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Au Châtelet, Bizet bouffe, tendre et tragique

par Cartouche 29 mai 2025
par Cartouche 29 mai 2025

© Thomas Amouroux

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L’Arlésienne, Le Docteur Miracle, Paris, Théâtre du Châtelet, 24 mai 2025

Au Théâtre du Châtelet, un spectacle émouvant et réjouissant réunit la bouleversante musique de scène de Bizet pour L’Arlésienne d’Alphonse Daudet et le très rare Docteur Miracle, opérette bouffe de jeunesse.

Au cours de sa saison 2024/2025, pour commémorer le cent-cinquantième anniversaire de la création de Carmen le 2 mars 1875 puis le décès du compositeur Georges Bizet (1838-1875) trois mois plus tard, le Palazzetto Bru Zane présente dans le cadre du Festival Palazzetto Bru Zane Paris un cycle intitulé « Bizet, l’oiseau rebelle » confrontant deux œuvres aux antipodes l’une de l’autre : la musique de scène originale pour L’Arlésienne d’Alphonse Daudet, rarement jouée, qui accompagne une version scénique et simplifiée du texte de Daudet sous la forme d’un conte musical, et le très rare Docteur Miracle, première œuvre lyrique du compositeur. Ce très beau spectacle vient faire escale au Théâtre du Chatelet pour une série de 8 représentations et il ne faut pas le rater.

L’Arlésienne

L’Arlésienne est d’abord une nouvelle qu’Alphonse Daudet incorpore à ces Lettres de mon moulin (1866) qui lui assurent une notoriété certaine. Drame de passions contrariées, elle narre les amours tragiques de Fréderi, riche fermier de Camargue, qui s’amourache d’une Arlésienne, maîtresse puis fiancée du gardian Mitifio. Sans l’intervention du berger Balthazar, autrefois amoureux fou de la Renaude, Fréderi irait jusqu’à le tuer. Ne pouvant oublier cette fille, et malgré l’amour que lui porte Vivette, filleule de sa mère Rose Mamaï, Fréderi se précipite sur le pavé de la ferme depuis le grenier et s’y brise le crane, alors que tous au Mas du Castelet fêtent la St-Éloi.

En 1872, Daudet est un auteur célèbre qui transforme son récit en drame en cinq actes (ou trois actes et cinq tableaux) pour lequel Bizet est chargé d’écrire une musique de scène qui ponctue parfois les situations selon le procédé du mélodrame, quand la musique soutient la parole parlée ou quand elle est chargée de créer un climat. Bizet ne dispose que d’un effectif instrumental réduit, 26 exécutants, et d’un petit chœur, mais il tire un parti très ingénieux de ces limites, inventant des couleurs et des alliances de timbres originales et déployant une palette orchestrale d’une grande variété, passant de la musique de chambre à l’imposant tutti de l’orchestre, avec cette trouvaille géniale d’associer le timbre du saxophone, rare à l’orchestre et étrange aux oreilles du public à l’époque, au personnage de l’Innocent, frère cadet de Fréderi. Pour évoquer l’atmosphère provençale que Mistral et la Mireille de Gounod avaient déjà sublimée, Bizet emprunte notamment au recueil Lou Tambourin (1864) de François Vidal les mélodies de la farandole et de la Marche des Rois. Mais il déploie un génie mélodique très personnel comme dans l’ample cantilène de l’Intermezzo (le n°2 de la Suite d’orchestre n°2) que la postérité transforme en Agnus Dei. À la création en octobre 1872, la pièce de Daudet est un véritable four : le public boude le mélange de réalisme poétique et contemplatif et de tragédie pastorale du drame de Daudet. Mais la musique de Bizet reçoit maints éloges et le compositeur en tire sa Suite de L’Arlésienne (dite Suite n°1) qui connait un très grand succès aux Concerts Populaires de Jules Pasdeloup en novembre 1872.

Dans sa passionnante biographie de Bizet, Hervé Lacombe appelait de ses vœux une réalisation plus conforme au goût de notre époque et une forme plus ramassée pour accompagner la musique délicate et inventive de Bizet. C’est fait et c’est à lui qu’on doit le texte du conte musical présenté au Châtelet, très largement inspiré du texte de Daudet. C’est Eddie Chignara qui assume le rôle écrasant du récitant comme du Berger Balthazar. Il s’acquitte avec brio et sensibilité de cette tâche, se laissant parfois emporter par son texte et la passion des émotions qu’il évoque pour devenir peu compréhensible. Mais c’est sa grande présence scénique et son énergie qui donne corps au récit et voix aux personnages du drame superbement incarnés par les danseurs Iris Florentiny dans les rôles de Rose et Vivette et Aurélien Bednarek dans ceux de Fréderi et Mitifio. Pierre Lebon, le metteur en scène qui signe le décor et les costumes, et qui dansait le rôle de L’Innocent ce soir-là, installe sur scène un moulin avec ses ailes, son mécanisme et sa meule, référence à celui de Daudet et image forte du destin tragique de Fréderi car il est bien connu que la meule des dieux moud lentement mais, inexorable, n’en moud que plus fin. Ce castelet figurait aussi la ferme du Castelet et son grenier et incorporait une espèce d’écran ou de lanterne magique présentant des paysages auxquels répondaient les belles et fortes images suscitées par la mise en scène. Le quatuor vocal de Dima Bawab, soprano, Héloïse Mas, mezzo-soprano, Marc Mauillon, ténor, et Thomas Dolié, baryton, assurait avec bonheur les parties du chœur et les rôles des familiers ou voisins, complémentant par la beauté des costumes l’évocation d’une églogue quasi virgilienne rongée par le poison de la passion.

Musicalement c’est un vrai plaisir d’entendre cette partition aux coloris délicats, débarrassée des surcharges du grand orchestre que demandent les deux Suites tirées de la musique de scène. Sora Elizabeth Lee dirige l’Orchestre de Chambre de Paris avec souplesse et sensibilité. Mon seul regret c’est, puisqu’il faut des images à ce siècle, la chorégraphie que je trouve intempestive sur la musique de l’Ouverture, qui se suffit largement à elle-même par sa puissance d’évocation, et le récit de Balthazar sur celle de l’Adagietto des retrouvailles du berger et de la mère Renaude, où Bizet distille une confession intime de regrets inutiles. Ces quelques réserves n’enlèvent rien à ce spectacle convaincant et sensible, bien rythmé, où jeu, musique et danse se complètent harmonieusement.

Le Docteur Miracle

Le contraste avec Le Docteur Miracle était saisissant. Il s’agit d’un opéra-comique (Bizet dit opérette) en un acte composé pour un concours qu’organise Jacques Offenbach en 1856 pour faire émerger de jeunes talents dans le genre de l’opérette qu’il développe dans son théâtre des Bouffes-Parisiens. Bizet et Charles Lecocq, futur compositeur de La Fille de Madame Angot, sont déclarés vainqueur ex æquo. Le prix de 600F et une médaille en or de 300F récompensent un Bizet de 19 ans qui obtient la même année son Prix de Rome et son visa pour la Villa Médicis et qui voit sa première œuvre lyrique montée avec orchestre sur la scène des Bouffes-Parisiens en janvier 1857.

Le livret de Léon Battu et de Ludovic Halévy, futur librettiste des grands succès d’Offenbach comme de Carmen, pastiche les situations de la commedia dell’arte. Le Podestat de Padoue (baryton) comme sa seconde épouse Véronique (mezzo-soprano) essayent de détourner leur fille Laurette (soprano) de son amoureux le Capitaine Silvio (ténor). Celui-ci s’introduit chez le Podestat sous un déguisement de domestique et le nom de Pasquin. Pour faire preuve de ses talents il concocte une omelette qui incommode le Podestat. Laissés seuls les amants roucoulent avant le retour du père. Démasqué, Silvio s’enfuit et Véronique annonce que l’omelette était empoisonnée. Le Podestat se lamente alors que Véronique jubile à l’idée de remplacer son époux. Survient le Docteur Miracle qui réclame la main de Laurette pour sauver le père. Laurette accepte de se sacrifier et une fois les consentements signés, elle découvre que Miracle n’est autre que Silvio.

Si le propos est bien mince, il offre à Bizet l’occasion de peindre une large palette de situations, de l’effusion sentimentale, à la colère exagérée ou la charge bouffonne, et de donner libre cours à sa veine comique comme dans le Quintette des contrebandiers de Carmen. Pierre Lebon fait précéder l’œuvre par les propos loufoques d’un bonimenteur faisant la réclame d’un remède miracle et il est dommage que ses propos se perdent parfois dans la vaste salle du Châtelet car il donne le ton ce qui va suivre. Pendant que se déploie l’ouverture, le Charlatan tire sur scène des tréteaux de foire (le castelet reconverti) sur lesquels va se dérouler l’intrigue, avec tout un jeu de boîtes, d’escaliers, de trappes et de rideaux, métaphore des faux-semblants sur lesquels repose l’intrigue. On entre alors dans un univers de réjouissante bouffonnerie qui convoque Buster Keaton et Max Sennet, Molière, Scapin et Gros-Guillaume pour une loufoquerie jubilatoire faite de gestes outranciers, de chutes et de culbutes de la part de chanteurs, maquillés comme des clowns et de rouge vêtus et sans cesse vibrionnant, dont on se demande s’il ne sont pas en caoutchouc et sans que leur performance vocale en soit affectée alors qu’ils ont souvent un texte parlé copieux à faire passer. Si j’en crois mon programme et le site Internet du théâtre, c’est Marc Mauillon qui assumait de manière virtuose le rôle de Silvio, puis du valet Pasquin « bête mais honnête » avec une voix de ténor claire et percutante comme un appel de trompette, qui déploie des ressources de mime et une énergie quasiment inépuisables. Sa taille moyenne offrait un contraste saisissant et appuyé avec la haute taille et l’embonpoint factice du Podestat incarné par le baryton Thomas Dolié, très à l’aise sur toute l’étendue de sa tessiture, avec des aigus triomphants. Héloïse Mas, dans le rôle de la belle-mère légèrement nymphomane m’a fait grande impression par son abattage, sa voix ample et souple, corsée et tranchante, distillant avec humour les couplets « Cela n’est pas visible à l’œil nu ». Là aussi le contraste était parfait, physiquement et vocalement, avec la Laurette campée par Dima Bawab, dont la voix légère et agile était parfaite de rouerie dans son rôle de fausse ingénue. Comment ne pas se laisser embarquer dans cet univers qui se moque de lui-même avec élégance, inventivité et sans vulgarités ! Comme remède à la morosité ambiante, ce Docteur Miracle vaut bien des potions magiques. Dieu sait si c’est une étrange (et difficile) entreprise de faire rire les honnêtes gens. Pari gagné, Monsieur Lebon. Bravo à vous et à votre compagnie.

Les artistes

L’Arlésienne

Balthazar : Eddie Chignara
L’Innocent : Pierre Lebon
Mitifio / Fréderi (danseur) : Aurélien Bednarek
Rose / Vivette (danseuse) : Iris Florentiny
Dima Bawab, soprano
Héloïse Mas, mezzo-soprano
Marc Mauillon, ténor
Thomas Dolié, baryton 

Le Docteur Miracle
Laurette : Dima Bawab
Véronique : Héloïse Mas
Silvio : Marc Mauillon
Le Podestat de Padoue : Thomas Dolié
L’assistant du Docteur Miracle (rôle parlé) : Pierre Lebon

Orchestre de Chambre de Paris, dir. Sora Elizabeth Lee

Le programme

L’Arlésienne
Conte musical pour récitant, ensemble vocal et orchestre, texte d’Hervé Lacombe d’après le drame d’Alphonse Daudet (1872)

 Le Docteur Miracle
Opéra-comique en un acte de Georges Bizet, livret de Léon Battu et de Ludovic Halévy (1857)

Paris, Théâtre du Châtelet, représentation du samedi 24 mai 2025.

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Dima BawabMarc MauillonHéloïse MasThomas DoliéPierre LebonEddie ChignaraSora Elizabeth Lee
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Cartouche

Premier baryton de la troupe Eratori, dédiée à la défense de l’œuvre lyrique de Claude Terrasse, Cartouche est agrégé d’anglais et l’auteur d’une thèse sur les opéras de Benjamin Britten, de nombreux articles sur son oeuvre et celle de Ralph Vaughan Williams et du rapport texte et musique, XIXe-XXe. Il a échappé de peu au supplice de la roue et coule une retraite active après avoir officié à l’université de Caen.

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