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LES ITALIENS À PARIS (4) : Rossini, Guillaume Tell (1829)

par Stéphane Lelièvre 3 juin 2021
par Stéphane Lelièvre 3 juin 2021
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Découvrez, dans cette nouvelle rubrique, un florilège d’opéras (du Siège de Corinthe à Don Carlos) composés par des musiciens italiens pour l’Opéra de Paris !

Rossini, Guillaume Tell (1829)

LA CREATION

La salle Le Peletier (par A. Provost, 1844)

L’œuvre est créée à l’Opéra de Paris (salle le Peletier) le 3 août 1829, après que Rossini, alors âgé de 37 ans, eut déclaré qu’il s’agirait là de son dernier opéra – ce en quoi il tint parole. La distribution réunie pour l’occasion, brillantissime, comportait plusieurs chanteurs ayant déjà triomphé dans Le Comte Ory, Moïse et Pharaon ou Le Siège de Corinthe : Henri-Bernard Dabadie dans le rôle-titre, Laure Cinti-Damoreau (Mathilde), Adolphe Nourrit (Arnold), Louise Zulme-Dabadie (Jemmy), Nicolas Prosper-Levasseur (Walter Furst). Alexandre Prévost tenait le rôle de Gessler. Si l’impact et la fortune de l’œuvre furent indéniables, le succès semble avoir été moins éclatant que ceux des autres opus parisiens du compositeur – suffisamment important cependant pour agacer Berlioz dont le mépris pour Rossini, ce « gros homme gai », trouva de nouveau matière à s’épancher ( « C’est un ouvrage qui a quelques beaux morceaux, qui n’est pas absurdement écrit, où il n’y a pas de crescendo et un peu moins de grosse caisse, voilà tout [1] » –, avant que le compositeur français ne se livre à une analyse détaillée de la partition pour la Gazette musicale de Paris en octobre 1834, dans laquelle il reconnaît plus d’une fois les nombreuses beautés de l’œuvre.

—————————————–

[1] Lettre à Humbert Ferrant, 21 août 1829.

Les chanteurs

Henri-Bernard Dabadie
Adolphe Nourrit
Laure Cinti-Damoreau
Louise-Zulme Dabadie
Nicolas Prosper Levasseur
Alexandre Prévost

Les décors et les costumes

Charles Chasselat, dessins préparatoires à la gravure : Guillaume Tell, décors de Cicéri (1829)
Les costumes de la création (Mathilde, Arnold, Walter )

LE LIVRET ET L’ARRIERE-PLAN HISTORIQUE

Le livret, signé Étienne de Jouy et Hippolyte Bis, prend appui sur le drame homonyme de Schiller (1804). Très lointainement cependant : quelques personnages sont conservés, moyennant parfois des modifications assez importantes de leur profil (Tell bien sûr, Arnold, Gessler) ; d’autres sont supprimés (Berta von Bruneck, Ulrich von Rudenz) ; d’autres encore sont créés par les librettistes (Mathilde). De l’histoire légendaire de Guillaume Tell sont conservées l’épreuve de la pomme imposée au personnage éponyme par le détestable gouverneur autrichien, et la libération de la Suisse du joug autrichien. S’ajoute à cet arrière-plan historique un drame humain : Arnold, le jeune héros qui contribuera à la libération de Tell emprisonné par Gessler – et donc à celle de la Suisse – est amoureux de la belle princesse autrichienne Mathilde de Habsbourg, sœur du tyran Gessler…

Friedrich von Schiller, Guillaume Tell, Acte III scène 3, traduction en vers de Jules Mülhauser, 1838 (l’épreuve de la pomme).

LA PARTITION

Il ne faut pas être étonné de la surprise que l’œuvre suscita à sa création et du demi-succès qu’elle remporta : elle ne correspond (presque) en rien à l’esthétique belcantiste qui, jusqu’alors, avait assuré la gloire  du compositeur. La virtuosité (sans être absente : écoutez le splendide duo entre Arnold et Mathilde à l’acte II : « Oui, vous l’arrachez à mon âme », ou la non moins splendide grande scène de Mathilde à l’acte III : « Pour notre amour, plus d’espérance »), n’est plus la caractéristique première de la musique. Ce qui marque avant tout, ce sont le soin extrême accordé à l’orchestration ; l’alternance d’airs à la coupe classique (la superbe romance de Mathilde « Sombres forêts ») avec d’autres de facture beaucoup plus libre (l’air de Tell « Sois immobile ») ; l’importance accordée à la déclamation ; ou encore l’élan irrésistible de grands ensembles : la dernière page de l’œuvre constitue tout simplement l’un des finales d’opéra les plus magistraux et les plus enthousiasmants jamais composés. Il va sans dire que la musique ne saurait distiller tout son charme que si elle ne subit pas d’incompréhensibles coupures qui la défigurent, comme c’est hélas toujours le cas – en tout cas en France, où absolument tous les da capo (quand ce ne sont pas certaines pages entières) passent systématiquement à la trappe. 

MIchael Spyres & Annick Massis : "Oui, vous l'arrachez à mon âme"
Carol Vaness - "Pour notre amour plus d'espérance"
Finale de Guillaume Tell (Thomas Hampson, Marcello Giordani, Hasmik Papian, Gaele Le Roi, Opéra Bastille 2003, dir. Bruno Campanella).

LA FORTUNE DE L’ŒUVRE

Guillaume Tell, de façon assez incompréhensible, ne s’est jamais vraiment imposé sur les scènes – la durée de l’œuvre (pas plus longue que certains Wagner ou Meyerbeer) n’étant évidemment pas un argument convaincant. En France, l’opéra a très vite été mutilé : de quatre actes, on passa rapidement à trois, avant que seul le second acte ne survive, joué le plus souvent entre deux ballets. Grâce à la version italienne (créée à Lucques un an après la création), l’œuvre retrouve un peu de popularité sans pour autant jamais devenir un pilier du répertoire. La fin du XXe siècle voit naître un regain d’intérêt pour la version originale française, hélas le plus souvent défigurée par de nombreuses coupures. Pourtant, en dépit d’un succès mitigé à la création, l’opéra fut assez populaire au XIXe siècle pour influencer directement d’autres compositeurs, modifier durablement l’esthétique de l’opéra français, et faire l’objet de citations ou de parodies.

  • Influence sur l’Opéra français :
    Plus encore que Le Siège de Corinthe ou Moïse, Guillaume Tell contribua à dessiner les contours du grand opéra historique.

  • Influence sur d’autres compositeurs :
    – Meyerbeer
    Le finale du second acte, où les conjurés jurent de libérer la Suisse du joug autrichien, inspirera à Meyerbeer la scène de la bénédiction des poignards dans Les Huguenots.

    – Verdi
     On a depuis longtemps relevé la parenté existant entre l’air de Tell (« Sois immobile ») avec celui de Rigoletto (« Miei signori, perdono »), deux airs portés par la voix plaintive d’un baryton, dont le chant est souligné par les arabesques du violoncelle.

Thomas Hampson, Guillaume Tell ("Sois immobile"), Paris, 2003, dir. Bruno Campanella.
Ludovic Tézier, Rigoletto, "Cortigiani, vil razza dannata... Miei signori..."

Mais comment ne pas entendre par ailleurs que l’air de Manrico au finale de l’Acte III du Trovatore est ni plus ni moins calqué sur la grande scène d’Arnold «Asile héréditaire » ? Dans les deux cas, les scènes commencent par un air lent aux accents lyriques (« Asile héréditaire » / « Ah si, ben mio ») ; s’ensuit une transition hautement dramatique (arrivée des conjurés / arrivée de Ruiz) débouchant sur une cabalette héroïque (« Amis, amis, secondez ma vengeance » / « Di quella pira ») dans laquelle les héros chantent leur détermination à aller sauver un prisonnier (le père d’Arnold / la mère de Manrico). Les deux airs s’achèvent selon un schéma strictement identique : accents martiaux chantés par un chœur exclusivement masculin, au-dessus duquel émerge la voix du ténor (« Trompons l’espérance homicide » / « Madre infelice, corro a salvarti, o teco almeno corro a morir! ») – du moins quand celui-ci veut bien se donner la peine de chanter cette phrase, ce qui n’est guère fréquent… Notons enfin que ces deux airs s’achèvent sur le même mot (« Aux armes ! » / « All’armi ! ») et sur un aigu triomphant, qui est en fait, dans les deux cas, une  puntatura !

Michael Spyres, Guillaume Tell, "Asile héréditaire"
Franco Corelli - Il Trovatore, "Ah, si ben mio. Di quella pira!"
  • Citations :
    Balzac évoque à plus d’une reprise l’opéra de Rossini dans La Comédie humaine : le Gazonal des Comédiens sans le savoir assiste à un représentation de Guillaume Tell ; dans  Béatrix, Camille Maupin chante le « Restez de Mathilde dans Guillaume Tell » ; dans La Cousine Bette, Hortense chante : « Wenceslas ! idole de mon âme ! au lieu de : Ô Mathilde… » ; et la cantatrice Josépha « se relèv[e] fière comme lorsqu’elle entr[e] en scène dans le rôle de Mathilde » ; etc.
  • Parodies :
    Offenbach parodie l’air d’Arnold dans La Princesse de Trébizonde (les Saltimbanques y chantent « Salut, baraque héréditaire ! ») mais aussi le trio « Quand l’Helvétie est un champ de supplices », qui devient, dans La Belle Hélène : « Lorsque la Grèce est un champ de carnage ») :
Guillaume Tell, "Quand l'Helvétie est un champ de supplices" (Gabriel Bacquier, Nicolai Gedda, Kolos Kovacs, dir. Lamberto Gardelli)
La Belle Hélène, "Lorsque la Grèce est un champ de carnage" (Michel Dens, Louis Masson, Jean-Christophe Benoît).
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RossiniGuillaume TellLes Italiens à Paris
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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