À la une
Les cadeaux de Parpignol pour les fêtes de Noël
Festival d’Aix 2026 : entre classicisme et modernité
Les brèves de décembre –
Crémone, I puritani  : la jeunesse à l’assaut d’un chef-d’œuvre !
Ça s’est passé il y a 200 ans : création...
« Gala lyrique à la française » salle Gaveau – Comme au...
CD – Sisters – Karine Deshayes et Delphine Haidan rendent...
CD – Mademoiselle Hilaire. Lully – Lambert – Cavalli –...
Au Maggio Musicale Fiorentino, la Passion selon saint Matthieu de...
Al Maggio Musicale Fiorentino la Matthäus-Passion di Bach con la...
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

ProductionCompte rendu

Pelléas et Mélisande à Dijon – Quelque chose de pourri au royaume d’Allemonde…

par Patrice Gay 10 novembre 2019
par Patrice Gay 10 novembre 2019
0 commentaires 0FacebookTwitterPinterestEmail
1,3K

Photos : © Gilles Abegg / Opéra de Dijon

L’Opéra de Dijon donnait ce dimanche 10 novembre Pelléas et Mélisande (1902) de Claude Debussy dans la mise en scène d’Éric Ruf créée en 2017 au Théâtre des Champs-Élysées.

Le chef Louis Langrée cède la direction à l’Allemand Nicolas Krüger avec lequel il avait étudié la partition pour la création de ce spectacle. À la tête de l’Orchestre Dijon Bourgogne, Nicolas Krüger dirige avec beaucoup de poésie et de légèreté l’œuvre de Debussy, dont il souligne pourtant les accents wagnériens, notamment lors des interludes, véritables bijoux orchestraux. C’est particulièrement frappant après la première scène, où nous ne sommes pas très loin de Parsifal, alors que passent trois servantes, figures des Parques qui tissent le destin des hommes…

Ainsi évite-t-on toute redondance entre une mise en scène – dont Julien Fišera assure la reprise – singulièrement sombre et une musique aérienne : c’est de la fosse et des voix que nous vient un peu d’air dans cet irrespirable royaume d’Allemonde. L’Orchestre de Dijon Bourgogne, tout en nuances, porte et met en valeur la déclamation. Deux chanteurs se distinguent singulièrement : le merveilleux Pelléas de Guillaume Andrieux, dont la voix ténorisante ensorcelle le public, et la basse profonde de Vincent Le Texier qui campe un Arkel sans illusion, dernière autorité encore debout dans ce monde finissant. Il forme un duo équilibré avec la mezzo Yael Raanan Vandor, dont la voix d’alto impose une Geneviève hiératique dans la scène de la lettre.

Apocalypse

La direction de Nicolas Krüger, par ailleurs titulaire du Leipziger Symphonieorchester, accentue la destinée tristanienne du couple formé par Pelléas et Mélisande dans un monde à l’abandon où les blessures ne peuvent guérir.

Éric Ruf, qui s’est inspiré de la base de sous-marins de Lorient pour sa mise en scène, donne au royaume d’Allemonde un caractère industriel. Comme dans The Road de Cormac McCarthy, où un père et son fils errent sur une terre de cendres après une catastrophe dont nous ne saurons rien, ce Pelléas monochrome plonge le spectateur dans la pénombre d’un monde post-apocalyptique. Une immense paroi parabolique constitue l’élément essentiel et omniprésent du décor. Tour à tour rivage, jardin, grotte, l’espace ainsi dessiné ressemble à un réacteur abandonné, dans les méandres duquel les personnages errent. Il existe bien un ailleurs, quelque part, sans doute, où il est possible de respirer : la lumière tantôt jaune, tantôt blafarde que l’on devine au loin, en paraît l’impossible promesse.

Éric Ruf fait de Pelléas un opéra d’après la catastrophe, comme en écho à notre monde postindustriel en détresse ; un monde qui fut grand, comme en témoignent galons et broderies sur les costumes dessinés par Christian Lacroix.

Crépuscule

La nuit obsède les personnages dès la première scène. Golaud ne veut pas abandonner Mélisande à l’obscurité et son « toute la nuit » déclamé, réitéré contient déjà toute la sourde inquiétude qui tenaille chacun des acteurs du drame. Laurent Alvaro, qui connaît bien les vrais méchants de l’opéra (il a chanté Méphistophélès dans La Damnation de Faust), restitue l’ambivalence du personnage. Son timbre est clair, mais l’on devine une possible noirceur dans les graves qui paraissent s’imposer davantage alors que l’action avance. Protecteur inquiet d’une jeune fille égarée au début de l’œuvre, il se mue plus tard en époux et père violent.

Laurent Alvaro, Siobhan Stagg, Vincent Le Texier - © Gilles Abegg / Opéra de Dijon

Dans la nuit froide du royaume d’Allemonde, le talent de Bertrand Couderc fait surgir d’étonnantes lumières ; une fenêtre s’ouvre, et Mélisande paraît dans un rectangle de lumière électrique (III, 1). L’effet est particulièrement réussi et dramatique lorsque Golaud et Pelléas s’affrontent dans les souterrains du château (III, 2) : les deux frères apparaissent en contrejour, alors que la lampe instable du héros éclaire la salle. Dans leur lutte, ils dressent un étrange arbre sans feuilles, tout droit sorti du monde absurde de Samuel Beckett. Il servira bientôt à Yniold (Sara Gouzy), contraint par Golaud d’épier les deux amants.

Siobhan Stagg, Guillaume Andrieux - © Gilles Abegg / Opéra de Dijon

Enfantillages

« Vous êtes des enfants » ne cesse de dire Golaud aux deux jeunes gens. Tout, dans cette production, souligne le caractère juvénile du couple formé par Pelléas et Mélisande : la jeunesse des chanteurs, le jeu scénique et la fraîcheur des voix. L’australienne Siobhan Stagg incarne une Mélisande désinvolte et inconséquente, alors qu’elle s’amuse à lancer sa bague en l’air. La soprano est toute en retenue, notamment dans la scène de la chevelure, et évite tout lyrisme facile. La voix de baryton Martin de Guillaume Andrieux confère une véritable fraîcheur à un Pelléas pourtant en proie à d’adolescentes inquiétudes. Cette légèreté inquiète est particulièrement émouvante dans le très beau monologue (IV, 4) où le personnage, assis en équilibre sur une barrière, comme porté par les vagues orchestrales, évoque les « pièges de la destinée ».

L’eau, la maladie, la mort

Au centre de la scène, devant le haut mur concave, l’étendue d’eau est semblable à l’arène où les victimes se débattent et expirent. Pelléas y meurt sous les coups de Golaud. Mélisande, en nouvelle Ophélie, expire dans un lit installé sur ces eaux mortes, alors que le médecin (Rafael Galaz), chaussé de bottes, veille sur elle. L’humidité et les eaux croupies rongent ce royaume, qui, comme la Venise de Thomas Mann, pue la mort. Mais, là encore, la musique vient en contrepoint de la mise en scène et emporte le spectateur dans des modulations de harpes et de flûtes qui sont bien plus des invites à rêver qu’à mourir. Ainsi le spectacle proposé par l’Opéra de Dijon se trouve-t-il assez loin des suavités décadentes stigmatisées par Jean Lorrain dans son article Les Pelléastres (1904).

Les artistes

MÉLISANDE Siobhan Stagg
PELLÉAS Guillaume Andrieux
GOLAUD Laurent Alvaro
ARKEL Vincent le Texier
YNIOLD Sara Gouzy
GENEVIÈVE Yael Raanan Vandor
LE MÉDECIN, LE BERGER Rafael Galaz 
FIGURANTES Ruth Nüesch, Sarah Camus, Léa Picot

DIRECTION MUSICALE Nicolas Krüger
ORCHESTRE DIJON BOURGOGNE
CHŒUR DE L’OPÉRA DE DIJON
MISE EN SCÈNE Éric Ruf

Le programme

Opéra de Dijon, représentation du 10 novembre 2019

image_printImprimer
Nicolas KrügerGuillaume AndrieuxSiobhan StaggLaurent AlvaroVincent le Texier
0 commentaires 0 FacebookTwitterPinterestEmail
Patrice Gay

Patrice Gay est agrégé de Lettres modernes. Après des études de Lettres à l’Université de Clermont-Ferrand, il enseigne en collège, puis en lycée. Il est aujourd’hui professeur de culture générale en classe préparatoire économique à Versailles. Passionné d’opéra, il a conduit de nombreux projets pédagogiques autour d’un spectacle lyrique (Châtelet, Opéra national de Paris, TCE) avec des élèves de lycée (seconde et première) et également avec des étudiants de CPGE technologique.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Ernani au Théâtre des Champs-Élysées, ou le couronnement de Don Carlo !
prochain post
Stéphane Degout : « Il faut passer au-delà de sa pudeur pour inviter les gens dans son monde intérieur. »

Vous allez aussi aimer...

Crémone, I puritani  : la jeunesse à l’assaut...

10 décembre 2025

« Gala lyrique à la française » salle Gaveau –...

9 décembre 2025

Au Maggio Musicale Fiorentino, la Passion selon saint...

8 décembre 2025

Al Maggio Musicale Fiorentino la Matthäus-Passion di Bach...

8 décembre 2025

Rome – Lohengrin, l’œuf et l’argent : la...

7 décembre 2025

Robinson, enfin !

5 décembre 2025

Cinéma – LUDOVIC – Le film évènement !

5 décembre 2025

Nice : en – bonne – Company de...

5 décembre 2025

Tous sur le podium : les virtuoses de l’ADAMI...

5 décembre 2025

Nuit napolitaine à Dijon : la tournée d’automne du...

1 décembre 2025

En bref

  • Les brèves de décembre –

    11 décembre 2025
  • Les brèves de novembre –

    20 novembre 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

Édito


  • Édito d’octobre –
    « O, mia musica, si bella e perduta… » : quand le cas Venezi révèle un malaise plus profond concernant les arts et la musique en Italie

    2 octobre 2025

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Don Giovanni, de Mozart – À Dom e-mots dans KOSTAS SMORIGINAS
  • Josy Santos dans L’Opéra de Liège inscrit le CHAPEAU DE PAILLE DE FLORENCE à son répertoire
  • STEFANI dans Le Chœur de Paris chante Schubert et Pergolesi
  • G.ad. dans Démission de Jean-Louis Grinda, un seul opéra programmé cet été en version de concert… : AVIS DE TEMPÊTE SUR LES CHORÉGIES D’ORANGE
  • Simon De Salmans dans LA WALKYRIE à l’Opéra Bastille : un plateau vocal triomphant !

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Crémone, I puritani  : la jeunesse...

10 décembre 2025

« Gala lyrique à la française » salle...

9 décembre 2025

Au Maggio Musicale Fiorentino, la Passion...

8 décembre 2025