis maintenant plus de trente ans, et qui ne font que renforcer les propos de ceux qui reprochent à l’opéra sa « poussière », sa convention et son incapacité à se renouveler visuellement.  

Musicalement, hélas, il n’y a pas grand-chose à sauver non plus… L’orchestre et la direction de Stefan Blunier, peut-être, violente, contrastée, dramatique, mais dont certains excès éloignent un peu trop l’œuvre de l’esthétique de l’opéra-comique. Vocalement, on oscille entre l’effroyable (les couplets de Franz, chantés par un Peter Renz à qui, de toute évidence, on a demandé de prendre des intonations dignes de Dave)  sont un très, très mauvais moment à passer) et l’extrêmement médiocre, aucun chanteur ne se montrant vraiment à la hauteur de son rôle. Le Diable de Dimitry Ivashchenko est peut-être le moins mauvais (même s’il se trompe plus d’une fois dans les paroles) ; mais les deux Hoffmann chantants (le troisième ne fait que parler), au ton uniformément plaintif, sont un peu à la peine – surtout le premier, malgré la suppression de tous les aigus traditionnellement chantés ; Nicole Chevalier elle-même ne convainc (plus ou moins) qu’en Antonia. Tous sont par ailleurs la plupart du temps parfaitement incompréhensibles.

Applaudissements nourris au rideau final ; et à ce jour près de 500  likes sur Youtube : aurais-je tout faux ?… À vous de regarder et de vous faire votre idée !

Les artistes

Hoffmann 1   Uwe Schönbeck
Hoffmann 2   Dominik Köninger
Hoffmann 3   Edgaras Montvidas
Stella / Olympia / Antonia / Giulietta   Nicole Chevalier
La Muse   Karolina Gumos
Lindorf / Coppélius / Le docteur Miracle / Dapertutto   Dimitry Ivashchenko
Andrès / Spalanzani / Frantz / Pitichinaccio   Peter Renz
Cochenille / Crespel / Peter Schlémil   Philipp Meierhöfer
La mère d‘Antonia   Karolina Gumos

Chœurs et orchestre e la Komische Oper de Berlin, dir. Stefan Blunier

Mise en scène   Barrie Kosky

Le programme

Les Contes d’Hoffmann

Opéra en cinq actes conçu par Barrie Kosky, sur des musiques de Jacques Offenbach et Wolfgang Amadeus Mozart, paroles de Barrie Kosky, E.T.A. Hoffmann et Jules Barbier.

Enregistré le 2 octobre 2015 à la Komische Oper de Berlin

Disponible jusqu’au 21 janvier 2021. Sous-titres en allemand et en anglais

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OffenbachBarrie Kosky
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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