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Angers Nantes Opéra – Contes du quartier « Les Sauvages » : une formidable expérience artistique et humaine

par Stéphane Lelièvre 26 juin 2021
par Stéphane Lelièvre 26 juin 2021
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Le projet des Sauvages est né de la volonté de créer un opéra auquel participeraient des jeunes de l’école Dervallières-Chézine et du collège Rosa Parks de Nantes, deux établissements classés en REP+, donc accueillant majoritairement des élèves de quartiers défavorisés socialement et culturellement. Mais ce qui donne à ce projet une dimension inattendue, c’est la décision qui a été prise de le monter sur la scène du Théâtre Graslin, avec la collaboration d’artistes (chanteurs, techniciens, choristes, musiciens, scénographe, metteur en scène,…) professionnels. Le résultat est à la hauteur des efforts déployés et des moyens mis en œuvre pour réaliser ce projet : étonnant ! Dès les premières scènes, nous avons la certitude que nous allons assister non pas à un spectacle d’enfants pour enfants, mais à un véritable opéra, qui a pleinement sa place dans la programmation d’Angers Nantes Opéra, et qui a fait l’objet des mêmes soins que ceux apportés pour n’importe quel autre spectacle : de vrais (et beaux) décors et costumes (signés Guillaume Carreau), une mise en scène soignée, sensible et intelligente (Guillaume Gatteau), de vrais chanteurs, des musiciens talentueux (Frasques Ensemble, dirigé par le chef  Rémi Durupt), mais aussi et avant tout une œuvre de qualité : le livret, signé Guillaume Lavenant, prend appui sur le vécu des enfants et le cadre dans lequel ils vivent (les quartiers Breil et Dervallières de Nantes). La situation initiale, avec ses deux bandes qui s’opposent (celle des plus jeunes, à laquelle appartient la petite Nino, héroïne du conte, celle des adolescents, menée par Pasquale) sous le regard menaçant de la police n’est pas sans rappeler les affrontements entre les Jets et les Sharks de West side story, interrompus par les hommes de l’Officer Krupke… Mais le livret s’affranchit assez vite de cette dimension réaliste pour basculer progressivement dans l’onirisme, l’humour (irrésistible scène du maire – incarné par Nina Kibuanda – au cours duquel l’élu se lance dans un discours à la langue de bois hélas à peine caricaturale), le symbolique, ou encore l’engagement – en évitant toutefois, fort heureusement, tout didactisme trop appuyé.

C’est une femme, dont l’arrivée dans la cité est aussi mystérieuse que la façon dont elle en disparaîtra, qui va progressivement faire basculer les choses : nouveau Peter Pan, être sans âge, androgyne, doué de pouvoirs mystérieux (elle semble tout connaître des personnages que le hasard met sur sa route), elle va bouleverser la vie des habitants – et singulièrement des jeunes – en exerçant sur eux une étrange fascination, faite de peur, de séduction et de rejet tout à la fois. La vie des personnages qui l’auront rencontrée en restera profondément changée, un peu comme l’est celle de ceux qui croisent la route du protagoniste du Théorème de Pasolini… Volonté de croire en ses rêves, d’aller de l’avant, de se révolter, de se montrer solidaires : autant de concepts qui jusqu’alors étaient étrangers aux habitants de la cité mais qu’ils vont faire leurs à l’issue de cette étonnante aventure. La musique de Guillaume Hazebrouck s’inscrit pleinement dans la modernité, sans tomber heureusement dans l’abscondité ou l’hermétisme, et surtout sans jamais négliger la dimension profondément humaine des situations. La partition, en outre, fait entendre à mi-parcours une belle envolée onirique lorsque, la nuit venue, les personnages sombrent dans un sommeil mystérieux peuplé de rêves étranges…

Outre les responsables du spectacle déjà nommés, tous les artistes sont à citer, de Laurène Pierre-Magnani, « sauvage » comportant toute la part d’humour et de mystère nécessaire au rôle, à Marie-Bénédicte Souquet, Leïla émouvante au timbre fruité, Augustin Perez Escalante, Donato à la fois brutal et pitoyable, ou Julien Stella, dont le beatboxing impressionne de virtuosité ! Mais ce sont bien sûr les enfants et adolescents qui étonnent et émeuvent le plus, par leur justesse, leur implication, leurs maladresses, leur naïveté, leur sérieux, leur implication de tous les instants. On n’ose imaginer les heures et les heures de travail qu’a dû nécessiter, pour eux, la réalisation de ce spectacle ! Co-écriture des répliques, dessins des costumes, apprentissage des textes, mémorisation d’une partition loin d’être évidente (le chœur se comporte presque toujours comme un personnage à part entière, il y a donc moins de grands ensembles que de répliques courtes, plus difficiles à mémoriser et à « placer » avec précision dans le déroulé de la musique), mémorisation de la mise en scène… Le travail, de toute évidence, a été immense… et a porté ses fruits au-delà de tout espérance !

L’image que l’on retiendra du spectacle ? Sans aucun doute, ce sera celle des saluts au rideau final : noyés sous des tonnerres d’applaudissements, les visages des quelque 50 enfants réunis autour de ce projet irradient littéralement de bonheur et de fierté. Et l’on se prend à rêver : si seulement nos dirigeants pouvaient assister à de tels événements, reconnaître, enfin, que l’art en général – et la musique en particulier – comptent parmi les moyens les plus efficaces d’assurer le vivre ensemble, l’intégration, l’acculturation, le goût de l’effort, l’acquisition de connaissances culturelles, et débloquer les moyens nécessaires pour que les enseignements artistiques et culturels ne soient plus les parents pauvres de l’éducation, comme ils l’ont toujours été dans notre pays… Ce spectacle, dans la formidable expérience artistique et humaine qu’il constitue, apporte à qui en douterait encore la preuve éclatante du caractère indispensable et essentiel de l’art, et du supplément d’humanité qui lui est irréversiblement attaché.

Les artistes

La Sauvage   Laurène Pierre-Magnani
Leïla   Marie-Bénédicte Souquet
Zéphyr   Julien Stella
Le Maire   Nina Kibuanda
Donato   Agustin Perez Escalante

Chœur d’Angers Nantes Opéra (direction Xavier Ribes), Chorale du collège Rosa Parks (direction Valentin Leroux), Chorale de l’école élémentaire Dervallières Chézine (direction François Jarny), Frasques Ensemble, dir. Rémi Durupt

Mise en scène  Guillaume Gatteau

 

Le programme

Contes du quartier -« Les Sauvages » 

Opéra de Guillaume Hazebrouck, livret de Guillaume Lavenant, créé le 23 juin 2021 au Théâtre Graslin de Nantes.

Représentation du vendredi 25 juin 2021, Théâtre Graslin (Nantes)

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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

2 commentaires

Sergio 28 juin 2021 - 9 h 12 min

La vie de ces enfants ne sera plus jamais la même, une telle expérience artistique inverse un destin
Bravo aux quatre Guillaume, initiateurs du projet et à tous les participants et que fleurissent partout ces rencontres de deux mondes que l’on disait inconciliables

Répondre
Caroline 29 juin 2021 - 20 h 13 min

Merci à la Compagnie Frasques, à M. Jarny, à M. Leroux d’avoir eu cette idée un peu folle d’aller toquer à la porte de l’opéra pour leur présenter le projet. Merci à Angers Nantes Opéra d’avoir cru en ce projet et mis à disposition ses moyens techniques et humains.
Merci à tous d’avoir permis à nos enfants de découvrir ce monde fabuleux de l’opéra, de vivre une expérience unique, de grandir et de se révéler, d’ouvrir leur champ des possibles.
Ils avaient déjà la chance de grandir dans une école, certes de rep+, mais une école qui fait la part belle à la culture et aux arts, et ce projet en est encore une fois la preuve.

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