À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduVu pour vousConcert

Bernard Foccroulle fait du Journal d’Hélène Berr un poignant monodrame lyrique

par Stéphane Lelièvre 13 juin 2023
par Stéphane Lelièvre 13 juin 2023
© La Belle Saison - Amélie Burnichon
0 commentaires 2FacebookTwitterPinterestEmail
1,7K

D’avril 1942 à février 1944, Hélène Berr, jeune étudiante juive, tient un journal dans lequel elle raconte son quotidien dans Paris occupé, puis son arrestation et son internement au camp de Drancy : c’est là que le journal s’interrompt brutalement, peu avant sa déportation à Auschwitz. 
Le 15 février 1944,  la jeune femme mourra dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, sous les coups d’une de ses gardiennes : atteinte du typhus, elle n’avait pu se lever à temps pour l’appel…

Bouleversé par la lecture de ce journal, le compositeur belge Bernard Foccroulle s’empare du texte et l’adapte de façon à le transformer en monodrame lyrique pour voix, piano et quatuor à cordes. L’œuvre, créée au Trident à Cherbourg le 3 mai 2023, vient d’être donnée aux Bouffes du Nord, devant une salle comble et visiblement émue.

Les textes retenus par Bernard Foccroulle forment un diptyque que sépare le troisième mouvement du Quatuor à cordes n°15 en la mineur de Beethoven, une des œuvres jouées par Hélène et ses amis lorsqu’elle était étudiante. (Le Journal contient de nombreuses allusions et citations musicales : ainsi est évoqué également le lied « Ich hab’ im Traum geweinet », que le compositeur intègre naturellement à sa partition). La seconde partie de l’œuvre, très sombre, ne cache rien de l’horreur des massacres, de l’arrestation, de la déportation… La première, par l’évocation des petits riens du quotidien (une douleur au doigt, un amour qui s’éteint, une soirée entre amis où l’on déguste une glace) offre un contraste saisissant avec ce qui va suivre, même si plusieurs événements tragiques (le port de l’étoile jaune, l’arrestation du père) y annoncent déjà les horreurs à venir.

L’œuvre de Bernard Foccroulle préserve très heureusement le ton sobre et pudique qui est celui d’Hélène Berr dans son Journal, sans s’interdire pour autant quelques envolées lyriques (au demeurant également présentes dans le journal), par exemple lorsqu’Hélène évoque sa rencontre avec le jeune homme dont elle tombe amoureuse (et d’une manière générale à chaque évocation de ce jeune homme) : « Il s’appelle Jean ! », ni quelques pics dramatiques : les trois « Horreur ! » (sans doute une allusion à Macduff ? Hélène Berr préparait l’agrégation d’anglais…)  par lesquels s’achève le monologue d’Hélène (les toutes dernières répliques de l’œuvre seront prises en charge par les instrumentistes) glacent le sang. Il sont suivis d’une intervention du violoncelle, l’instrumentiste frappant les cordes de son archet : les sonorités ainsi produites évoquent alors le temps qui se fige – ou, peut-être, les battements d’un cœur qui menace de se rompre…

D’une manière générale, la musique reste souvent puissamment évocatrice : énigmatiques pizzicati qui annoncent l’horreur de la rafle du Vel d’hiv, accords abrupts et violents plaqués sur le discours évoquant la rafle, tandis que la voix, progressivement, se fait cri ; ponctuations cinglantes du piano sur le discours parlé énumérant les massacres perpétrés par les nazis… La musique prend même parfois une dimension quasi descriptive lorsqu’il s’agit d’évoquer les violentes rafales d’une pluie d’orage, ou de proposer un équivalent sonore à « l’harmonie des couleurs du paysage qui s’étend devant [Hélène] ».

Vocalement, la partition est très exigeante. Elle fait alterner voix parlée et voix chantée (nulle forme de Sprechgesang cependant, les frontières entre parole et chant restant toujours bien définies). Le recours à la voix parlée y est extrêmement fréquent, bien plus que dans les formes musicales qui la sollicitent habituellement (tel l’opéra-comique). Qui plus est, la voix parlée, à la façon des mélodrames, intervient sur un accompagnement musical, ce qui nécessite de la part de l’interprète une projection vocale efficace – et techniquement différente de celle propre au chant. Le rôle d’Hélène nécessite donc de grandes qualités techniques (passage de la voix chantée à la voix parlée, mais aussi large ambitus sollicitant les notes extrêmes de la tessiture de mezzo : l’aigu dans le dernier « Horreur ! », le registre grave dans l’évocation sinistre des cadavres jetés dans la fosse sur lesquels on jette de la chaux vive…), une réelle endurance (la mezzo reste seule en scène pendant environ 1h20) mais aussi bien sûr une grande sensibilité et un talent d’actrice ; autant de qualités que possède Adèle Charvet, très investie dans son personnage – et chaleureusement applaudie à l’issue du concert comme d’ailleurs l’ensemble des musiciens, tous parfaitement investis dans la (quasi) création de cette œuvre poignante.

Un  spectacle fort, émouvant – et nécessaire en ceci qu’il participe à l’indispensable devoir de mémoire. L’œuvre sera reprise la saison prochaine à l’Opéra du Rhin, avec les mêmes artistes mais dans une version scénique (mise en scène de Matthieu Cruciani, co-directeur de la Comédie de Colmar ; costumes de Thibaut Welchlin).

Les artistes

Hélène Berr : Adèle Charvet

Jeanne Bleuse, Piano
Quatuor Béla :
Julien Dieudegard,
Violon
Frédéric Aurier, Violon
Julian Boutin, Alto
Luc Dedreuil, Violoncelle

Le programme

Le Journal d’Hélène Berr

Monodrame lyrique pour voix, piano et quatuor à cordes de Bernard Foccroulle, livret adapté du Journal d’Hélène Berr par le compositeur, créé au Trident à Cherbourg le 3 mai 2023
Paris, Bouffes du Nord, représentation du lundi 2 juin 2023

image_printImprimer
Adèle Charvet
0 commentaires 2 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Elizabeth DESHONG
prochain post
La saison 23-24 à l’Opéra de Montpellier

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Stéphane Lelièvre dans À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
  • HUBERT dans À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025