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Pelléas et Mélisande à Montpellier sous la baguette de Kirill Karabits

par Yseult 11 mars 2022
par Yseult 11 mars 2022

© Marc Ginot

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À l’Opéra-Comédie de Montpellier, le Pelléas et Mélisande de Debussy mis en scène par Benjamin Lazar se pose pour la première fois en France, après Malmö et Karlsruhe. Avec Marc Mauillon en Pelléas et la prise de rôle de la comédienne Judith Chemla en Mélisande, l’attente des publics a été récompensée. D’autant que l’orchestre national de Montpellier miroite sous la baguette du chef ukrainien le plus francophile : Kirill Karabits.

Une forêt pour le théâtre intime de l’enfermement et de la fatalité

En transposant le drame de Maurice Maeterlinck (1893) en livret d’opéra, Claude Debussy opère un geste bien différent de celui habituel d’adaptation. En avril 1902, dans la salle Favart, c’est un texte parlé qui devient chanté-parlé sous le prisme du symbolisme fin-de-siècle. À la recherche de l’essence du théâtre lyrique de langue française, Debussy bâtit un opéra en rupture avec les conventions contemporaines (wagnériennes, italiennes, ou françaises) recherchant plutôt « une langue évocatrice dont la sensibilité pouvait trouver son prolongement dans la musique et le décor orchestral. […] les personnages de ce drame tâchent de chanter comme des personnes naturelles et non pas dans une langue arbitraire faite de traditions surannées. »

Dans la mise en scène de Benjamin Lazar, le projet debussyste prend vie avec le concours des artistes du plateau et des musiciens. Avec le goût du risque et une immense culture théâtrale qui a fait ses preuves (de Pyrame et Thisbé de T. de Viau jusqu’à Written on skin de G. Benjamin à Cologne),  Benjamin Lazar fait le pari d’englober les 5 actes dans la forêt d’Allemonde, celle dont Golaud livre la clé dès la première phrase « Je ne pourrai plus sortir de cette forêt ! ». Le dispositif unique d’une forêt quasi naturaliste et touffue, conçu avec la complicité de la scénographe Adeline Caron, piège les destinées des êtres soumis à la fatalité. Au fil des 13 scènes, la modeste pièce d’eau de la source – une eau symbole de la mémoire engloutie – devient fontaine du parc, grotte ou souterrain du château. Lorsqu’elle tient lieu de lit mortuaire pour l’énigmatique Mélisande, on atteint le climax émotionnel d’un spectacle émouvant par ce « rien dont elle est faite » selon l’expression de Debussy [1]. Le théâtre intime de l’enfermement de Maeterlinck prend ainsi tout son sens, spatial comme psychique, voire névrotique. Dans ce huis-clos humanisé par les lumières (Mael Iger) et par les tonalités acidulées d’habits des années 60-70 (référence à Théorème de Pasolini d’après le programme de salle), le spectateur peut se concentrer sur les mystères de l’âme, les vertiges amoureux et les malaises qui affleurent chez les personnages aux « corps de chair et de sang » selon B. Lazar. Effectivement, leur jeu est permanent sur le plateau, du chant jusqu’aux interludes orchestraux. Les rares éléments de décor se fondent dans la matière végétale et les oppositions de lumière, tel le lit de Golaud blessé à la chasse, telle la vigie d’une rampe de bois rappelant le proche littoral (chœur de matelots en coulisses), et même la balançoire, heureux substitut de la tour pour le jeu de rôle si sensuel de Pelléas et Mélisande, où bras et cheveux s’enlacent « Je les tiens dans les mains, je les tiens dans la bouche  ». On l’aura compris, tous les symboles sont convoqués – forêt, eau, ombre et lumière, chevelure – mais aucun n’est monstratif ou bien stylisé comme quantité de mises en scène le pratiquent depuis celle de Robert Wilson (Opéra de Paris, 2000). Si le poupon du bébé de l’héroïne est en revanche assez laid, l’ultime tableau dénonce clairement l’ordre patriarcal et sclérosé d’Allemonde, où les vieilles générations survivent étrangement aux plus jeunes.

Des interprètes sincères

La distribution est de la plus belle eau pour l’ensemble de qualités que requiert cet opéra de 1902, dont la singularité ne faiblit pas en 2022. Tous les artistes partagent l’art de diseur, le sens de la nuance vocale et une connexion permanente avec l’orchestre mouvant. Pelléas solaire, Marc Mauillon a non seulement le timbre clair (l’aspect claironnant pourrait s’affiner) et l’aigu de l’emploi de baryton-Martin mais l’engagement spontané et juvénile du jeune amoureux : avec sa partenaire, il enflamme les deux scènes d’amour !  Son talent s’est développé dans sa prise de rôle de l’Orfeo monteverdien à l’Opéra-Comique (2021). L’ équilibre de la distribution n’est pas optimal avec le baryton Allen Boxer (prince Golaud), fin musicien aux superbes aigus a cappella, mais dont le grave un peu sourd manque d’assise pour incarner l’époux jaloux. Cependant sa métamorphose en violent Barbe-bleue est palpable : la 10e scène de voyeurisme, avec son fils sommé d’espionner, est haletante, plus que celle de violence conjugale. La participation d’Elodie Méchain (Geneviève) en mère des frères ennemis est correcte. L’omniprésence de l’enfant Yniold sur le plateau (observateur des adultes en perdition) n’entache pas les deux prestations du clair soprano Julie Mathivet. Debussy lui confie une déclamation à la Moussorgsky (Les enfantines), ici optimisée. Selon notre perception, c’est toutefois Vincent Le Texier en patriarche Arkel, qui surplombe le plateau. Son jeu de scène en prophète aveugle, ses tremblements maîtrisés n’ont d’égal que la maîtrise vocale d’un épigone debussyste, qui a chanté Golaud pendant des décennies, de Moscou (première en 1987 sous la baguette de M. Rosenthal)  à l’Opéra de Paris. Depuis quelques années,  il confère une aura majestueuse au roi dépassé par la fatalité : l’outre-tombe de ses graves, le métal de ses aigus se marient à l’or des trombones et tubas (11e scène, début du IV).

La Mélisande de Judith Chemla en 2022 : la revanche de Georgette Leblanc

Le défi de la comédienne et actrice de cinéma Judith Chemla, choisie par Valérie Chevalier (directrice de l’Opéra de Montpellier), est d’endosser le rôle d’une chanteuse-diseuse. On se souvient des motifs de la discorde entre le compositeur et Maeterlinck quelques mois avant la création de l’opéra : le dramaturge belge ne parvenait pas à imposer sa compagne Georgette Leblanc, actrice et chanteuse émancipée de la Belle Epoque, pour incarner Mélisande (refusée par le directeur de l’Opéra-Comique, Albert Carré). 120 ans plus tard, cette place conquise par Judith Chemla serait donc la revanche de Georgette ! Un indice prometteur ce 9 mars 2022, lendemain de la Journée internationale des femmes.

Judith Chemla, elle, poursuit la voie lancée par les spectacles élaborés aux Bouffes du Nord  depuis 2016 – Traviata, vous méritez un jour meilleur (mise en scène par B. Lazar), Le crocodile trompeur – soit revisiter l’opéra de répertoire par un scenario où parlé et chanté se croisent. Après avoir joué Mélisande, adaptation du drame de Maeterlinck au Festival « Femmes libres » à Lyon (mars 2021), elle incarne ici celle de Debussy. Lors d’un entretien informel, elle nous confie que Mélisande serait, comme Ariane, une épouse traumatisée par Barbe-bleue. Avec un naturel confondant, enfantin ou somnambulique, l’artiste fait corps avec les mots, détaille librement la mélopée « Mes longs cheveux », tandis que chacun de ses gestes, délicats ou fiévreux (notamment les bras et mains de chrysalide), livre la vulnérabilité de la mystérieuse héroïne qui se libère en rencontrant Pelléas.

Une alchimie orchestrale

Dans l’acoustique exceptionnelle de l’Opéra-Comédie, l’Orchestre national de Montpellier et le chef Kirill Karabits donnent vie à l’alchimie debussyste des sons. Le réseau subtil des motifs, ni envahissants ni systématiques, toujours dans la trame orchestrale, demeurent un apport au drame chanté et non plus un support, comme l’observait le chef Pierre Boulez. Mention spéciale aux pupitres des harpes, flûtes, hautbois, cors et contrebasses, dont les couleurs changeantes trament les sublimes interludes orchestraux. Pour le spectateur-auditeur du mois de mars 2022, cette alchimie agit comme un recentrage vers les valeurs impérissables de civilisation.

Dans la terrible actualité de l’invasion de l’Ukraine, nous signalons l’originaire ukrainienne du jeune chef francophile, actuellement chef principal de l’orchestre symphonique de Bournemouth (Royaume Uni). Il est le fils du compositeur ukrainien Ivan Karabits (1945-2002).

————————————–

[1] Lettre de C. Debussy à Ernest Chausson.

Les artistes

Pelléas : Marc Mauillon
Golaud : Allen Boxer
Arkel : Vincent le Texier
Un médecin, un berger : Laurent Sérou
Mélisande : Judith Chemla
Geneviève : Élodie Méchain
Yniold : Julie Mathevet 

Chœur et Opéra national Montpellier Occitanie, Kirill Karabits, direction musicale

Benjamin Lazar, mise en scène
Adeline Caron, décors
Alain Blanchot, costumes
Mael Iger, lumières

Le programme

Pelléas et Mélisande

Drame lyrique en 5 actes de Claude Debussy, livret de Maurice Maeterlinck, créé le 30 avril 1902 à l’Opéra-Comique (Paris)

Représentation du 9 mars 2022, Opéra-Comédie de Montpellier

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Marc MauillonDebussyJudith ChemlaBenjamin LazarKirill Karabits
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Yseult

Encore appelée Yseult la Blonde, Yseult est reine de Cornouailles. Épouse du Roi Marc, elle n'en est pas moins passionnément amoureuse de Tristan. Lorsque ses escapades dans la forêt du Morrois le lui permettent, Yseult se livre à des activités de chercheuse, de musicienne et de pédagogue. Elle fréquente également assidûment les salles d'opéras, et envoie à l'occasion ses impressions de spectatrice à Première Loge.

2 commentaires

Hubert 17 mars 2022 - 4 h 20 min

Quel rapport entre Georgette Leblanc (qu’on peut voir jouer dans le film célèbre de Marcel L’Herbier, L’Inhumaine) et Judith Chemla ? je ne saisis pas. En quoi Judith Chemla ressemblerait plus à Georgette Leblanc qu’à Mary Garden ?

Répondre
Teresa 28 mars 2022 - 12 h 01 min

Un applauso all’autore del commento che, con grande acume critico, mette in risalto l’ironia dei personaggi in un ambiente della Belle Époque e in un contesto orchestrale e canoro di grande qualità

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