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Naples pleure la disparition de ROBERTO DE SIMONE (1933-2025), barde génial de la cité parthénopéenne

par Hervé Casini 9 avril 2025
par Hervé Casini 9 avril 2025
© D.R.
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C’est dimanche soir, dans sa grande maison de la via Foria, devenue depuis de nombreuses années le refuge dont il ne sortait plus guère, que l’illustre homme de théâtre, ethnomusicologue, compositeur, musicien mais aussi metteur en scène napolitain, s’est éteint à l’âge de 91 ans.

Héritier de la grande tradition des arts populaires de sa ville natale – son grand-père fait partie de la troupe de Salvatore De Muto, le dernier grand Pulcinella ! – Roberto De Simone est un enfant de la balle : son père est souffleur au théâtre, sa tante est mezzo-soprano et, à la maison, il y a un piano dont Roberto acquiert, à six ans déjà, les rudiments.

Ayant dû fuir les bombardements alliés pendant la Seconde Guerre Mondiale pour Somma Vesuviana, bourg voisin de Campanie, le jeune Roberto y rencontre pour la première fois les traditions populaires de la culture paysanne dont il s’emparera, un jour, pour leur redonner vie et les réinventer, en particulier dans son chef-d’œuvre La Gatta Cenerentola. Entré au prestigieux conservatoire de Naples San Pietro a Majella, De Simone y apprend les fondamentaux en matière de composition, de direction d’orchestre et d’art de la scène mais n’en oublie pas pour autant cette impertinence qui n’appartiendra qu’à lui et qui l’amène à égratigner jusqu’au fameux miracle de San Gennaro dont, d’après lui, ont réussi à se passer un nombre non négligeable de napolitains illustres !

Dans l’immédiat après-guerre, De Simone joue du piano dans les night-clubs et a pour cheval de bataille rien moins que… la Rhapsody in blue de Gershwin : le génie est précoce !

C’est pendant cette période qu’il pousse ses recherches sur les formes d’expression populaire de Campanie, s’inscrivant dans la lignée des travaux de l’ethnologue et historien des religions, Ernesto de Martino (un autre grand napolitain !) pour souligner la solidité des structures culturelles archaïques méridionales et mettre en lumière leur tissus magique et religieux. Face à un patrimoine immense et encore peu exploré, De Simone opte pour sa composition et son étude par la gestuelle, les rites et les rythmes, mettant de côté pour un temps la musique classique.

Si miracle il y eut dans la vie de Roberto De Simone, c’est davantage en 1967 – à la veille d’un vent contestataire sur l’Europe – qu’il faut le chercher : en effet, cette année là, il va rencontrer un groupe de jeunes gens comme lui fascinés par une musique populaire qui attend de renaître et d’être reproposée au public ! Il lui faudra neuf ans pour arriver jusqu’à La Gatta Cenerentola, opéra entièrement écrit et mis en musique par ses soins, dont la création eut lieu au Festival des deux Mondes de Spoleto, le 7 juillet 1976. Triomphe longtemps non démenti, La Gatta Cenerentola donne lieu à de multiples reprises et à différentes versions, jusqu’à ce que les rapports entre certains membres de la troupe ne se délitent, conduisant De Simone à amorcer une nouvelle collaboration avec le groupe Media Aetas… .

La production artistique de Roberto De Simone est impressionnante : comme compositeur, il signe la partition du Requiem à la mémoire de Pier Paolo Pasolini (1985) puis celle d’Eleonora (1999), opéra venant célébrer le bicentenaire de la Révolution parthénopéenne de 1799.

Parallèlement, notre homme signe des mises en scène pour les plus grandes maisons d’opéra du monde, parmi lesquelles on citera, tout d’abord, le Nabucco (Scala, 7 décembre1986) crée pour l’inoubliable spectacle inaugural de Riccardo Muti, nouvellement nommé directeur musical, avec Renato Bruson et Ghena Dimitrova ! Le succès de cette production, reprise en 1988 puis en 1996, marquera le début d’une collaboration régulière avec le maestro napolitain, donnant lieu, en 1989, à un magnifique Orfeo ed Euridice de Gluck (Bernadette Manca di Nissa, Lella Cuberli, Elizabeth Norberg-Schulz), au frate ‘nnamorato (Le Frère amoureux) opéra napolitain de Pergolesi et à une nouvelle inauguration scaligère, le 7 décembre 1990, avec Idomeneo (et le grand Giuseppe Sabbatini dans le rôle titre !). L’inauguration de la saison1995-96 est encore placée sous le signe de Mozart, avec La Flûte enchantée (Andrea Rost, Paul Groves, Simon Keenlyside[1]…).

Directeur artistique du Teatro San Carlo de Naples, de 1981 à 1987, puis du Conservatoire San Pietro a Majella (à partir de 1995), De Simone est nommé, en 1998, Chevalier des Arts et Lettres par le Président de la République française puis reçoit, en 2015, le titre de Grand Croix des mains du Président italien Sergio Mattarella.

Ce n’est cependant pas la liste – qui semble sans fin ! – des honneurs qui ont été remis à Roberto De Simone qui permet de comprendre la puissance multiforme de son génie mais bien davantage son choix de pratiquer un théâtre tout à la fois épique, populaire, anti-bourgeois… À la différence d’autres grands noms de l’écriture dramatique napolitaine, tels qu’Eduardo De Filippo, Roberto De Simone cherchait à maintenir vivace la tradition du geste de Pulcinella – et pas seulement du texte ! -, convaincu, comme son bien-aimé Stravinsky dont il avait toujours l’une des partitions sur le piano, que le masque napolitain sait conjuguer oralité et écriture, vitalité plébéienne et savoir philosophique et, avant tout chose, mystère de la vie et mystère de la mort.

Peu de temps après la disparition de Roberto De Simone, le maire de la cité parthénopéenne Gaetano Manfredi a fait part de sa très vive émotion, déclarant que « Naples perd là une référence culturelle qui, depuis des décennies, aura su porter la ville tout autour du monde, sachant comme nul autre conjuguer ses antiques traditions à une exceptionnelle attitude innovante […]. Dans le cadre de l’anniversaire des 2500 ans de Naples, Napoli Millenaria, nous avions déjà prévu une exposition consacrée au parcours de la production artistique de De Simone au Teatro San Carlo ».

En attendant des obsèques qui, célébrées ce mercredi après-midi au Duomo par l’archevêque de Naples, devraient être particulièrement suivies dans la cité, les drapeaux sont en berne, un jour de deuil a été déclaré par les autorités municipales et une chapelle ardente a été dressée à l’intérieur du Teatro San Carlo.

—————————————————-

[1] Cette production magnifique sera diffusée vendredi 11 avril à 21h15 sur le canal Rai 5.

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Hervé Casini

Hervé Casini est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, docteur en littérature française à Aix-Marseille Université et Secrétaire Général du Museon Arlaten (Musée d’ethnographie provençale). Collaborateur de diverses revues (Revue Marseille, Opérette-Théâtre Musical, Résonances Lyriques…), il anime un séminaire consacré au « Voyage lyrique à travers l’Europe (XIXe-XXe siècle) à l’Université d’Aix-Marseille et est régulièrement amené à collaborer avec des théâtres et associations lyriques dans le cadre de conférences et colloques.

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