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Le barbier démoniaque de Fleet Street arrive à Strasbourg

par Renato Verga 22 juin 2025
par Renato Verga 22 juin 2025

© Klara Beck

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Strasbourg, Sweeney Todd, 17 juin 2025

Injustement condamné aux travaux forcés par un juge corrompu qui a violé sa femme et forcé sa fille à devenir sa pupille dans l’espoir d’en faire son épouse, le barbier Benjamin Barker a eu 15 ans pour penser à se venger du juge et de la société bourgeoise londonienne.

De retour à Fleet Street sous le nom de Sweeney Todd, il trouve ses rasoirs dans la vieille boutique située au-dessus du kiosque où Mrs Lovett s’efforce de vendre ses tourtes à la viande. Ensemble, ils se lancent dans un commerce florissant, disposant d’une matière première abondante : les corps des clients passent du rasoir du barbier au four de Mrs Lovett grâce à une chaise spécialement mécanisée.

Sweeney Todd, « le barbier démoniaque de Fleet Street », est le personnage d’un « penny dreadful », roman imprimé sur du papier bon marché et populaire auprès de la classe ouvrière à l’époque victorienne. Il s’agit d’histoires gothiques et sensationnalistes qui reflètent les angoisses sociales et psychologiques liées à la révolution industrielle. Le roman est paru en 1846 dans un feuilleton anonyme intitulé The String of Pearls (Le collier de perles). Mais ce n’est qu’au XXe siècle que ces thèmes macabres se sont imposés sur la scène de l’opéra. Ainsi, après Jack l’Éventreur (Lulu) de Berg et Barbe-Bleue de Bartók, un autre tueur en série est devenu le protagoniste d’une comédie musicale.

Après avoir épuisé la saison insouciante des comédies musicales de Richard Rogers – Oklahoma ! (1943), Carousel (1945), South Pacific (1949), le genre avait pris un ton plus sérieux et plus mature, reflétant les bouleversements d’une Amérique secouée par la guerre du Vietnam, la contestation sociale et les contre-cultures. Les numéros musicaux deviennent plus complexes, l’orchestration plus raffinée, tout comme la narration et le choix des thèmes dictés par une génération désenchantée en crise existentielle. Stephen Sondheim, librettiste de West Side Story, a écrit Sweeney Todd, The Demon Barber of Fleet Street, considérant l’histoire comme une métaphore des abus du capitalisme industriel qui conduisent les individus à la déshumanisation et au cannibalisme pour survivre. Sur un livret de Hugh Wheeler et des paroles de chansons de Sondheim, la première a eu lieu au Uris Theatre (aujourd’hui Gershwin Theatre) à New York le 1er mars 1979. Fort de son succès, Sweeney Todd a également été présenté dans le West End de Londres l’année suivante.

À bien des égards, l’œuvre se rapproche du genre de l’opéra : le sujet dramatique, la fin tragique, la présence de thèmes principaux qui renforcent l’unité, l’absence de ballets proprement dits, l’orchestration non seulement des arias, des duos et des ensembles, mais aussi de nombreux dialogues entre les numéros musicaux. Au total, plus de 80 % du texte de Sweeney Todd est mis en musique, y compris les transitions orchestrales entre certaines scènes. Il s’ensuit un thriller musical interprété dans différents registres : le tragique, le grotesque, le satirique, l’humour noir, le grand-guignol, le drame psychologique, la comédie romantique… L’obsession vengeresse qui consume le personnage principal se traduit par le retour inexorable de la « ballade de Sweeney Todd », chantée plusieurs fois par le chœur, la première fois en ouverture et la dernière fois en épilogue, à la manière du théâtre épique de Kurt Weill et Bertolt Brecht dans Die Dreigroschenoper (L’Opéra de quat’sous) dont Sondheim semble s’être le plus inspiré. Dans cette sombre légende, le thème angoissant de la ballade, avec son retour lugubre et répétitif, évoque la mécanique des meurtres de Sweeney dans son implacable désir de vengeance. La « sombre opérette » de Sondheim prend ainsi une dimension tragique et universelle. En 2007 est sortie la version cinématographique de Tim Burton avec Johnny Depp et Helena Bonham Carter.

Créé en novembre 2024 au Komische Oper de Berlin, Barrie Kosky n’en est pas à son coup d’essai dans ce genre : Un violon sur le toit et West Side Story ont déjà été présentés sur la scène alsacienne. Cette troisième production allie parfaitement la théâtralité et l’humour du metteur en scène germano-australien, qui y puise sa meilleure veine. Avec des décors simples, une construction sur une plate-forme tournante, des costumes de Katrin Lea Tag et des éclairages d’Olaf Freese, Londres devient ici une ville triste et déprimée du XXe siècle, plus expressionniste que victorienne. Un cadre où se déroule le drame solitaire du protagoniste, victime d’une société oppressive. Dans la lecture de Kosky, le crescendo macabre devient une pièce de théâtre irrésistible, une tragédie pour marionnettes où l’habileté des interprètes s’accorde bien avec l’humour noir du texte. Si l’histoire du barbier et de l’élève du vieil homme qui veut l’empaler ne peut manquer de rappeler celle du Barbier de Séville, Kosky évoque également Hänsel und Gretel pour la question du four dans lequel Mme Lovett finit par être cuite.

Alors que la première production américaine avait pour premier rôle féminin Angela Lansbury et la production berlinoise de Kosky la populaire Dagmar Manzel, toutes deux actrices, ici à Strasbourg on a opté pour une chanteuse, Natalie Dessay, qui a commencé sa carrière comme actrice puis est devenue la soprano colorature la plus acclamée des années 1990 jusqu’à son retrait de la scène lyrique en 2013, où elle a continué son activité artistique sous forme de récitals ou dans des rôles vocalement peu exigeants. Comme celui-ci, où elle met toute sa verve irrésistible à nous faire aimer la marchande de Fleet Street, à laquelle elle donne un ton délicieusement surréaliste, comme dans le duo qui conclut le premier acte où ils discutent des qualités des viandes des différentes professions : « Que pensez-vous du Contre-Amiral ? Trop salé, je préfère le Général… ».

Le baryton Scott Hendricks incarne le barbier démoniaque avec retenue, laissant aux mots leur fort impact. Le rôle n’est pas particulièrement exigeant sur le plan vocal, mais la psychologie complexe du personnage requiert néanmoins une certaine variété d’expressions, que le chanteur texan résout efficacement. Plus adaptées à la comédie musicale sont les voix de Noah Harrison (Anthony) et de Cormac Diamond (Tobias), tous deux jeunes et parfaitement à l’aise tant sur le plan des exigences vocales que dans leur jeu d’acteur. Aux deux extrêmes de la gamme, on trouve les voix de Marie Oppert, fraîche et lyrique Johanna, et de la basse profonde Zachary Altman, vicieux juge Turpin. La mendiante et Pirelli sont les personnages les plus excessifs, parfaitement campés par Jasmine Roy et Paul Curievici. Le talentueux chœur du théâtre, dirigé par Hendrik Haas, forme avec ses individualités la foule grouillante de la ville. À la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Bassem Akiki rehausse la qualité symphonique d’une partition remarquable par son écriture, son efficacité dramatique et, enfin, l’accroche des chansons, dont la célèbre « Not while I’m around » qui, reprise par Mrs Lovett, après que Tobias l’ait chantée, prend une tonalité sinistre savamment construite par les nouvelles harmonies musicales.

Grand succès et rappels insistants du public, venu nombreux assister à la première. Six représentations supplémentaires auront lieu ici à Strasbourg, et deux autres à Mulhouse. Outre Berlin, le spectacle est produit avec l’Opéra d’Helsinki.

Per leggere questo articolo nella sua versione originale in italiano, cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Sweeney Todd : Scott Hendricks
Mrs. Nellie Lovett : Natalie Dessay
Anthony Hope : Noah Harrison
Johanna Barker : Marie Oppert, de la Comédie-Française
La Mendiante : Jasmine Roy
Tobias Ragg : Cormac Diamond
Judge Turpin : Zachary Altman
Adolfo Pirelli : Paul Curievici
Beadle Bamford : Glen Cunningham
Solistes de l’ensemble Camille Bauer, Dominic Burns, Sangbae Choï, Alysia Hanshaw, Bernadette Johns, Michał Karski, Pierre Romainville

Orchestre philharmonique de Strasbourg, dir. Bassem Akiki
Chœur de l’Opéra national du Rhin, dir. Hendrik Haas
Mise en scène : Barrie Kosky
Reprise de la mise en scène : Martha Jurowski
Décors, costumes : Katrin Lea Tag
Lumières : Olaf Freese

Le programme

Sweeney todd

Comédie musicale de Stephen Sondheim, paroles de Stephen Sondheim, livret de Hugh Wheeler, basé sur la pièce de Christopher Bond, créée au Uris Theatre de Broadway le 1er mars 1979.
Mise en scène originelle de Harold Prince.
Orchestrations de Jonathan Tunick.
Strasbourg, opéra national du Rhin, représentation du mardi 17 juin 2025.

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Natalie DessayBarrie KoskyScott HendricksPaul CurieviciBassem AkikiNoah HarrisonMarie OppertJasmine RoyCormac DiamondZachary Altman
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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