Kitty Whately, mezzo-soprano
Edwige Herchenroder, piano
Horizons, mélodies françaises
Mélodies de Boulanger, Canal, Chrétien, Debussy, Duparc, Polignac, Strohl
1 CD Chandos, (éventuellement minutage), juin 2025
Longtemps, les couleurs de la mélodie française furent défendues par les Anglo-Saxons, qui cultivaient ce genre alors que nous le délaissions. Par bonheur, cela n’est plus vrai, et les dernières décennies ont vu, parmi les interprètes francophones, un regain d’intérêt pour cette masse de partitions dont beaucoup restent à découvrir. Dans le domaine de la mélodie aussi, les compositrices ont aujourd’hui le vent en poupe, on ressuscite à tour de bras, et le label La Boîte à Pépites a même récemment révélé les songs d’une Britannique, Liza Lehmann (1862-1918). Echange de bons procédés, le label anglais Chandos propose à son tour un panorama de la mélodie française qui panache allègrement compositeurs illustres et compositrices (plus ou moins) méconnues, avec un programme qui prouve qu’il n’y a pas à redouter de juxtaposer les œuvres des uns et celles des autres. Dans un monde idéal, qui n’est peut-être pas si loin, il n’y aura même plus lieu de signaler qu’un disque inclut des pages dues à des femmes, puisque ce qui fut longtemps l’exception pourrait bien devenir la règle.
Dans le récital Horizons, Debussy et Duparc sont donc encerclés – même dans l’ordre alphabétique – par mesdames Boulanger, Canal, Chrétien, Polignac et Strohl. On ne présente plus Lili Boulanger, première femme Prix de Rome, fauchée dans sa prime jeunesse et qui a néanmoins eu le temps de laisser quelques compositions majeures. Le programme propose deux de ses mélodies qui ne sont pas parmi les plus connues, antérieures au cycle Clairières dans le ciel mais tout aussi inspirées. Après plusieurs publications chez La Boîte à Pépites, Rita Strohl commence à être bien connue, et ses Douze Chants de Bilitis jouissent même déjà de deux versions concurrentes au disque. Le présent disque se conclut par l’admirable mélodie « La Momie », mais l’on retrouve aussi quatre des Bilitis, dont les deux que la compositrice a choisis au même moment que Debussy, dont les Chansons figurent aussi au programme, et Strohl, là encore, ne pâtit pas de la comparaison. Pour Armande de Polignac, un disque Maguelonne paru en 2022 a notamment permis de la découvrir : on entend cinq fort belles mélodies extraites de La Flûte de jade, recueil sur des poèmes chinois traduits par Frantz Jourdain. C’est le même volume qui a inspiré Marguerite Canal, qui pourrait bien être la révélation de ce disque : les sept mélodies réunies sous le même titre, La Flûte de jade (1922), brillent par leur originalité et leur raffinement ravélien. D’Hedwige Chrétien, qui figurait dans le coffret Compositrices du Palazzetto Bru Zane, on retient surtout le charme mélodique très Belle-Epoque.
Pour servir ce répertoire, la mezzo anglaise Kitty Whately possède des atouts non négligeables, à commencer par une prononciation de qualité et surtout un sens de la déclamation des textes, sans oublier un timbre riche et coloré. Soutenue par la pianiste française Edwige Herchenroder, au jeu sensible, elle sait ciseler chacune de ces pages brèves qui, pour les moins fréquentées, méritent amplement qu’on les donne à entendre. Saluons donc cette collaboration franco-britannique, cette « écoute cordiale ».