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Opéra de Flandre : SALOME au Pays des Soviets

par Stéphane Lelièvre 28 décembre 2024
par Stéphane Lelièvre 28 décembre 2024

© OBV - Annemie Augustijns

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À l’Opéra de Flandre : une Salome prometteuse… qui ne tient pas toutes ses promesses !

Un théâtre dont les propositions scéniques sont souvent surprenantes ; un jeune metteur en scène (Ersan Mondtag) passionné par le genre lyrique et auréolé de plusieurs succès récents (dont un Lac d’argent de Weill, proposé à Anvers et Nancy) : on attendait beaucoup de cette nouvelle Salome – peut-être un peu trop, d’où une petite déception, même si le spectacle de l’Opéra de Flandre est loin d’être indigne. Visuellement, le spectacle conçu par le metteur en scène, scénographe et costumier Ersan Mondtag a le mérite de l’originalité : on nous fait grâce des traditionnels EHPAD et autre hôpitaux psychiatriques ou militaires pour nous plonger dans un univers pesant, angoissant, pouvant rappeler l’atmosphère de certaines BD futuristes. De toute évidence, l’action prend place dans un pays soumis à un régime dictatorial, dirigé par une tyranne et un tyran dont l’ego démesuré transparait dans les immenses sculptures à leur effigie décorant les murs de leur palais, et que n’auraient pas désavoué les dirigeants soviétiques. Outre le décor, les costumes inscrivent également l’action dans une univers de fiction, possiblement futuriste, où la violence est de règle : on utilise les kalachnikovs comme on respire (y compris Salome, dont le maniement de la mitraillette surprend tout de même moins que chez la douce et tendre Angelina de la récente Cenerentola nancéenne) : Narraboth en fera les frais (il ne se suicide pas mais est tué par les gardes), de même qu’Hérode, froidement abattu (au milieu d’un massacre général) par son peuple en révolte à la fin de l’opéra.

Tout ceci se tient peu ou prou, à quelques détails près qui interrogent. En premier lieu, le trouble érotique éprouvé par Iokanaan à la vue de Salomé : si, contrairement à ce qu’on voyait dans la récente mise en scène zurichoise signée Andreas Homoki, il ne va pas jusqu’à copuler avec elle, il n’hésite pas à lui caresser sensuellement la poitrine et à lui octroyer le baiser tant demandé – ce qui ne va pas sans contredire les paroles de la princesse de Judée  dans sa dernière scène : « Ah ! Tu n’as voulu me laisser baiser ta bouche, Iokanaan ! » Mais ce n’est qu’un détail, qui rappelle en outre opportunément que pour être pétri de convictions religieuses, on n’en reste pas moins homme. En second lieu, la scène finale et le tableau sur lequel s’achève le spectacle : lorsqu’Hérode ordonne que Salomé soit tuée, c’est donc lui qui est abattu, tandis que sa belle-fille, affichant un sourire radieux, présente la tête du prophète tel un trophée au public. Soit il s’agit de créer le malaise, et c’est alors pleinement réussi : le tableau final est effectivement particulièrement « malaisant », comme disent nos voisines et voisins du Québec, et contribue à créer une ambiance morbide, malsaine, adaptée aux tonalités des œuvres de Strauss et Wilde. Soit il s’agit, comme ce fut le cas avec la Carmen meurtrière de José à Florence en 2018, de refuser de mettre en scène un féminicide dans une (re)lecture féministe de l’œuvre – hypothèse corroborée par le fait que les « révoltés », à la fin de l’opéra, sont des « révoltées », et que si le monstrueux Hérode est assassiné, la non moins monstrueuse Hérodiade est simplement jetée dans un cachot. En ce cas, l’on est en droit de penser que, pour redonner aux femmes toute leur place dans notre société, il est des moyens plus convaincants que ceux consistant à glorifier chez elles les pires travers qui sont traditionnellement accolés à la gente masculine, à savoir la fusion des pulsions sexuelles et meurtrières : la défense de la cause des femmes mérite mieux que le triomphe éclatant de cette Salomé-terroriste (la décapitation qu’elle ordonne et son maniement constant des kalachnikovs favorisent ce rapprochement), de cette femme incapable d’admettre que « quand c’est non, c’est non »  et qui, pour se venger et pouvoir enfin baiser les lèvres de l’homme qui titille sa libido, va jusqu’à le décapiter. À moins qu’il ne s’agisse de prôner une égalité absolue de l’être humain, indépendamment du genre, dans la monstruosité…

Musicalement, la réussite est avant tout celle de l’orchestre de l’Opéra de Flandre et du chef Alejo Pérez : les musiciens confèrent à la partition de Strauss la rutilance, l’âpreté, la sensualité attendues, la musique parvenant à conserver toute sa transparence, y compris dans les pages les plus puissamment dramatiques de l’œuvre. On attendait Allison Cook dans le rôle de la Princesse de Judée. Étant indisposée, elle a finalement été remplacée par Astrid Kessler, qui alterne avec elle dans le rôle-titre. L’on a entendu en Salomé des voix plus amples et plus puissantes (encore que la puissance soit tout à fait suffisante pour une salle de cette dimension), et certains aigus plafonnent un peu, avec parfois une tendance à perdre leur vibrato et à devenir « fixes ». Mais l’incarnation convainc, et la soprano remporte au rideau final un beau succès, dû à un rél engagement vocal et scénique. Les seconds rôles sont excellement tenus, avec en particulier un page (Linsey Coppens) et surtout un Narraboth (Denzil Delaere) remarquables, le ténor faisant valoir à la fois un timbre frais et une projection vocale d’une grande aisance. Florian Stern et Angela Denoké campent un impeccable couple maudit : le premier est un Hérode à la voix et au chant bien plus assurés que chez nombre de ses confrères – ce qui permet au personnage d’échapper à toute caricature et de le rendre d’autant plus inquiétant. La seconde, après la belle carrière de soprano que l’on connaît (elle a elle-même chanté le rôle-titre de Salome à l’Opéra Bastille en 2011), se consacre dorénavant essentiellement à la mise en scène tout en continuant de chanter certains rôles de sopranos plus centraux ou de mezzos. Elle est ici une Hérodiade autoritaire à souhait, au chant percutant – à quelques réserves près dans l’aigu, parfois rebelle. C’est enfin la première fois que nous entendions Kostas Smoriginas. Ce jeune baryton lithuanien possède le chant noble, l’autorité, le mystère requis par le personnage du prophète. Il parvient, dans ses interventions, à donner comme il se doit l’impression que le temps se fige… Une belle surprise !

Les artistes

Salomé : Astrid Kessler
Hérode : Florian Stern
Hérodiade : Angela Denoke
Iokanaan : Kostas Smoriginas
Narraboth : Denzil Delaere
La page d’Hérodiade, Une esclave : Linsey Coppens
Premier Juif : Daniel Arnaldos
Deuxième Juif : Hugo Kampschreur
Troisième Juif : Timothy Veryser
Quatrième Juif : Hyunduk Kim
Cinquième Juif, Deuxième soldat : Marcel Brunner
Premier Nazaréen, un Cappadocien : Reuben Mbonambi
Deuxième Nazaréen : Leander Carlier
Premier soldat : Igor Bakan

Orchestre symphonique de l’Opéra Ballet de Flandre, dir. Alejo Pérez

Mise en scène, scénographie et costumes : Ersan Mouthtag

Le programme

Salome

Opéra en un acte de Richard Strauss, livret du compositeur, d’après la traduction allemande par Hedwig Lachmann de la pièce de théâtre Salomé d’Oscar Wilde, créé au au Königliches Opernhaus de Dresde le 9 décembre 1905.
Anvers, Opéra Ballet de Flandre, représentation du vendredi 27 décembre 2024.

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Ersan MondtagAngela DenokeAlejo PérezKostas SmoriginasAstrid KesslerDenzil Delaere
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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