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Les festivals de l’été –
Autour d’un clavecin : Judith Van Wanroij et Christophe Rousset célèbrent RAMEAU au festival de Froville

par Nicolas Le Clerre 6 juillet 2024
par Nicolas Le Clerre 6 juillet 2024

© Laura Fantoni

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1,6K

C’est sur un concert intimiste et exigeant que se referme la 27e édition du festival de musique baroque de Froville. À l’invitation d’Emiliano Gonzalez Toro, Christophe Rousset et Judith Van Wanroij prêtent leur talent à Jean-Philippe Rameau et entrouvrent pour le public la porte d’un salon au siècle des Lumières.

Rameau en son salon

Les mises en garde préfectorales, la suspension de la circulation ferroviaire dans toute la région Grand Est, la vigilance orange de météo France et les éclairs zébrant le ciel du Saintois n’ont pas eu raison de la curiosité du public qui s’est encore pressé nombreux à Froville pour l’avant-dernier concert de la 27ème édition du festival.

Sur le papier, le concert proposé par les Talens Lyriques est pourtant plus austère que le Stabat Mater de Pergolèse entendu ici même il y a une quinzaine de jours, ou que le récital ébouriffant de Michael Spyres le 25 juin dernier. Christophe Rousset lui-même, prenant la parole avant de s’asseoir au clavier, adresse d’ailleurs au public un propos liminaire en forme d’avertissement. Les cinq pièces de clavecin en concerts ont été composées par un Rameau presque sexagénaire sur un schéma inédit : chacun des trois instruments s’y voit attribuer une véritable place de concertant dans des compositions éminemment savantes qui synthétisent toute la science musicale ramiste.

De fait, le premier mouvement du Premier concert, mystérieusement intitulé La Coulicam, déploie une complexité de lignes mélodiques qui donnent à entendre une musique extrêmement savante, très proche de certaines expérimentations de compositeurs contemporains. Il ne faut cependant pas plus de quelques minutes pour que l’oreille du spectateur s’habitue à cette exigence et se laisse saisir par une élégance de composition sans équivalent dans toute la musique française du XVIIIe siècle.

Baptisés de noms de lieux (Le Vézinet), des patronymes de contemporains de Rameau (La Laborde, La Lapoplinière, La Forqueray) ou de traits de caractère (L’Agaçante, La Timide, L’Indiscrète), les mouvements des Pièces de clavecin en concert déploient chacun une atmosphère bien caractérisée et restituent l’ambiance sonore des salons du siècle des Lumières. L’acoustique enveloppante du prieuré de Froville participe beaucoup de celle illusion sonore : de forme carrée, le chœur de l’église a l’intimité d’un boudoir où l’on s’isole pour faire de la musique entre gens de qualité.

Sérieux comme un chanoine, Christophe Rousset dirige le concert les lèvres closes, la mine pateline, assis derrière la caisse d’un clavecin rose et vert dragée et flanqué de ses deux acolytes, la violoniste Gilone Gaubert et le gambiste Teodoro Baù. Au travers de gestes minuscules ou de regards à peine esquissés, il se dégage de ce trio une complicité qui convient idéalement à l’intimité de cette musique. Au clavier, Christophe Rousset impulse le rythme cascadant des mélodies ramistes, la virtuosité ne le cédant jamais à la facilité des effets. Les doigts déliés mais le poignet ferme, il joue Rameau comme une respiration de tout son corps et force est de reconnaitre qu’on a rarement l’occasion d’entendre un musicien qui fasse autant corps avec un compositeur.

Au violon, Gilone Gaubert donne à entendre un jeu d’archet savant sans jamais être ennuyeux. À l’unisson de ses partenaires, elle tire de son instrument de longs accords soyeux ponctués de trilles auxquels Teodoro Baù répond par une viole alerte, aux sonorités chaudes et enveloppantes.

Si Le Vézinet déploie une atmosphère galante dans le goût du Parc aux Cerfs et si L’Agaçante joue la mouche du coche par le ton primesautier de sa mélodie, ce sont les portraits dressés par Rameau de ses contemporains qui sont les morceaux les plus attachants de ces Pièces de clavecin en concerts. Le fermier général Jean-Benjamin Laborde (1734-1794) y est dépeint par une mélodie affable et séductrice ; la claveciniste Anne-Jeanne Boucon (1708-1780) est croquée de manière austère et misanthrope et le gambiste Jean-Baptiste-Antoine Forqueray (1699-1782) donne lieu à un grand mouvement très dramatique. Dans La Rameau, le compositeur esquisse une forme d’autoportrait musical complexe et brillant mais ce n’est évidemment que superficiellement que cette mélodie parait superficielle. À y prêter une oreille plus attentive, on y entend toute la complexité et – osons le mot – le génie ramiste dans sa plus pure expression.

Ramage ramiste

En début de seconde partie de la soirée, intercalée entre le Troisième et le Quatrième Concert, la cantate Orphée offre l’occasion à Judith Van Wanroij de rejoindre les musiciens des Talens Lyriques et d’entendre un peu de la science opératique de Jean-Philippe Rameau. Composée en 1721, longtemps avant les grands chefs d’œuvre lyriques du Maitre, cette cantate présente cependant une variété d’atmosphères qui en fait un véritable opéra en miniature.

Parfaitement aguerrie au style déclamatoire du Grand Siècle et à la prosodie si particulière de la langue française, Judith Van Wanroij donne à entendre un timbre corsé qui convient idéalement à cet Orphée de salon. Solennelle dans le premier récitatif, elle déploie dans l’Air très gai « Que du bruit de tes hauts exploits » de longues phrases que le contrôle rigoureux du souffle lui permet de filer tout en dialoguant malicieusement avec le violon de Gilone Gaubert. La prononciation des consonnes, très sonore, soutient le caractère martial de la mélodie que la viole de gambe accompagne avec virilité.

L’Air Gracieux « J’ai pour témoin de ma victoire » permet d’apprécier d’autres qualités du chant de la soprano néerlandaise : à la faveur d’une atmosphère plus langoureuse, la voix se fait plaintive, vibrante d’émotion sans rien céder à la précision technique du chant. La longue vocalise sur le « ou » du vers « Ma chère épouse est la victime » force l’admiration.

Le troisième est dernier air, « En amour, il est un moment », termine l’œuvre de séduction entreprise par Judith Van Wanroij dès les premières notes de la cantate. Mutine sans être raisonneuse, la chanteuse tire la leçon du mythe d’Orphée et Eurydice et finit de démontrer son intime familiarité avec la grammaire ramiste au point qu’on serait curieux de l’entendre dans un rôle plus développé comme celui d’Aricie.

Au terme du concert, c’est un véritable bonheur d’entendre à nouveau Judith Van Wanroij associée au Bis proposé par Christophe Rousset. Dans l’air « Arbres épais, sombre feuillage », extrait de la cantate Le dépit généreux de Montéclair, elle livre une magistrale leçon de chant français dégraissé de toute affèterie.

Alors qu’après le concert les artistes et quelques bénévoles s’attardent dans la fraicheur de la nuit, autour d’un cageot de cerises, à la lisière du jardin d’Harmonie aménagé à l’ombre du clocher du prieuré, l’heure est déjà au bilan de la 27e édition du festival de Froville et au satisfecit. Les quatre concerts – sur les douze de la programmation totale – auxquels a pu assister Première Loge ont tous été des moments privilégiés d’échanges musicaux intenses et il apparait déjà que la prise en main de la direction artistique de l’événement par Emiliano Gonzalez Toro est une totale réussite. C’est un euphémisme d’écrire qu’on est impatient de découvrir les surprises que réservera la 28e édition du festival et ce n’est pas insulter l’avenir que d’annoncer que Première Loge fera de nouveau le voyage de Froville l’année prochaine.

Les artistes

Soprano : Judith Van Wanroij
Les Talens Lyriques
Clavecin et direction : Christophe Rousset
Violon : Gilone Gaubert
Viole de gambe : Teodoro Baù

Le programme

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)

Pièces de clavecin en concert (1741)

Premier Concert
La Coulicam
La Livri
Le Vézinet

Deuxième Concert
La Laborde
La Boucon
L’Agaçante
Menuets I et II

Troisième Concert
La Lapoplinière
La Timide
Tambourins I et II

Entracte

Orphée, cantate à voix seule et symphonie (1721)
Récitatif
Air très gai
Récitatif
Air gracieux
Récitatif
Air gai

Quatrième Concert
La Pantomime
L’Indiscrète
La Rameau

Cinquième Concert
La Forqueray
La Cupis
La Marais

Bis

« Arbres épais, sombre feuillage », extrait de la cantate Le dépit généreux (1706) de Michel Pignolet de Montéclair (1667-1737)

Froville, église Notre-Dame, concert du samedi 29 juin 2024.

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Judith van WanroijChristophe RoussetLes Talens Lyriques
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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