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Mozart des grands soirs : Luxembourg fait un triomphe à Idomeneo

par Nicolas Le Clerre 22 octobre 2025
par Nicolas Le Clerre 22 octobre 2025

© GTG-Magali Dougados

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Idomeneo, re di Creta au Théâtre de la Ville de Luxembourg

Et si le Grand-Duché de Luxembourg était à la mode en ce début d’automne ? Après que le nouveau couple princier a fait la Une de toute la presse magazine à la faveur de l’avènement du nouveau Grand-Duc Guillaume, c’est au tour du Théâtre de la Ville d’attirer la lumière et les bravos à l’occasion de la reprise d’une production d’Idomeneo de Mozart créée à Genève en février 2024.

Il faut se soumettre ou se démettre

Lorsque cette production d’Idomeneo a vu le jour sur la scène genevoise il y a 18 mois, les chroniqueurs lyriques étaient extrêmement partagés sur l’esthétique du spectacle confiée à Chiharu Shiota. Quand quelques-uns saluaient l’intelligence du propos et la capacité de la plasticienne japonaise à évoquer à la fois – grâce à quelques cordes – les liens amoureux et les filets du destin, d’autres paraissaient désarçonnés devant l’abus de fils et de maillages tombant des cintres et la désagréable impression d’un spectacle en train de s’effilocher à la manière d’un vieux foulard aux coins usés…

Le public luxembourgeois n’est pas entré dans ces débats byzantins et c’est par une tonitruante ovation unanime qu’il a accueilli une production dont il faut bien admettre l’intelligence et saluer la réussite.

On est d’abord saisi par la beauté absolue des images créées par la mise en scène de Sidi Larbi Cherkaoui et habillées de cordes blanches et rouges par Chiharu Shiota. Il n’était pourtant pas évident que la rencontre des univers du chorégraphe et de la plasticienne porte du fruit mais, de ce pari risqué, nait un spectacle radical associant l’épure à une richesse de détails qui font de chaque tableau un intense moment de théâtre.

Parmi toutes celles qui habitent l’imaginaire du spectateur longtemps après le tomber de rideau, on retiendra notamment les images de la valse de Neptune sur un damier de fils écarlates ;  la promenade d’Elletra sur le rivage, le reflux des vagues simplement suggéré par l’ondulation de cordes tendues de Cour à Jardin ; les retrouvailles d’Idomeneo et son fils sur une plage de Crète où sèche un filet de pêcheur ; et le vortex immaculé au creux duquel se love Ilia pour chanter « Zeffiretti lusinghieri »… Toutes ces trouvailles sont encore sublimées par les lumières de Michael Bauer qui habille le spectacle de rouges pour mieux en accentuer les passions, qu’il s’agisse du rouge sang réclamé par la colère des dieux ou du rouge amour qui s’épanouit dans les cœurs d’Ilia et Idamante et qui éclabousse de son incarnat la triste robe grise de la jalouse Elettra.

Mais plus que l’esthétique japonisante du spectacle, c’est la synchronie du propos avec l’actualité qui s’impose à nous avec évidence. Dans la note d’intention reproduite par le programme de salle, Sidi Larbi Cherkaoui livre en effet une clé de compréhension du drame d’Idomeneo : pris dans la tempête tandis qu’il rentre de Troie où il a guerroyé pendant dix ans, le vieux roi refuse de s’abandonner au destin et monnaye avec Neptune son maintien sur le trône de Crète au prix d’un pacte sanglant. Idomeneo est donc ce souverain que l’éloignement et la guerre n’ont pas dégoûté de l’exercice du pouvoir et qui tergiverse à s’en éloigner, celui qui – refusant de se démettre – n’accepte pas non plus de se soumettre et ose envisager de sacrifier son propre fils à sa soif de pouvoir.

La crise institutionnelle que connait la France depuis la dissolution de juin 2024 et les appels à la destitution du président de la République résonnent singulièrement avec cet Idomeneo paradoxalement donné dans un micro-État où, depuis l’exemple donné par la Grande-Duchesse Charlotte en 1964, il est de tradition que les souverains luxembourgeois vieillissants renoncent au trône et abdiquent en faveur de leur héritier.

Alors que le livret d’Idomeneo s’achève traditionnellement sur le renoncement du vieux roi despotique et l’avènement d’Idamante, jeune prince épris de liberté, la mise en scène de Sidi Larbi Cherkaoui se conclut sur le geste désespéré d’un tyran qui, dans un sursaut d’hubris, assassine son héritier pour conserver le pouvoir et continuer de s’enivrer de sa propre gloriole. Toute ressemblance avec la situation politique hexagonale pourrait évidemment ne pas être tout à fait fortuite…

Beau comme l’Antique

C’est presque devenu une tradition : depuis trois ans, chaque saison lyrique luxembourgeoise s’ouvre sur un opéra de Mozart dont la direction musicale est confiée à Fabio Biondi. Après La Clémence de Titus en 2023 et Cosi fan tutte l’an passé, c’est donc Idomeneo dont s’empare le chef palermitain pour en livrer une interprétation marmoréenne, belle comme l’Antique.

Dès l’ouverture, monumentale, composée dans un style encore très haendélien, on est immédiatement séduit par la précision des attaques, le caractère martial des cuivres et la souplesse des cordes de l’Orchestre Luxembourg Philharmonic. À n’en pas douter, il y a bien un chef à la barre de cette phalange et il n’est qu’à prêter l’oreille à l’équilibre entre la fosse et le plateau pour se convaincre que Fabio Biondi n’est jamais plus à l’aise que lorsqu’il dirige les voix et le répertoire du settecento qu’il a par ailleurs si miraculeusement servi comme instrumentiste avec ses musiciens d’Europa Galante.

Pivot de la distribution, Bernard Richter est le seul rescapé du cast de la création genevoise de ce spectacle où il avait remplacé in extremis Stanislas de Barbeyrac souffrant. De fait, dès son apparition sur la mer démontée, on le sent parfaitement à l’aise avec les partis-pris radicaux de la mise en scène qui n’altèrent jamais sa ligne de chant ni la délicatesse de sa mezza voce. Du roi de Crète, le ténor suisse possède à la fois l’autorité du timbre, les nuances et l’agilité nécessaire pour vocaliser élégamment les périlleuses appoggiatures de « Fuor del mar », une aria di tempesta redoutable composée par Mozart dans la grande tradition belcantiste héritée de Vivaldi et Haendel.

Dans le rôle d’Idamante, Josy Santos s’approprie une partition composée au XVIIIe siècle pour la voix du castrat Vincenzo del Prato. De son timbre opulent de mezzo et de son costume rebrodé de plumes bleues nait une ambiguïté androgyne dont la mise en scène de Sidi Larbi Cherkaoui tire parfaitement parti. Du jeune prince crétois, la chanteuse brésilienne possède l’aplomb vocal, l’émission solide et une palette de couleurs vocales qui lui permettent d’exprimer toutes les facettes de son personnage.

Face à elle, Anna El-Khashem incarne une Ilia de porcelaine, fragile et lumineuse à la fois. Si « Padre, germani, addio » parait d’abord un peu timide, le portrait de la princesse troyenne ne tarde pas à s’affirmer jusqu’à ce que l’air du début du troisième acte, « Zeffiretti lusinghieri », crée dans le théâtre une bulle de silence et de grâce inouïe. De tous les solistes, la soprano russe est par ailleurs la plus à l’aise avec les chorégraphies dont Sidi Larbi Cherkaoui a ponctué le spectacle : à plusieurs reprises, on demeure ébahi par sa capacité à tenir la ligne de chant tout en se contorsionnant avec grâce parmi les cordes du dispositif scénique.

En Elettra, Jacquelyn Wagner déçoit un peu et peine à imposer un personnage cohérent. La voix, surtout, parait se dérober aux difficultés du rôle : le timbre sonne acide et les notes les plus aiguës s’accompagnent de stridences incontrôlées qui font penser à une méforme qu’on espère passagère. Dans la scène de folie « D’Oreste, d’Aiace », la soprano américaine peut néanmoins compter sur son métier pour composer un vrai personnage de tragédie.

La jolie surprise vocale du plateau est l’interprétation très habitée que Linard Vrielink livre du personnage d’Arbace. Le confident du roi ne dispose que d’un seul air précédé d’un joli récitatif accompagné mais ces huit minutes offrent au ténor néerlandais le temps suffisant pour démontrer toute l’étendue de son jeune talent : pianissimi de velours, legato voluptueux et notes aiguës chantées à gorge déployée sont autant d’atouts techniques qui devraient permettre à ce bel interprète d’ambitionner rapidement des rôles plus étoffés.

Jason Bridges ne dispose que de quelques phrases en fin de troisième acte mais les imprécations de son grand prêtre de Neptune sont d’une parfaite noblesse.

Très sollicités et particulièrement gâtés par l’écriture mozartienne, les artistes du chœur du Grand Théâtre de Genève sont des protagonistes essentiels de cette tragédie antique. Parfaitement préparés par Mark Biggins, ils se révèlent excellents dans toutes les tessitures.

Au terme du spectacle, chacun des artistes reçoit la part d’ovation qui lui revient et une grande partie du public luxembourgeois, ordinairement réservé, salue cet Idomeneo d’une standing ovation. Pour que la soirée soit parfaite, il n’y manquait finalement que le Grand-Duc Guillaume et la Grande-Duchesse Stéphanie qui manquent là l’occasion de placer le début de leur règne sous le double signe de la transmission et de la magnanimité.

Les artistes

Idomeneo : Bernard Richter
Idamante : Josy Santos
Elettra: Jacquelyn Wagner
Ilia: Anna El-Khashem
Arbace: Linard Vrielink
Grand prêtre de Neptune: Jason Bridges
L’oracle: Wiliam Meinert
Deux filles crétoises: Mayako Ito, Mi Young Kim
Deux Troyens: David Webb, Rodrigo Garcia

Choeur du Grand Théâtre de Genève. Direction des Chœurs : Mark Biggins
Orchestre Luxembourg Philharmonic, dir Fabio Biondi
Assistant à la direction musicale et continuo : Luca Quintavalle

Mise en scène et chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui
Scénographie : Chiharu Shiota
Costumes : Yuima Nakazato
Lumières : Michael Bauer
Dramaturgie : Simon Hatab
Assistant à la chorégraphie : Stephan Laks
Assistant à la mise en scène : Leonardo Piana

Le programme

Idomeneo, re di Creta

Opera seria en trois actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Giambattista Varesco. Créé au Altes Residenztheater, à Munich, le 29 janvier 1781.

Théâtre de la Ville de Luxembourg, représentation du jeudi 16 octobre 2025

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Sidi Larbi CherkaouiJacquelyn WagnerFabio BiondiBernard RichterJosy Santos
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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