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Un Lucio Silla entre deux eaux à la Seine Musicale

par Romaric HUBERT 26 juin 2021
par Romaric HUBERT 26 juin 2021

©Marie Guilloux - Squaw Films

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Pour l’ouverture du Festival Mozart Maximum à la Seine Musicale, Laurence Équilbey, à la tête de son Insula orchestra, proposait un Lucio Silla de belle tenue mais vocalement disparate.

Riche idée que de proposer ce Lucio Silla, œuvre d’un Mozart de 16 ans qui explose le cadre habituel de l’opera seria par une écriture à l’intensité dramatique et musicale totalement inhabituelle. Si les numéros attendus de haute voltige vocale sont bien là, le compositeur apporte au genre un souffle tragique et émotionnel nouveau que nous ne sommes pas certain d’avoir retrouvé ce soir.

Bien sûr, tout est bien troussé dans cette reprise d’un spectacle donné, il y a quelque temps déjà, à la Cité de la Musique avec la même équipe artistique. La mise en espace, minimaliste, de Rita Cosentino est cohérente et intelligible sans être simpliste. Il faut dire qu’il fallait en avoir des idées pour utiliser aussi astucieusement le peu de moyens mis à sa disposition. Une valise, cinq portants-tableau-miroirs (???), quelques écharpes rouges et le tour est joué. La direction d’acteur est soignée même si, et nous y reviendrons, certains chanteurs semblent avoir été hermétiques au naturel de sa conception théâtrale. Avouons également avoir, à de nombreux moments, ressenti une intense bouffée de solidarité avec nos artistes du jour lors d’entrées et sorties de scène quasiment interminables, l’extrême largeur du plateau n’aidant pas à habiter entièrement dramatiquement ces mouvements à nu.

Si la scénographie manque un peu de moyens, la distribution musicale s’avère bien plus luxueuse et nos oreilles s’attendaient à être comblées, du moins, sur le papier. L’Insula orchestra est à son habituel niveau d’excellence technique. Justesse, équilibre des pupitres, belle homogénéité, nonobstant une courte faiblesse de trompette en cours de soirée, tout est là. On souhaiterait pourtant, parfois, un peu plus de brillant mais aussi d’aspérités, voire de raucités. Trop de beauté risque de friser la monotonie, la présence de micros expliquant peut-être ce relatif manque de prises de risques. Musicalement, les phrasés sont souvent un peu courts et manque ainsi le soutien que plus de longueur pourrait apporter aux chanteurs dans leur gestion du souffle ou la construction de leurs phrasés. Osons également un carton jaune (engouement footballistique populaire du moment oblige) : d’où vient ce sentiment bizarre que les chanteurs sont abandonnés à leur sort à chaque fois qu’ils font un trille ? Toute intensité rythmique, et par là même dramatique, semblant disparaître à l’orchestre. Un joueur dribble mieux quand il est porté par toute l’équipe, peut-être en va-t-il de même avec le trille ?

« Ola » générale pour le Jeune Chœur de Paris qui chante avec masque, ce qui ne favorise pas la richesse de l’émission vocale, et doit attendre une heure assis sur scène avant une première intervention légèrement sur des œufs. La confiance venant en chantant, le chœur fait rapidement preuve d’un investissement et d’une tenue sans faille.

Laurence Equilbey, dans le programme de salle, déclare voir en Lucio Silla un opéra précurseur de l’esthétique romantique. Les passions et tourments des âmes humaines présentes sur scène nous ont pourtant bien souvent échappé au cours de cette soirée. Oserons-nous dire que cela serait dû au côté disparate de la distribution ? Oui, osons, et pourtant loin de nous l’idée de vouloir rogner sur la valeur artistique individuelle des chanteurs réunis sur scène. Séparément, chaque air interprété ce soir ferait le bonheur des amateurs de récitals de solistes. Mais, dans une conception d’ensemble, quelque chose ne fonctionne pas et ce petit quelque chose est peut-être à chercher dans la variété des émissions vocales constatée ce soir. Prenez un magnifique ténor tout imprégné de Verdi et de Puccini à la voix large, pleine et riche, ajoutez lui trois sopranos d’essence légère, lumineux et haut placés, saupoudrez généreusement d’un contre-ténor à la technique toute personnelle et vous faites se télescoper trois univers lyriques que ne se rencontrent pas réellement. Évidemment, les écritures sont bien différentes entre celle des trois rôles féminins qui fait appel à beaucoup d’agilité, un ambitus très large et un souffle infini, celle mettant en valeur la maîtrise exceptionnelle des colorature, du legato et du portamento du castrat Venanzio Rauzzini et celle limitant la virtuosité au profit de l’expression du rôle-titre. Pourtant, nous aurions aimé retrouver chez tous ce qui fait que Allessandro Liberatore nous transporte dans le rôle de Lucio Silla. Le sens des mots, la vaillance, la puissance bien sûr mais surtout cette impression que tout son corps est voix et ainsi que le personnage vit pleinement à travers lui. Ce tyran n’est que chair et sang et nous ne voyons pas un chanteur qui joue, nous voyons un Lucio Silla au naturel, s’inscrivant pleinement dans la vision épurée de Rita Cosentino. Bien sûr, tout n’est pas parfait chez lui et la voix résiste parfois aux tentatives d’allègement dans l’aigu et se montre quelque peu avare de nuances mais pour chanter, ça chante !
(Rassurons très vite le lecteur ou la lectrice de ces lignes, tout le monde chantait ce soir, l’auteur se laissant seulement aller à son enthousiasme.)
Nos trois sopranos ne sont bien sûr pas en reste. Ilse Eerens est une Celia lumineuse, simple et attachante mais bien prudente au premier acte. La voix se libère au cours de la représentation et délivre un « Quando sugl’arsi campi » aux notes piquées finement ciselées. Olga Pudova est une Giunia
 bien chantante mais la voix manque un peu d’épaisseur. La soprano, comme Allessandro Liberatore, est pourtant une habituée d’un genre plus tardif (la Gilda de Rigoletto ou Lucia di Lamermoor sont à son répertoire) mais on aimerait entendre plus de corps dans cette voix, plus de sang, de fureur car vocalises, longueur de souffle et aigus sont bien présents et l’actrice ne manque pas de classe. Troisième soprano du jour, Chiara Skerath, qui, si elle a en commun avec ses deux consœurs un placement vocal très haut, s’en démarque par une attention constante aux mots et une projection supérieure. La soprano arrive toujours à nous étonner quel que soit le répertoire (elle vient de remporter un beau succès en Micaëla à Bordeaux), et ici encore, elle apporte ce petit truc qui fait que, même face à un Lucio Silla plus vrai que nature, elle existe toujours.
Nous en arrivons maintenant au cas Fagioli. Voici bien un artiste qui divise. Soit le contre-ténor horripile, soit il est l’objet d’une admiration sans borne comme en atteste ce soir la présence de fans aux t-shirts floqués de son nom. Avouons être passé par ces deux états en cours de représentation. La voix, tout d’abord, surprend avec ces extensions vers le grave et l’aigu faites au prix de changements d’émission franchement marqués. Il y a aussi cette vibration constante qui fait craindre pour l’articulation et cette impression d’assister parfois à un numéro de cirque. Difficile de nier l’investissement intense de l’artiste mais le personnage de Cecilio s’efface souvent totalement devant le chanteur Franco Fagioli. On regarde également un acteur Fagioli comme tout droit sorti d’un cours de gestuelle baroque avec une sophistication bien éloignée du naturel de la conception d’ensemble de Rita Cosentino. Et pourtant, comme souvent avec les artistes qui divisent, arrive ce petit moment miraculeux où l’artiste s’efface, statique et simple, et délivre sur le souffle un « Pupille amate »
 à fendre des pierres. Du grand Fagioli.

Alors, au final, que dire ? Peut-être que, si comme en atteste la présence de micros, le but ces deux représentations de Lucio Silla données en ouverture du festival Mozart Maximum est d’en faire un disque, le résultat devrait être convainquant. Par contre, sur scène, ce Lucio Silla navigue entre deux eaux (voir plus) et manque cruellement de cohérence, de flamme et de naturel.

Les artistes

Lucio Silla  Alessandro Liberatore
Cecilio  Franco Fagioli
Lucio Cinna  Chiara Skerath
Celia  Ilse Eerens

Le jeune chœur de Paris
Insula orchestra

Laurence Equilbey, direction
Rita Cosentino, mise en espace

Le programme

Mozart, Lucio Silla

La Seine Musicale
Représentation du 24 juin 2021, 19h

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MozartLaurence EquilbeyInsula OrchestraFranco FagioliChiara SkerathOlga PudovaAlessandro LiberatoreIlse EerensLucio Silla
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Romaric HUBERT

Licencié en musicologie, Romaric Hubert a suivi des études d’orgue, de piano, de saxophone et de chant. Il a chanté dans plusieurs chœurs réputés, ou encore en tant que soliste. Il est titulaire d’une certification qualifiante professionnelle d’animateur radio délivrée par l’Institut National de l’Audiovisuel, et a fait ses premiers pas au micro sur France Musique. Il a fondé la compagnie Les Papillons Electriques avec sa complice Jeanne-Sarah Deledicq et est co-créateur du site Première loge.

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