Flora mirabilis, Opéra national de Grèce, samedi 27 septembre 2025
Passionnante redécouverte à l’Opéra national de Grèce d’un opéra grec (mais chanté en italien) signé Spyridon Samaras.
La saison artistique de cette année a débuté à l’Opéra National Grec le 27 octobre 2025, avec la représentation d’un opéra très rare : Flora Mirabilis, du grand compositeur grec Spyridon Samaras. La présentation de cette œuvre lyrique importante constitue un événement marquant pour la scène musicale nationale, non seulement parce que l’opéra n’a été joué qu’une seule fois dans le passé (en 1979 par l’Opéra National), mais surtout parce qu’elle a nécessité un travail musicologique approfondi pour restaurer la partition originale. L’intéressante genèse de Flora Mirabilis commence lorsque l’œuvre est composée par Samaras, alors âgé de 25 ans, sur un livret italien de Ferdinando Fontana. Elle fut ensuite créée en mai 1886 au Théâtre Carcano de Milan, remportant un tel succès qu’elle fut jouée l’année suivante à la célèbre Scala. Depuis lors, l’opéra a été joué dans plusieurs théâtres européens, tandis que la première représentation grecque a eu lieu dans la ville natale du compositeur, Corfou, puis à Athènes en 1889.
La partition originale manuscrite de l’œuvre, conservée dans les archives de la maison d’édition Casa Musicale Sonzogno à Milan, a été détruite lors d’un raid aérien allié en 1943. Seules quelques copies de la partition ont été sauvées, sur lesquelles le chef d’orchestre Odysseas Dimitriadis s’est basé pour l’orchestration de l’œuvre lors de sa reprise en 1979. Plus récemment, en 2016, une partie importante du matériel musical original a été découverte dans les archives de la Société Philharmonique « Mantzaros », qui a été envoyée à l’Opéra National dans le but de compléter et de restaurer l’orchestration originale, confiée au musicologue et professeur de l’Université Ionienne, Yannis Samprovalakis. Pour une analyse informative et une présentation complète de l’histoire et de l’intrigue de l’œuvre, nous vous invitons à consulter l’article détaillé de notre collègue Stéphane Lelièvre.
La représentation de l’œuvre restaurée a pris une forme concertante, avec Konstantinos Terzakis à la direction musicale et une distribution entièrement grecque. Plus précisément : Yannis Christopoulos dans le rôle de Vando, Vassiliki Karayanni dans celui de Lydia, Dionysis Sourbis dans celui du comte d’Adelphior et Yanni Yannissis dans celui du prince Cristiano d’Erebro.
De cette expérience extrêmement intéressante qu’a été la découverte de l’œuvre dans sa nouvelle forme restaurée, nous retenons sans hésitation l’écriture musicale très savante de Samaras, qui était certainement de dimension symphonique. Malgré l’intégration stylistique de la composition dans le mouvement plus large du vérisme (avec son contemporain, Giacomo Puccini), il convient de souligner la forte influence de Richard Wagner, particulièrement visible dans la structure de l’œuvre, où l’on observe également l’utilisation de leitmotive, associés aux héros de cette « légende scandinave en trois actes », comme Samaras nomme lui-même cette œuvre. C’est précisément cette qualité wagnérienne et cette dimension de l’écriture orchestrale que Konstantinos Terzakis a mises en valeur dans sa direction, menant avec conviction, fluidité, compréhension de la dramaturgie et souci du détail, l’Orchestre de l’Opéra National – en excellente forme. Les bois et les cuivres de l’orchestre se sont particulièrement distingués, avec les contributions transparentes du hautbois, la flûte, mais aussi la trompette solo et les trombones, qui accompagnaient de manière explosive, aux côtés des tambours, cette écoute musicale particulièrement dense. La célèbre « Danse des fleurs » a été interprétée avec une exceptionnelle précision rythmique, suscitant de véritables envies de danser – et mettant en valeur le style de cette suite symphonique magistrale, presque autonome, de l’œuvre. Les problèmes se situaient davantage au niveau vocal, principalement dans le choix des rôles de Lydia et Valdo, qui exigent manifestement une soprano spinto et un ténor spinto, ce que ne sont pas exactement Vassiliki Karayanni ni Yannis Christopoulos. Malgré la brillante contribution vocale de Karayanni, le dramatisme du rôle faisait parfois défaut. Par ailleurs, presque tous les chanteurs donnaient l’impression de ne pas s’être suffisamment imprégnés de la partition et du livert, car ils avaient constamment les yeux rivés sur la partition, limitant considérablement leur expression scénique et leur théâtralité. En revanche, le Chœur de l’Opéra national, très bien préparé sous la direction d’Agathangelos Georgakatos, a accompagné les solistes de manière très convaincante. Le baryton-basse Yanni Yannissis n’a pas non plus impressionné dans le rôle du prince Cristiano d’Erebro : malgré sa présence scénique imposante, le chanteur ne disposait pas de la profondeur ni de la projection vocale appropriées, ce qui a contribué à le faire parfois disparaître dans le brouillard orchestral, l’expérience limitée de Terzakis dans le domaine de l’accompagnement vocal n’aidant pas la situation. En revanche, Dionysis Sourbis a été exceptionnel dans le rôle du comte d’Adelphior : une articulation parfaite, une énergie juvénile et une voix puissante ont permis une interprétation impeccable à tous égards.
In fine, cette soirée a laissé une forte impression, principalement parce qu’elle a permis au public de découvrir une œuvre d’une grande qualité musico-dramatique et d’une écriture admirable. Nous espérons maintenant pouvoir l’applaudir bientôt dans une version scénique, intégrée comme un bijou au répertoire de l’Opéra national de Grèce…
Prince Christian d’Örebro : Yanni Yannissis
Lydia : Vassiliki Karayanni
Le Comte d’Adelfiord : Dionysios Sourbis
Valdo : Yannis Christopoulos
Orchestre et Chœur du GNO, dir. Konstantinos Terzakis
Restauration de l’orchestration, éditeur : Yannis Samprovalakis – Centre hellénique de musique
Chef de chœur : Agathangelos Georgakatos
Flora mirabilis (version concertante)
Opéra en trois actes de Spyros Samaras, livret de Ferdinando Fontana, créé le 16 mai 1886 au Teatro Carcano de Milan.
Opéra national grec, samedi 27 septembre 2025.

