À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKY-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

CDMédiathèqueVu pour vous

CD – Schubert et Wolf : deux voyages romantiques de l’intime, avec BENJAMIN APPL

par Marc Dumont 22 août 2022
par Marc Dumont 22 août 2022
0 commentaires 2FacebookTwitterPinterestEmail
1,1K
Les artistes

1/ Franz Schubert,  Winterreise. 
Benjamin Appl, baryton. James Baillieu, piano.

2/ Hugo Wolf, Orchesterlieder. 
Benjamin Appl, baryton. Ienaer Philharmonie – Simon Gaudenz, direction.

Le programme

Die Winterreise

Cycle de 24 lieder pour piano et voix, composé par Franz Schubert en 1827 sur des poèmes de Wilhelm Müller.
1 CD Alpha. Enregistré en octobre 2021 dans l’église St Silas de Kentish Town, Londres (69:19)

Orchesterlieder et Penthesilea

Lieder et poème symphonique de Hugo Wolf.
1 CD CPO, mai 2022 (60:06)

Le baryton Benjamin Appl nous interpelle à deux reprises en quelques mois. Deux enregistrements où le romantisme se décline de son aurore (Schubert) jusqu’à son déclin (Wolf) avec une voix et des interprétations qui séduisent et nous transportent. Deux enregistrements complémentaires par leur thématique, à connaître absolument !

À quarante ans, Benjamin Appl est loin d’être inconnu, ayant déjà frayé avec les plus grandes scènes internationales, ayant enregistré de nombreuses mélodies de Schubert, Schumann ou Brahms, l’intégrale des lieder de Mendelssohn ou des cantates de Bach. Partout, sans cesse, une attention aux mots, au sens, à l’histoire que raconte un lied. L’influence de Dietrich Fischer-Dieskau s’entend (il fut son dernier élève dans les années 2009-2012), comme celle de Christian Gerhaher, avec qui il travailla. Sa voix, ductile, ample, profonde, alliée à un vrai sens de la scène, nous conduit vers des chemins réellement enchantés – et personnels. C’est le cas avec le choix subtil des mélodies avec orchestres de Wolf. C’est l’évidence avec la force de son interprétation très personnelle du Winterreise schubertien.

Une œuvre au noir

Il y a mille façon d’interpréter le Winterreise, cycle chéri des barytons. Des classiques, version Hans Hotter ou Dietrich-Fischer Dieskau, aux iconoclastes comme la récente déconstruction-réinterpretation versant pop par Oliver Welter (chant et guitare électrique) et Clara Frühstück au piano. Chaque chanteur s’approprie l’œuvre, l’éclaire ou la dissèque, la fouille au plus loin de sa passion comme le font, hallucinés, Peter Schreir et Sviatoslav Richter ou bien, autre ténor, Ian Bostridge au travers de son formidable et indispensable livre consacré au cycle schubertien, pur miroir de ses interprétations en concerts ou au disque.
Avec « son » voyage d’hiver, Benjamin Appl n’échappe pas à la personnification. C’est d’ailleurs exactement ce que l’on attend des poèmes de Wilhelm Müller mis en musique par Schubert : ce cycle s’adresse à chacun de nous et là, moins qu’ailleurs, le seul beau chant ne suffit pas. Ce n’est pas du tout le sujet.
Bien sûr, faire un sort à chaque mot, à chaque syllabe n’est pas l’apanage d’Appl. Il suffit de songer à Christian Gerhaher chantant Schubert ou tout autre répertoire avec un confondant sens du naturel. Avec Benjamin Appl, il en va autrement : il s’agit d’une caractérisation qui pourrait se définir comme expressionniste. Travail sur le mot, la syllabe  (voire un phonème, comme, parfois quelques « r »), mais aussi travail sur l’intention chantée ou cachée, soulignée ou suggérée : c’est un mélodrame que nous vivons, parfois à la limite du parlé-chanté, comme dans Die Krähe. Un conte glacé en vingt-quatre tableaux.

Tout commence dans une douceur, une pudeur, une retenue extrême, ourlées par le piano complice de James Baillieu. « Gute Nacht » donne le ton et le voyage commence, avec fougue et une inquiétude que la voix pianissimo rend palpable (Die Wetterfahne). Puis, Gefrorne Tränen nous fait entrer dans des contrées inquiétantes, celles des larmes gelées qui coulent sur le visage du voyageur. Ensuite, l’image figée d’Erstarrung prend des aspects fantomatiques, comme si l’ombre du Roi des Aulnes planait. La diction, les choix de Benjamin Appl se déploient et prennent tout leur sens, y compris dans quelques effets appuyés (Die Blumen sind erstorben, les fleurs sont mortes)
Tout au long du cycle, le baryton habite un personnage hanté, il adresse à l’auditeur un murmure (Der Lindenbaum), dessine un monde intérieur déchirant aux confins du silence, que le piano creuse encore, traversé par un cri (Wasserflut). Il avance, comme un somnambule dans l’univers glacé de Auf dem Flusse où son cœur saigne (son cri sur « Mein Herz » est déchirant). Là où Rückblick est impétueux, Irrlicht est mystérieux : « Tous les fleuves vont à la mer, toutes nos peines à la tombe. »
Rast est le reflet même d’une lassitude que la tempête ne parvient à soustraire de la présence de la mort. Frülingstraum , ce Rêve de printemps, est chanté comme un inaccessible, habité d’angoisse et d’amère solitude, ouvrant sur l’autre solitude implacable d’Eisamkeit.
Le chant d’espoir de Die Post semble bien fragile, comme happé par le doute en total contraste avec la mélodie joyeuse. Der Greise Kopf se fait moment suspendu, chanté en contraste avec le temps qui passe et fait vieillir à notre insu. 
Die Krähe est désincarné. Letzte Hoffnung retrouve le ton halluciné (décidément, quel accompagnement du complice James Baillieu !). Le texte y invite : « Je pleure sur la tombe de mon espérance ». Im Dorfe poursuit ce climat secret (« J’en ai fini avec tous les rêves… ») Bien sûr, Der stürmilsche Morgen trouve le baryton plus chantant, conquérant même. Pourtant, tout n’est qu’illusion (Täuschung : « L’illusion seule est ma récompense ») et revient le temps du chant amer avec Der Wegweiser et Das Wirtshaus où l’auberge n’est que le cimetière où le voyageur souhaite s’arrêter pour toujours.
Le courage le reprend violemment avec Mut : « Allons gaiement de par le monde », et Appl fait alors entendre des accents alla Fischer-Dieskau. Mais aussitôt revient l’ombre de la nuit qui hante les trois soleils de Die Nebensonnen. Alors, dépouillé, désolée, résonne la mélopée du joueur de vielle. « Der Leiermann » est murmuré sur le souffle, s’effaçant. Fin d’un voyage qui hante la nuit, voyage solitaire – où le piano de James Baillieu souple dans ses intentions, ductile, se faisant liquide ou violent, toujours en phase avec le baryton, est un confident subtil.

Certains pourront trouver que Benjamin Appl en fait beaucoup. Pourtant, ce serait une erreur de passer à côté de ce voyage si personnel, profond, attachant – bouleversant.

Confidences de solitudes

Avec Hugo Wolf, changement d’atmosphère. D’abord en raison du choix d’un bouquet d’œuvres avec accompagnement orchestral, celui distillé par la Philharmonie de Iéna. Une prise de son aérée, spacieuse, met en valeur le travail d’accompagnement de son chef attitré, Simon Gaudenz, qui porte et soutient Benjamin Appl avec une magnifique élégance poétique. La seconde partie de l’enregistrement, consacrée au poème symphonique Pentésilée, permet d’ailleurs à l’orchestre de Thuringe de déployer de vrais sortilèges musicaux dans l’unique œuvre pour orchestre du compositeur, souvent évoquée, rarement donnée. 

Mais avant cela, tout commence par le plus suave, le plus intérieur des lieder, Schlafendes Jesuskind, une confidence murmurée. Les couleurs de l’œuvre évoquent le Schumann des Scènes de Faust et d’emblée, la magie de la voix opère. Puis, c’est le lied Epiphanias, à la marche entêtante, aux rythmes variés, à l’humour enfantin, alors qu’Anakreons Grab est distillé sur un souffle. Avec Prometheus et son introduction musicale dramatique, le ton change. C’est un récit haletant, jeté au visage des dieux par le poème d’un Goethe exalté par l’écriture âpre de Wolf. Là plus qu’ailleurs se vit la lutte entre la divinité et le « moi » qui s’impose avec fureur. La tessiture est tendue dans l’aigu, révélant un léger manque de profondeur dans les graves. En contraste total suit alors An den Schlaf, une ode au sommeil captivante, d’une ineffable léthargie, aux couleurs mordorées tant à l’orchestre que dans la voix du baryton.
Tirées du Wilhelm Meister de Goethe, les trois Harfenspieler, visions du joueur de harpe, qui suivent nous happent à nouveau par cette orchestration diaphane, cette ligne de chant schumanienne, ce calme faussement serein. Le mystère plane, proche du silence, de l’angoisse qui flotte dans ce chant de solitude, abîmes d’un « cœur lourd », comme le note l’indication du premier chant.
Le temps s’est suspendu et reste évanescent avec Sterb’ ich, hymne à la mort (« Il me plait de mourir puisque je meurs pour toi ») comme avec la prière (Gebet) d’où un violon séraphique traduit l’aspiration chantée.
La confidence se referme avec un dernier lied, comme un hommage à Schubert tant par le thème du voyageur, Fussreise, que par le texte et l’instrumentation, avec une clarinette au commentaire aussi discret que subtilement espiègle. Là, le timbre subtil d’Appl se colore de nuances qui semblent, fugacement, rendre un pur hommage à Fischer-Dieskau. 

Ces moments sont rares et à surtout ne pas manquer !

Goethe-Lieder : No. 1, Harfenspieler I
image_printImprimer
0 commentaires 2 FacebookTwitterPinterestEmail
Marc Dumont

Passionné par l’Histoire et la Musique, Marc Dumont a présenté des centaines de concerts et animé de multiples émissions à Radio France de 1985 à 2014. Il se consacre à des conférences et animations, rédige actuellement un livre où Musiques et Histoire se croisent sans cesse, et propose des « Invitations aux Voyages », qui sont des rencontres autour de deux invités, en vidéo.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
LES RENCONTRES MUSICALES DE VÉZELAY
prochain post
La Passion selon Sedecia au Festival de La Chaise-Dieu

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025