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« Chez nous, soyez Reine » : Véronique Gens en majesté à la Cité musicale de Metz

par Nicolas Le Clerre 8 avril 2025
par Nicolas Le Clerre 8 avril 2025
© Andreas Harbach
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Reines, Arsenal de Metz, 29 mars 2025

À l’heure où de plus en plus d’artistes s’affichent sur les réseaux sociaux à l’instar des influenceuses, les notions de Diva et de Prima donna ne sont plus vraiment opérantes pour désigner les grandes figures féminines du chant lyrique. Le qualificatif cependant n’a rien perdu de son aura et va comme un gant à Véronique Gens : à Metz ce 29 mars, la soprano française était véritablement « reine ».

No brown after 5

Le répertoire français baroque est un iceberg dont Lully et Rameau ne sont – pour le grand public – que la partie émergée. Aussi faut-il savoir gré à Louis-Noël Bestion de Camboulas et à l’Ensemble Les Surprises de sortir des sentiers battus et d’explorer inlassablement les fonds d’archives pour en exhumer des partitions inédites et les redonner enfin à entendre aux oreilles de notre temps.

Publié en 2021 sous le label Alpha Classic, le disque Passion s’inscrivait déjà dans cette démarche d’archéologie musicale et avait rendu possible une première collaboration entre Véronique Gens et Les Surprises. Favorablement accueilli par la critique, ce projet en engendre aujourd’hui un second et propose, le temps d’une grosse heure, d’explorer l’opéra français du siècle des Lumières à travers ses figures emblématiques de reines et de magiciennes.

C’est peu dire que la grande salle de l’Arsenal de Metz est l’écrin rêvé pour un concert reprogrammé quelques jours plus tard à l’opéra de Reims. Le grand vaisseau lambrissé de sycomore conçu par l’architecte catalan Ricardo Bofill il y a 35 ans (déjà !) offre en effet une acoustique impériale au cœur de laquelle la vingtaine de musiciens, la douzaine de choristes et la chanteuse soliste se lovent comme dans un écrin.

Placés sous la direction d’un chef aux rutilants mocassins de cuir marron (mais qui se soucie encore du diktat du vieux précepte victorien selon laquelle les souliers bruns devraient être bannis du dress code masculin après l’heure du thé ?) les musiciens des Surprises étonnent favorablement dès les premiers accords d’une ouverture composée par François Francœur et font jeu égal avec les meilleurs ensembles baroques du moment. Du soyeux des cordes à la pulsation palpitante du théorbe joué de doigts de maître par Étienne Galletier, ce jeune orchestre à la discographie encore modeste (cinq titres cependant au rythme d’un nouvel opus chaque année depuis 2020) séduit l’oreille par la richesse de ses harmonies, la netteté de ses attaques et sa capacité à changer de rythme à la moindre inflexion de son chef aux mains nues, Louis-Noël Bestion de Camboulas.

Sous la battue nerveuse du maestro, l’Ensemble Les Surprises démontre en effet que le répertoire baroque est aux antipodes de la caricature ampoulée et soporifique que certains voudraient en faire. Vaporeux lorsqu’il interprète la suite d’Armide d’Henry Desmarest, l’orchestre est d’une sonorité plus charnue lorsqu’il s’agit d’évoquer avec un réalisme saisissant le déchainement des éléments : aux percussions, Manon Duchemann n’a pas son pareil pour faire vrombir le tonnerre et cingler les éclairs tandis que la flute accompagne de façon arachnéenne l’air tendre de Dardanus avec un raffinement absolu.

Parmi les plus beaux moments de musique de ce concert, on retiendra encore – sans prétendre à l’exhaustivité – l’accompagnement aux castagnettes et à la guitare du rigaudon de Michel Pingolet de Montéclair et l’émotion pure suscitée par l’introduction au théorbe de « Quel charme me retient » extrait de Méléagre, de Jean-Baptiste Stück.

Conçu comme un opéra composé pour une seule chanteuse, le programme du concert imaginé par Louis-Noël Bestion de Camboulas a pour principale vertu de démontrer l’homogénéité de style des compositeurs qui assuraient au XVIIIe siècle le renouvellement des œuvres lyriques à la Ville et à la Cour. Enchainées les unes aux autres, les pièces composées par François-Joseph Salomon, André Cadrinal Destouches et Michel Pingolet de Montéclair coulent d’une même eau et dessinent à la manière des portraits de Nicolas de Largillierre les différents visages d’une reine tour à tour amoureuse, jalouse, trahie et abandonnée.

Le concert s’achève très intelligemment sur une chaconne de Jean-Féry Rebel, compositeur de la Chambre du Roi et maitre de musique de l’Académie française tombé aujourd’hui dans l’oubli : ce final concertant – lumineux comme un ciel après l’orage – marque l’apothéose d’un divertissement Grand Siècle qui porte incontestablement la marque d’interprètes excessivement talentueux.

La voix souveraine

Unique héroïne d’un opéra imaginaire composée pour elle seule, Véronique Gens est la reine absolue de ce concert messin et confirme qu’en dépit des années elle a su préserver intact le timbre et les qualités de diction qu’avait déjà remarqués William Christie en 1987 lorsqu’il l’engagea dans la mythique production d’Atys.

Souveraine, la chanteuse l’est d’abord par sa silhouette gainée d’un fourreau argenté et par un port de tête proprement royal : en début de soirée, les quelques instants pendant lesquels elle traverse la scène pour rejoindre son pupitre sont accompagnés d’une forme de sidération du public qui est le propre des grands artistes lyriques.

Mais c’est évidemment par la voix que s’étend surtout l’empire de l’artiste sur les spectateurs. Si le temps semble ne pas avoir de prise sur l’éclat mordoré du timbre, les années qui passent bonifient la voix de Véronique Gens en lui conférant une assise de plus en plus dramatique et une qualité de diction unique parmi les chanteuses de sa génération. Rien ne s’est perdu du travail effectué avec Christophe Rousset dans les années 2000 pour le cycle des Tragédiennes gravé pour le label Erato : à force de fréquenter le répertoire austère des compositeurs du Grand Siècle, la chanteuse s’est approprié la déclamation de la prosodie française avec un naturel qui fait aujourd’hui tout le prix de ses interprétations.

Dès l’extrait de Médée et Jason, de François-Joseph Salomon, Véronique Gens sait trouver le sens du tragique qui est le fil rouge des morceaux choisis par Louis-Noël Bestion de Camboulas pour composer le programme de la soirée. Les alexandrins coulant de sa gorge avec naturel, la langue de Molière trouve dans la chanteuse une avocate de premier plan et une diseuse hors-pair capable de rendre justice aux subtiles allitérations des vers d’Antoine Dauverge :« Sombre déesse du silence ».

Les artistes du chœur Les Surprises, aiguillonnés par la performance de Véronique Gens, se hissent eux-aussi à des sommets élyséens et s’avèrent d’une précision rythmique millimétrée. Dans les airs des sacrificateurs composés par André Cadrinal Destouches, l’unisson des pupitres permet d’exprimer une brutalité bestiale tandis que les pianissimi du chœur du sommeil, de Joseph Valette de Montigny, font valoir un velours d’une douceur enivrante.

Au sein d’un programme qui fait la part belle à des compositeurs séduisants mais extrêmement confidentiels, les quelques pièces extraites du catalogue ramiste sont là pour confirmer que Rameau reste indiscutablement – et de très loin – le principal maitre de l’opéra français au XVIIIe siècle. Qu’il s’agisse de Dardanus (qu’elle a gravé en 2000 sous la direction de Minkowski pour Archiv) ou d’Hippolyte et Aricie (enregistré en 1995 avec les Musiciens du Louvre), ces partitions déjà travaillées par Véronique Gens lui permettent d’affirmer son statut de reine et de délivrer un chant souverain, d’une pureté qui touche à l’incandescence. La déploration sur la mort d’Hippolyte est un modèle du genre : dépouillée de tout artifice, la voix nue de la chanteuse dialogue avec le chœur des Surprises dans une simplicité d’effets qui est la marque des grandes artistes. Et lorsque la même déploration est reprise en bis au terme du concert, Véronique Gens en livre une interprétation plus incandescente encore, d’une générosité totale envers un public qui a longtemps, par discrétion, retenu ses applaudissements de peur d’interrompre la cohérence du programme.

La présence de nombreux micros tout autour des artistes donnent à penser que ce concert messin faisait l’objet d’une captation, probablement pour une publication au disque dans les mois à venir qui marquera la poursuite de la collaboration de Véronique Gens avec l’Ensemble Les Surprises. Les amateurs de raretés baroques seront bien inspirés d’y prêter l’oreille.

Les artistes

Soprano : Véronique Gens
Ensemble et chœur Les Surprises, dir. Louis-Noël Bestion de Camboulas

Le programme

Reines

François FRANCOEUR (1698-1787)
Ouverture (Scanderberg)

François-Joseph SALOMON (1649-1732)
« Prête à porter d’horribles coups » (Médée et Jason)

Henry DESMAREST (1661-1741)
« Ah, ne puis-je savoir » (Suite d’Armide)
« Où s’égarent mes pas », « Ciel injuste » (Suite d’Armide)

André Cadrinal DESTOUCHES (1672-1749)
Premier air pour les sacrificateurs (Callirhoé)

Pancrace ROYER (1703-1755)
« Tyran des cœurs » (Zaïde)

André Cadrinal DESTOUCHES
Deuxième air pour les sacrificateurs (Callirhoé)

Henry DESMAREST
« Tu me fuis inconstant » (Didon)

Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764)
« Muses, filles du ciel » (Le Temple de la gloire)
Air tendre (Dardanus)
Air « Amour, cruel amour » (Zoroastre)
Menuet (Acanthe et Céphise)
Air très vif (Dardanus)

Michel PINGOLET DE MONTECLAIR (1667-1737)
Rigaudon et Canarie (Jephté)

Antoine DAUVERGE (1713-1797)
« Sombre déesse du silence » (Canente)

Joseph VALETTE DE MONTIGNY (vers 1710-1770)
Chœur du sommeil

Jean-Baptiste STÜCK (1680-1755)
« Quel charme me retient »
« Gouffres qui conduisez » (Méléagre)

Antoine DAUVERGNE
Tremblement de terre (Polyxène)

Jean-Philippe RAMEAU
« Quelle plainte en ces lieux m’appelle » (Hippolyte et Aricie)

Antoine DAUVERGNE
« Funèbre » (Hercule mourant)
« Dieu, grand dieu, sois sensible » (Hercule mourant)

Jean-Féry REBEL (1666-1747) et François FRANCOEUR
Chaconne Le Ballet de la paix

 Bis :

Jean-Philippe RAMEAU
« Quelle plainte en ces lieux m’appelle » (Hippolyte et Aricie)

Grande salle de l’Arsenal de Metz, concert du samedi 29 mars 2025

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Véronique GensLouis-Noël Bestion de Camboulas
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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