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Opéra de Saint-Étienne : THAÏS, du cabaret au couvent

par Stéphane Lelièvre 21 novembre 2024
par Stéphane Lelièvre 21 novembre 2024

© Opéra de Saint-Etienne - Cyrille Cauvet

© Opéra de Saint-Etienne - Cyrille Cauvet

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Inspirée d’un roman d’Anatole France paru en 1891 et créée le 16 mars 1894 à l’Opéra de Paris, la Thaïs de Massenet, malgré la superposition sulfureuse de deux thématiques (sexe et religion) propre à enflammer les esprits et la présence de « tubes » (la Méditation, « Dis-moi que je suis belle » et « Voilà donc la terrible cité »)  n’a jamais acquis la notoriété des grands chefs-d’œuvre de Massenet : la discographie de l’œuvre reste assez maigre et les reprises scéniques font toujours figure d’événement. Thaïs est parfois donnée en version de concert (on se souvient de la brillante soirée proposée par Renée Fleming et Christoph Eschenbach au Châtelet en 2007 ; récemment, l’Opéra de Toulon et le TCE l’ont également proposée en concert), mais la seule production scénique française récente est celle de Tours, en 2022, avec Plasson à la baguette et Grinda à la mise en scène[1]. Rien à l’Opéra de Paris depuis presque quarante ans (1988) : la  production était alors signée Nicolas Joël . 

C’est donc avec impatience que nous attendions cette nouvelle production, d’autant que pour l’événement, l’Opéra stéphanois a mis les petits plats dans les grands en convoquant l’un des metteurs en scène français les plus talentueux du moment et une équipe vocale a priori fort séduisante. Le spectacle, accueilli très favorablement par le public, a pour le moins tenu ses promesses.

La distribution tout d’abord : elle est soignée dans ses moindres détails, avec de fort convaincantes Louise Pingeot, Éléonore Gagey et Marion Grange, respectivement Charmeuse, Myrtale et Crobyle. Le beau timbre moiré de Marie Gautrot lui permet de trouver en Albine des accents à la fois empreints d’autorité et d’humanisme, et Guilhem Worms campe lui aussi un Palémon très humain, avec un beau timbre à la fois grave et clair : la première phrase chantée par le personnage (« Chaque matin le ciel… »), qui évoque d’assez près le « Quand apparaissent les étoiles » de Don Quichotte, nous laisse deviner quel beau Chevalier de la Longue Figure il sera peut-être un jour… Léo Vermot-Desroches, timbre clair, émission franche et aisée, ne fait qu’une bouchée du rôle de Nicias.
Mais c’est bien sûr pour les deux personnages principaux que le public va voir Thaïs, les deux interprètes – dont les rôles sont strictement équivalents en termes d’importance – devant impérativement se situer au même niveau d’excellence pour ne pas rompre l’équilibre musical et dramatique de l’œuvre : le cénobite est en effet le double inversé de la courtisane, chaque personnage effectuant le parcours inverse de l’autre (renoncement au monde pour Thaïs, découverte de l’amour terrestre et de la sexualité pour Nathanaël).
Jérôme Boutillier est formidable dans l’incarnation, vocale et scénique, de cet homme trop intransigeant, trop intégriste dans ses positions pour être honnête : les plus prompts à condamner le plaisir des sens sont souvent ceux, c’est bien connu, qu’un tel plaisir obsède et tourmente en secret ! La voix sait se faire dure, dépourvue de tout moelleux lorsqu’il s’agit d’évoquer l’inflexibilité du cénobite ; elle prend par la suite des accents torturés et déchirants quand le personnage réalise trop tard qu’il a sacrifié son bonheur à la poursuite d’idéaux vains et inhumains. Un art du chant qui n’est pas sans rappeler celui d’un Robert Massard (même grain de voix, même émission franche et autoritaire, même diction impeccable), et qui se double d’une incarnation scénique habitée.
C’est la première fois que nous entendions Ruth Iniesta dans le répertoire français, et elle s’y montre excellente, de diction et de style. On a déjà entendu des voix plus larges dans le rôle, mais celle de la soprano espagnole est de grande qualité, suffisamment puissante et surtout n’est pas avare de nuances, qui lui permettent de brosser un tableau complet de l’héroïne, sensuelle et provocante aux deux premiers actes, repentie et touchée par la grâce au troisième – où elle délivre une scène de la mort bouleversante.

La mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau propose quant à elle une transposition habile du livret original, qui renouvelle la vision de l’œuvre tout en en respectant les enjeux dramatiques. Thaïs, courtisane et actrice du IVe siècle, attachée au culte de Vénus, devient ici la danseuse d’un cabaret où les messieurs viennent apprécier un peu plus que sa voix et ses pas de danse… Myrtale et Crobyle sont ses collègues, et Nicias le propriétaire de ce nouveau « temple de Vénus ». La transposition fonctionne, ne « force » jamais l’œuvre, et le metteur en scène qui, fidèle à ses habitudes, réalise aussi les décors et les costumes du spectacle, nous donne à voir quelques tableaux saisissants, tels Nathanaël couché sur le ventre, les bras en croix, sous un immense crucifix suspendu (une étonnante « image inversée » du Christ…) ; ou encore la scène dans laquelle Thaïs, venant d’être violée par Nicias, semble telle Eboli « maudire sa beauté » et se taillade le visage – peut-être en signe d’un châtiment qu’elle s’inflige à elle-même pour se punir d’actes passés qu’elle condamne désormais, mais plus certainement encore pour dissuader d’autres hommes de l’approcher et de jouir de sa beauté.
Bravo enfin au danseur Carlo D’Abramo, très applaudi, qui révèle avec talent et sensualité les parts féminine et masculine qui cohabitent en chacun d’entre nous. 

Si l’on ajoute que le Chœur Lyrique et l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire se sont montrés à la hauteur des exigences de la partition, et que le chef Victorien Vanoosten, décidément très à son aise dans le répertoire français (on n’a pas oublié sa très belle Reine de Saba donnée à Marseille en octobre 2019) a parfaitement su révéler les dimensions érotiques et orientalisantes de la partition, on comprendra que la soirée s’est soldée par un très grand succès (et même par un triomphe pour les deux chanteurs principaux), les jeunes, particulièrement nombreux dans la salle en ce soir du 19 novembre, étant loin d’être les plus avares en applaudissements !

Retrouvez ici Jérôme Boutillier en interview !

—————————————–

[1] À l’étranger, il faut signaler la production scaligère imaginée par Olivier Py avec Marina Rebeka en février 2022.

Les artistes

Thaïs : Ruth Iniesta
Athanaël : Jérôme Boutillier
Nicias : Léo Vermot-Desroches
Palémon : Guilhem Worms
Crobyle : Marion Grange
Myrtale : Éléonore Gagey
La Charmeuse : Louise Pingeot
Albine, Abbesse : Marie Gautrot
Danseur : Carlo D’Abramo

Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire, dir. Victorien Vanoosten
Choeur Lyrique Saint-Étienne Loire, dir. Laurent Touche
Mise en scène, décors, costumes : Pierre-Emmanuel Rousseau
Chorégraphie : Carmine De Amicis
Lumières : Gilles Gentner

Le programme

Thaïs

Opéra en trois actes de Jules Massenet, livret de Louis Gallet d’après Anatole France, créé le 16 mars 1894 à l’Opéra de Paris.
Opéra de Saint-Étienne, représentation du mardi 19 novembre 2024.

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Marie GautrotPierre-Emmanuel RousseauJérôme BoutillierGuilhem WormsLéo Vermot-DesrochesVictorien VanoostenRuth IniestaMarion GrangeÉléonore GageyLouise Pingeot
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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