À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduVu pour vousConcert

L’OR DU RHIN au T.C.E. : Yannick Nézet-Séguin offre aux spectateurs un ticket pour le Walhalla !

par Stéphane Lelièvre 24 avril 2022
par Stéphane Lelièvre 24 avril 2022
2 commentaires 3FacebookTwitterPinterestEmail
2,2K

Commençons par ce qui fâche : s’il est une œuvre qui nécessite plus que toute autre un silence et une concentration absolus avant que ne se fassent entendre ses premières mesures, c’est bien L’Or  du Rhin, dont l’accord initial, sourd, à peine audible, plonge l’auditeur tout à la fois dans les profondeurs du Rhin et dans un temps des origines – celui de la création de l’univers succédant précisément au néant, au vide, au silence. Au lieu de quoi nous avons eu droit à l’habituelle querelle entre personnes arrivant en retard, dérangeant le public pour tenter de regagner leur place, et spectateurs offusqués refusant de les laisser s’installer. Une querelle obligeant le chef, prêt à attaquer le prélude, à reposer sa baguette, à attendre de longs instants, puis à commencer malgré tout, même si l’agitation dans la salle était loin d’être éteinte. Le reste de la soirée a été à l’avenant, avec commentaires de spectateurs à voix haute, sonnerie de téléphone intempestive au bout d’une demi-heure de musique, sans parler des quelques personnes qui, après la malédiction de l’anneau par Alberich, ont décidé de quitter la salle – évidemment en prenant leur temps et en faisant beaucoup de bruit. Sans commentaires…

Nonobstant cette attitude pour le moins déplacée – pour ne pas dire parfaitement impolie – de certains spectateurs, c’est à un Rheingold… en or que nous avons assisté. La raison de cette très belle réussite est à chercher dans une distribution parfaitement équilibrée et absolument dépourvue de point faible. Les chanteurs, à quelques exceptions près, ne comptent pas forcément parmi ceux que l’on entend le plus souvent en France, et beaucoup d’entre eux ont été pour nous de belles découvertes.

Michael Volle est un wagnérien émérite, familier notamment des rôles d’Amfortas, de Wolfram, du Hollandais… ou de Wotan, chanté notamment à la Scala, Tokyo ou Berlin. Même si l’autorité ne fait pas défaut au personnage quand nécessaire, c’est un Wotan plus humain que dieu hiératique et impérieux que dessine le baryton allemand.

© D.R.

En Loge, Gerhard Siegel propose un compromis entre ténor héroïque et ténor de caractère, deux types de voix auxquels peut être confié le rôle. C’est le « ténor de caractère » qui semble l’emporter en fin de soirée, visiblement en raison d’une certaine fatigue vocale… Samuel Youn a déjà chanté Wagner en France, à Marseille notamment où il était encore Wotan dans La Walkyrie, en février dernier. C’est Alberich qu’il incarne cette fois-ci : la voix sonne plus claire et plus tranchante que celles d’autres titulaires du rôle, ce qui permet au chanteur une grande précision dans la diction. Mais c’est aussi l’incarnation physique du personnage qui retient l’attention, le baryton brûlant d’envie de jouer son personnage, ce qu’il fait avec talent et conviction : il sera très chaleureusement applaudi par le public aux saluts finals !
Stephen Milling et Mikhail Petrenko sont des Fasolt et Fafner impressionnants à souhait (Stephen Milling n’a pas que la voix de Fasolt : il dépasse tous ses partenaires d’au moins une ou deux têtes, n’ayant nullement besoin de subterfuges ni d’accessoires pour incarner le géant !) ; Thomas Ebenstein arrache fort heureusement le rôle de Mime aux ténors aigres et nasillards ; quant à Issachah Savage (qui avait il y a quelque temps proposé un Siegmund de belle facture au public bordelais) et Thomas Lehman, ils sont de dignes Froh et Donner, le baryton délivrant notamment un noble et fier  « Heda, hedo ! » avant l’entrée des dieux au Walhalla.

Côtés femmes, Jamie Barton fait valoir des moyens importants, mis au service d’une incarnation de Fricka plutôt sobre, le personnage apparaissant revendicateur sans être aigre ni râleur. On apprécie les belles envolées lyriques de Christiane Karg (Freia), et la voix de Wiebke Lehmkuhl convient idéalement à Erda, le timbre moiré de la chanteuse captant aussitôt l’oreille pour son unique intervention semblant provenir d’un au-delà (ou d’un en-deçà) spatial et temporel. Superbes, les trois filles du Rhin, aux voix à la fois différenciées et complémentaires : Erika Baikoff (Woglinde), timbre ductile et fruité capable de se figer dans l’émotion pour chanter le « renoncement à l’amour » ; Iris van Wijnen, Flosshilde à la projection impeccable ; Maria Barakova, superbe timbre de mezzo aux couleurs chaudes et profondes.

Yannick Nézet-Séguin © Hans van der Woerd

Mais les véritables triomphateurs de la soirée sont assurément le Rotterdams Philharmonisch, magnifique de précision (impeccables cuivres !), de densité comme de transparence, offrant un nuancier de couleurs impressionnants sous la direction d’un Yannick Nézet-Séguin avec qui, visiblement, l’entente a été excellente (les musiciens applaudiront chaleureusement le chef à l’issue du concert). 

De fait, le jeune chef québécois a littéralement conquis le public : sa gestuelle à la fois souple, élégante et précise semble lui permettre de modeler le son à volonté, tirant le meilleur de l’orchestre et proposant une lecture de l’œuvre à la fois fermement et poétiquement architecturée, ne donnant jamais l’impression de juxtaposer les « morceaux à faire », mais au contraire de progresser sûrement, continûment, vers la lumineuse et resplendissante apparition finale du pont-arc-en-ciel. Aucun doute : Yannick Nézet-Séguin vient d’offrir au public du T.C.E. son ticket d’entrée au Wallhalla ! Espérons que nous n’aurons pas à attendre trop longtemps pour applaudir la première journée d’une tétralogie qui s’annonce exceptionnelle…

Les artistes

Wotan : Michael Volle
Loge : Gerhard Siegel 
Alberich : Samuel Youn 
Mime : Thomas Ebenstein 
Erda : Wiebke Lehmkuhl 
Fasolt : Stephen Milling 
Fafner : Mikhail Petrenko 
Fricka : Jamie Barton 
Froh : Issachah Savage
Donner : Thomas Lehman 
Freia : Christiane Karg 
Wellgunde : Iris van Wijnen
Flosshilde : Maria Barakova
Woglinde : Erika Baikoff 

Rotterdams Philharmonisch Orkest, dir. Yannick Nézet-Séguin

Le programme

Das Rheingold

Prologue en un acte du festival scénique L’Anneau du Nibelung, livret du compositeur, créé le 22 septembre 1869 à Munich (Königliches Hof- und National Theater).

Concert du samedi 23 avril 2022, Théâtre des Champs-Élysées (Paris)

image_printImprimer
Issachah SavageJamie BartonYannick Nézet-SéguinMichael Volle
2 commentaires 3 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

2 commentaires

Frédéric 25 avril 2022 - 18 h 31 min

Petite coquille à corriger: Christiane Karg incarnait bien sûr Freia, et non Fricka… Mais quelle soirée! Merci pour ce beau compte-rendu!

Répondre
Stéphane Lelièvre 25 avril 2022 - 19 h 14 min

Merci Frédéric pour votre vigilance ! C’est corrigé. S.L.

Répondre

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Récital Karine Deshayes au Capitole : le parfum impérissable de la mélodie fin-de-siècle
prochain post
Triomphal Zoroastre au Grand Manège de Namur

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Stéphane Lelièvre dans À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
  • HUBERT dans À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025