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Les Viotti frère et sœur proposent une splendide Voix humaine à Lisbonne

par Stéphane Lelièvre 6 décembre 2020
par Stéphane Lelièvre 6 décembre 2020
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Crédits photos : captures d’écran

Première Voix humaine pour Marina Viotti : un formidable succès pour la chanteuse et son frère Lorenzo, dans un spectacle fort signé Vincent Huguet – dont on espère qu’il sera un jour proposé en France !

Une conception dramatique forte

C’est un spectacle fort qu’ont proposé Marina Viotti, Lorenzo Viotti et Vincent Huguet aux spectateurs lisboètes – et au public international grâce à une diffusion en direct sur le net. On attendait une Voix humaine, mais le spectacle dépasse en fait le cadre de la tragédie lyrique en un acte composée par Poulenc sur le monologue de Cocteau. Le spectacle s’ouvre par l’ouverture de My Fair Lady dont les rythmes enjoués d’une part semblent annoncer un show à l’américaine – ce que l’arrivée d’une Marina Viotti en robe longue pailletée et perruque peroxydée laissera un temps supposer –, d’autre part entreront tragiquement en résonance avec les accents jazzy qu’ « Elle » croira entendre à l’autre bout du combiné, lors de sa conversation téléphonique avec l’homme qu’elle tente désespérément de retenir.

De show à l’américaine, pourtant, il n’y en aura guère : c’est par un tour de chant typiquement français que s’ouvre la soirée, puisque Marina Viotti, ou plutôt l’Artiste de music-hall qu’elle incarne (une artiste jeune, conformément au souhait de Poulenc qui souhaitait que « le rôle unique de La Voix humaine soit tenu par une femme jeune et élégante [1] »), interprète tout d’abord la chanson de Satie « Je te veux » (faut-il rappeler que cette valse n’a pas été créée par une cantatrice mais par l’actrice et chanteuse Paulette Darty ?), puis deux chansons de Piaf : « Padam », et « Mon Dieu », dont la tristesse obsédante revêt presque, dans la capitale lusitanienne, les couleurs du mélancolique fado (les paroles « Laissez-le moi encore un peu, mon amoureux… » sonnent comme une mise en abyme du drame qui, après ce tour de chant, se jouera sur le mode privé quelques instants plus tard dans la loge de la chanteuse…).

Ce tour de chant terminé, l’Artiste se retrouve seule face au miroir de sa loge, autant dire face à elle-même et à une vie sentimentale en lambeaux. Ce prologue représentant l’Artiste en concert permet ainsi de donner au tragique monologue de Cocteau/Poulenc l’épaisseur du vrai : plus de micro, plus de gouaille parisienne, plus de perruque – mais l’expression authentique d’une âme mise à nu, s’exprimant sans fard, sans artifice, par le murmure, la supplique, le cri d’amour ou de révolte. À la fin du monologue, la femme n’aura même pas pour refuge le silence glaçant qui, habituellement, succède de façon abrupte au dernier « t’aime »… À peine la conversation téléphonique terminée, la musique, et donc la vie reprennent, et il s’agit d’y faire face en surmontant son désespoir… Une lumière semble poindre cependant, avec le recours d’une part à la prière (les accents du Salve regina de Poulenc se font entendre), d’autre part à la volonté de poursuivre sa route quand même : le spectacle s’achève sur le Smile de Chaplin, dont les paroles (signées John Turner and Geoffrey Parsons) sont une invitation à l’optimisme et au dépassement de la douleur.

À partir de pièces musicales a priori fort disparates, Vincent Huguet (décidément très inspiré après sa belle Manon de Bastille et ses Contes d’Hoffmann très convaincants montés à Bordeaux) a fait un tout cohérent, émouvant, fort sur le plan dramatique : une très belle réussite !

Qu’il faut aussi, bien sûr, mettre au crédit des musiciens…

Une interprétation musicale qui témoigne de l’excellent travail mené par l’orchestre sous la houlette de Lorenzo Viotti

Les chœurs ont délivré une interprétation délicate et touchante du Salve Regina, mais c’est surtout l’orchestre qui a surpris par une précision, un dynamisme, une chatoyance remarquables : nul doute que Poulenc, qui déclare dans ses « Notes pour l’interprétation musicale » que « l’œuvre entière doit baigner dans la plus grande sensualité orchestrale », eût été séduit par cette variété de couleurs et, partant, de climats, tous parfaitement adaptés à l’expression des sentiments divers et tellement forts éprouvés par le personnage.

Autant de qualités qui témoignent de l’excellent travail mené par l’orchestre sous la houlette de Lorenzo Viotti, grâce auquel les musiciens ne se contentent pas d’accompagner la soliste, mais dialoguent véritablement avec elle et épousent musicalement les moindres contours du paysage sentimental pensé par Poulenc et peint par une Marina Viotti en tout point remarquable.

Marina Viotti vit son personnage avec une intensité rare.

On connaît l’éclectisme de la chanteuse, aussi à l’aise dans le bel canto que dans le lied, la mélodie, l’opéra français, la chanson, le jazz ou… le metal ! Mais qu’au cours d’une seule soirée, une même interprète passe avec autant d’aisance de la chanson classique française au lyrisme de Poulenc avant de conclure sur la tendre mélodie de Chaplin laisse sans voix, tant les esthétiques des pièces interprétées, mais aussi les techniques vocales sollicitées sont différentes… La transition entre un « Padam » plein d’énergie et de gouaille, irrésistible de fougue et d’entrain, chanté au micro, et les premières phrases de La Voix humaine est absolument stupéfiante.

Marina Viotti vit le personnage imaginé par Cocteau et Poulenc avec une intensité rare. Faisant à peu près ce qu’elle veut de sa voix, la chanteuse est capable d’alléger son chaleureux timbre de mezzo, y compris dans l’aigu, jusque dans les plus infimes piani, pour traduire les hésitations du personnage, sa pudeur, ses craintes, ses apartés – ou de l’enfler pour donner une ampleur saisissante aux climax du monologue (le « Je devenais folle », les bouleversants « Je t’aime » qui concluent l’œuvre…). La moindre inflexion est porteuse de sens (l’affection douloureuse posée sur les mots «mon beau chéri», la voix qui blanchit subitement lorsqu’ « Elle » évoque « une arme qui ne laisse pas de traces »,…) ; et le texte est dit avec un tel naturel et une telle clarté qu’il semblerait, à plus d’une reprise, que l’interprète parle plutôt qu’elle ne chante…

Le public lisboète a accueilli l’ensemble des artistes avec un enthousiasme compréhensible ! Autant dire qu’il ne serait guère raisonnable de ne pas proposer de nouveau ce spectacle sur d’autres scènes… par exemple en France ?

[1] « Notes pour l’interprétation musicale ».

Les artistes

Marina Viotti Mezzo-Soprano

Gulbenkian Orchestra, dir. Lorenzo Viotti Conductor
Mise en scène   Vincent Huguet

Le programme

Éric Satie, Je te veux
Charles Dumont, Mon Dieu
Norbert Glanzberg, Padam
Francis Poulenc, La Voix humaine, Salve Regina
Charlie Chaplin, Smile

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Marina ViottiLorenzo ViottiPoulenc
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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