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Orphée aux Enfers à l’Opéra de Tours –
Pour les fêtes, Offenbach, et Py c’est tout !

par Stéphane Lelièvre 30 décembre 2025
par Stéphane Lelièvre 30 décembre 2025

© Marie Petry

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Orphée aux Enfers, Opéra de Tours, lundi 29 décembre 2025

Un spectacle visuellement réjouissant et musicalement soigné : le public ne boude pas son plaisir à l’Opéra de Tours à l’occasion de la reprise d’Orphée aux Enfers dans la vision d’Olivier Py. 

Comme Jupiter : un spectacle qui fait mouche !

Pour clore l’année dans l’allégresse, l’Opéra de Tours a eu l’excellente idée de reprendre Orphée aux Enfers dans la mise en scène d’Olivier Py, déjà applaudie à Lausanne et à Toulouse. Annoncée comme la version de 1874 – l’opéra-féerie –, la soirée propose en réalité une version adaptée de cette mouture, mêlant pages emblématiques de la version tardive et coupures parfois discutables, mais sans trahir pour autant l’esprit d’Offenbach. On retrouve ainsi certains ajouts caractéristiques de l’opéra-féerie, comme les adieux d’Orphée à ses élèves à la fin du premier acte ou le rondeau de Mercure, tandis que d’autres pages ont été supprimées : le ballet des heures au deuxième acte, la scène des policemen ou encore le septuor du Tribunal au troisième acte. Ces choix n’entament toutefois pas la cohérence de l’ensemble et permettent une progression dramatique et musicale fluide.

La réussite du spectacle tient d’abord à la vision scénique d’Olivier Py. L’action est transposée au XIXᵉ siècle, avec au centre de l’intrigue un Jupiter / Napoléon III. L’idée n’est certes pas nouvelle – Jean-Louis Martinoty l’avait déjà exploitée au Palais Garnier en 1988 –, mais elle est ici développée avec une inventivité réjouissante. Dès le lever de rideau, l’univers propre au metteur en scène français s’impose sans ambiguïté : projecteurs tournés vers la salle, loges d’artistes visibles sur le plateau, miroirs cerclés d’ampoules, silhouettes de squelettes errant sur scène, hommes torses nus en pantalons noirs… Tout y est. Pour autant, Olivier Py évite certains excès auxquels il cède parfois, et c’est tant mieux : il préserve ainsi le fragile équilibre de l’esthétique offenbachienne, que la moindre exagération, un simple surlignage suffisent parfois à rompre. L’imagination est ici foisonnante, mais jamais envahissante, et l’humour ne verse ni dans le gratuit ni dans le n’importe quoi. Certaines trouvailles sont particulièrement bienvenues, comme l’utilisation de tableaux de Jérôme Bosch pour le décor du premier tableau, ou encore l’utilisation du « théâtre dans le théâtre », un procédé pourtant galvaudé mais qui trouve ici de beaux aboutissements, comme dans le rondeau des métamorphoses, où chaque transformation de Jupiter est illustrée par un couple de comédiens-danseurs évoluant sur une petite scène de théâtre intégrée au plateau. Parmi les moments les plus réussis, on retiendra l’amusant ballet des moutons accompagnant l’air d’Aristée – en dansant… et en bêlant ! –, ou encore la scène du squelette confident d’Eurydice au début du troisième acte.

Une belle troupe de chanteurs-comédiens, comme au temps d’Offenbach…

La distribution vocale et scénique contribue largement au succès de la soirée. L’ensemble de la troupe se distingue par une belle homogénéité et par une aisance évidente dans le jeu comique, preuve d’un vrai travail sur le texte et le jeu d’acteur. En Eurydice, on découvre Manon Lamaison, jeune soprano déjà remarquée dans des rôles tels que Suzanne, Mélisande, Pamina ou Marie (La Fille du régiment). Très à l’aise scéniquement et dans les dialogues, elle a semblé un peu sur la réserve vocalement : si le médium sonne rond et agréable, l’aigu et, d’une manière générale, l’émission vocale – un peu inégale – peuvent encore sans doute gagner en assurance. Peut-être était-elle un peu tendue en ce soir de première… Une artiste à suivre en tout cas. 
Matthias Vidal campe un Aristée-Pluton savoureux, diaboliquement à l’aise dans la scène où il vante les charmes de l’Olympe pour mieux flatter Jupiter. Son apparition en Aristée au premier acte, dans un costume irrésistible, est un joli moment de comédie ! En Orphée, Matthieu Justine – que l’on avait apprécié en Alfredo à Neuilly en mai 2024 – se montre vocalement tout à fait à son aise et scéniquement très drôle, notamment dans le duo de la dispute avec Eurydice au premier acte, affublé d’une perruque blonde délicieusement ridicule.
Le luxe de la distribution se confirme avec Jérôme Boutillier en Jupiter. Quelques jours après la disparition de Robert Massard, il est émouvant de réentendre ce chanteur qui apparaît plus que jamais comme un digne successeur de l’illustre baryton français (lequel ne dédaigna nullement le genre dit « léger » : voyez sa discographie !), tant par la noblesse de la projection que par la clarté exemplaire de l’articulation. Manifestement ravi d’incarner ce rôle, il en exploite toutes les ressources scéniques et musicales, même si Offenbach ne lui a hélas confié aucun air…
Les seconds rôles, nombreux, sont tous distribués avec un soin remarquable. Rodolphe Briand,  tout juste échappé de la production de Robinson Crusoé présentée par le TCE, incarne un John Styx très efficace, Marie Kalinin et Sandrine Buendia séduisent en Vénus et Minerve, Anaïs Constans impose une Diane de luxe, même si le rôle semble un peu étroit pour les beaux moyens de cette future Vitellia à Nice. Gabrielle Philiponet est un Cupidon délicieux, malgré la coupure regrettable de la reprise du refrain dans les couplets des baisers. Enguerrand de Hys ne fait qu’une bouchée des couplets de Mercure, dont le rythme haletant est presque aussi difficile à suivre que celui de l’air du Brésilien. Là encore, on espère retrouver bientôt ce bel artiste dans un rôle plus conséquent. Enfin, Adriana Bignani-Lesca est simplement irrésistible en Opinion publique, désopilante scéniquement et vocalement impressionnante par la profondeur de ses graves et la fermeté de ses aigus. La trouvaille finale, qui la voit céder au cancan endiablé, résume à merveille le propos satirique de l’œuvre : les pères ou mères-la-pudeur ne cachent-ils pas très souvent sous leur rigorisme de façade la frustration de ne pouvoir céder aux plaisirs auxquels ils voient les autres succomber ?

À la tête de l’Orchestre Symphonique Région Centre – Val de Loire / Tours, Marc Leroy-Calatayud, que nous avions applaudi à Genève dans un brillant Roméo et Juliette puis à Paris pour le Werther mis en scène par Christophe Loy, confirme son talent, cette fois-ci dans le genre bouffe : le jeune chef propose une direction équilibrée, respectueuse des chanteurs et du plateau, avec des tempi généralement justes et élégants. Contrairement à certaines lectures plus fébriles – on pense à Marc Minkowski qui, au-delà de ses grandes qualités, pressait parfois excessivement le tempo, par exemple dans le premier air d’Eurydice ou l’hymne à Bacchus –, il évite toute précipitation inutile. Les couplets d’Eurydice au dernier acte (« J’ai vu le dieu Bacchus ») retrouvent ainsi l’allure simple et élégante qui doit être la leur. Seul l’air d’Aristée, comme dans la version Minkowski, nous semble dirigé trop rapidement : pour illustrer musicalement les propos niais et lénifiants chantés par le faux berger, il faudrait à ces couplets une certaine « nonchalance pastorale » dont un tempo trop rapide les prive. Sous la baguette de ce jeune chef, l’Orchestre symphonique Région Centre – Val de Loire / Tours (qu’il faudrait vraiment songer à rebaptiser plus simplement…) se montre précis et enjoué, même si l’on aurait parfois souhaité davantage d’éclat dans certaines pages (les finales des différents actes, notamment). On a en tout cas pris connaissance avec une grande satisfaction de la nouvelle, applaudie par le public avant le lever de rideau, d’une pérennisation de cet orchestre avec la mise en place prochaine de CDI pour les musiciens : il était temps ! Le Chœur de l’Opéra de Tours offre une belle prestation, notamment dans l’hymne à Pluton au début du quatrième acte. Dommage cependant que les choristes aient été maintenus trop loin en coulisses pour le chœur « Anathème » de la fin du premier acte, privant la page de l’ampleur requise – et atténuant de ce fait son effet parodique de grand chœur d’opera seria.

"Vive le vin ! [ Vive le rire ! ] Vive Pluton ! / Et nargue du qu’en-dira-t-on ! »

La réussite du spectacle doit aussi beaucoup aux décors et costumes de Pierre-André Weitz, complice fidèle d’Olivier Py, ainsi qu’aux chorégraphies pleines de fantaisie d’Ivo Bauchiero, également responsable de la reprise de cette mise en scène. Mention spéciale pour le cancan final, exécuté avec un enthousiasme communicatif par l’ensemble de la troupe, solistes compris !

La réaction du public, qui semblait conquis d’avance et s’est montré très sincèrement enthousiaste, faisait plaisir à voir et à entendre. Rires francs aux bons mots de Crémieux et Halévy, battements de mains spontanés lors du galop infernal – avant même qu’il soit donné en bis : tout concourait à faire de cette soirée une véritable fête. Après Un Américain à Paris à Genève, La Chauve-Souris à Liège, Robinson Crusoé à Paris et avant La Périchole à Saint-Étienne, cette production confirme combien, en cette période de fin d’année – et sans doute au-delà… –, le public a besoin de rire et de s’amuser. Peut-être les salles lyriques ont-elles un peu tendance à l’oublier ? Au risque de nous répéter, rappelons qu’un pan entier de notre patrimoine musical (opérettes, opéras-bouffes, opéras-comiques) attend toujours d’être tiré du sommeil dans lequel il est plongé depuis bien trop longtemps…  

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Retrouvez Jérôme Boutillier en interview ici , et Mathias Vidal, là !

Les artistes

Orphée  : Matthieu Justine
Eurydice  : Manon Lamaison
Jupiter : Jérôme Boutillier
L’Opinion publique : Adriana Bignagni-Lesca
John Styx : Rodolphe Briand
Aristée / Pluton : Mathias Vidal
Vénus : Marie Kalinine
Diane : Anaïs Constans
Cupidon : Gabrielle Philiponet
Junon : Sonia Menen
Mercure : Enguerrand de Hys
Minerve : Sandrine Buendia
Mars : Laurent Deleuil
Rhadamante / 2ème policier : Yvan Sautejeau
Minos : Mickaël Chapeau
Vulcain / La Fortune : Yaxiang Lu
Neptune / Hercule : Vincent Billier
L’Huissier : Sylvain Bocquet

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, dir. Marc Leroy-Calatayud
Chœur de l’Opéra de Tours, dir. David Jackson
Les enfants de la Maîtrise populaire
Petits violonistes élèves du Conservatoire à Rayonnement Régional Francis Poulenc
Chef de Chant : Paul Coispeau
Mise en scène : Olivier Py
Création décors et costumes : Pierre-André Weitz
Création lumières : Bertrand Killy
Chorégraphie et reprise mise en scène : Ivo Bauchiero

Le programme

Orphée aux Enfers

Opéra-féerie en 4 actes de Jacques Offenbach, livret d’Henri Crémieux et Ludovic Halévy, créé au Théâtre de la Gaîté le 21 octobre 1858. Édition Heugel.
Opéra de Tours, représentation du lundi 29 décembre 2025.

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Matthieu JustineMarc Leroy-CalatayudRodolphe BriandManon LamaisonAdriana Bignagni-LescaMathias VidalJérôme BoutillierOlivier Py
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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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