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Caudillo ma non troppo : à Reims, un Barbier de Séville au cœur de l’Espagne franquiste  

par Nicolas Le Clerre 4 octobre 2025
par Nicolas Le Clerre 4 octobre 2025

Opéra de Reims - © Sébastien Gomes

Opéra de Reims - © Sébastien Gomes

Opéra de Reims - © Sébastien Gomes

Opéra de Reims - © Sébastien Gomes

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Le Barbier de Séville, Reims, 28 septembre 2025

Les bonnes idées sont comme les allumettes : elles ne peuvent servir qu’une fois. Deux ans après un spectacle liégeois plutôt réussi, l’Opéra de Reims s’essaye lui-aussi à la transposition du Barbier de Séville au cœur des tensions qui tiraillent la société espagnole aux tristes jours de la dictature franquiste. En dépit de choix dramaturgiques moyennement convaincants, on est séduit par l’allant musical et la jeunesse du spectacle.

Touche pas à mon barbier !

Il faut aimer inconditionnellement Rossini et le Barbier de Séville pour parvenir à le mettre en scène et c’est peut-être ce qui a manqué à Christophe Mirambeau pour réussir ce spectacle inaugural de la saison lyrique rémoise. S’il en trouve réellement les récitatifs « plats et ennuyeux », les gags « démodés » et la partition ponctuée de « tunnels musicaux » (propos extraits du programme de salle), que n’a-t-il passé son chemin ou proposé un autre titre pour ouvrir la saison rémoise ?

La suppression pure et simple de ces récitatifs et la réécriture de dialogues parlés en français, truffés de références à l’Espagne franquiste des années 1950, sont caractéristiquement de fausses bonnes idées qui, au prétexte de moderniser l’œuvre, la mutilent et lui assènent un sévère coup de vieux. Le procédé s’accompagne d’une brutale chute de tension à chaque fois que s’achève un morceau musical : le passage de l’italien au français et de la musique au dialogue parlé sonne creux dans la bouche de jeunes artistes qui, malgré leurs efforts pour faire vivre les répliques, jouent faux et de manière empesée alors que les récitatifs de Rossini sont malicieux et pétillants du champagne. Quitte à faire cohabiter opéra italien et théâtre en français, que n’est-on allé emprunter au texte originel de Beaumarchais ses répliques à la langue impeccable ?

Il n’en demeure pas moins que Christophe Mirambeau a d’indéniables talents de conteur et que son Barbero de Sevilla (Figaro tient boutique sous ce nom espagnol) recèle de trouvailles et d’images joliment travaillées qui accompagnent le spectateur longtemps après le tomber du rideau. Sur la base d’un simple praticable à plusieurs niveaux qu’elle habille de meubles en carton ou d’accessoires en deux dimensions, dans un esprit de cartoon, la scénographe Casilda Desazars réussit le pari d’évoquer l’intérieur cossu d’un apparatchik franquiste où l’on visite tour à tour la salle d’eau où Rosina chante sa cavatine du fond de sa baignoire, au milieu des bulles de savon, et le salon où trône le poste de télévision spécialement acheté pour ne surtout pas manquer la retransmission d’un discours du caudillo !

Pour que la transposition du propos dans les années 1950 soit tout à fait pertinente, on aurait apprécié que Basilio conserve son état ecclésiastique (c’eut été le moyen de dénoncer la manière dont l’Église catholique a été un coupable soutien du franquisme) et que soit davantage fouillée la relation entre Figaro et Almaviva. On devra ici se contenter d’un barbier d’origines gitanes, sans référence à ses engagements qu’on imagine républicains pendant la Guerre civile, et d’un comte un peu dandy, sapé comme un prince, qu’on supposerait rejeton d’une famille franquiste mais qui confesse, par allusion au détour d’une réplique, des engagements antifascistes au côté de Figaro. Pour donner une réelle épaisseur aux personnages, convenons que c’est un peu maigre.

Tout pour la musique

Si la dramaturgie du spectacle déçoit tant, c’est aussi parce que la fraîcheur du plateau et l’engagement des musiciens en fosse étaient suffisamment à la hauteur pour donner du Barbier une interprétation enthousiasmante.

On a déjà écrit dans les pages de Première loge tout le bien qu’on pensait de l’orchestre de l’Opéra de Reims capable de servir indifféremment, au cours des dernières saisons, le répertoire italien (Traviata, Tosca), Mozart (L’Enlèvement au sérail) et même la musique de Dvorak (Rusalka). Sous la direction jubilatoire et l’œil bienveillant de Sammy El Ghadab, la phalange rémoise pétille de santé et s’épanouit dans le crescendo rossinien en dépit d’un effectif assez réduit. Si, dans l’ouverture, les percussions peinent un peu à se caler sur les tempi endiablés du chef, l’ensemble des pupitres s’accordent néanmoins très vite et donnent à savourer un Barbier de bon aloi, gouleyant comme une cuvée de saignée.

Annoncé souffrant, le baryton costaricain Andres Cascante n’en laisse rien montrer et assume le rôle de Figaro avec un professionnalisme probablement appris sur les bancs de l’Académie Rossini de Pesaro. Aguerri au chant buffa et à la grammaire belcantiste, il délivre la cavatine du premier acte avec aplomb et assure ensuite toute la représentation en teintant son chant de malice et d’insolence. Andres Cascante est par ailleurs excellent guitariste : la manière dont il accompagne lui-même la sérénade d’Almaviva donne au spectacle une hispanité parfaitement idiomatique.

Iannis Gaussin chante encore un peu « vert » mais on est indiscutablement séduit par l’émail du timbre – idéal pour les rôles de tenorino rossinien – et la souplesse des appogiatures. Pour un chanteur débutant, l’exposition du personnage d’Almaviva dans la première demi-heure du spectacle est une gageure mais le jeune ténor alsacien réussit à conjurer le trac pour donner une existence crédible à son personnage de gandin élégant mais un peu old school avec sa moustache empruntée à Guy Williams. Il faut malgré tout beaucoup d’autodérision pour endosser, au second acte, la défroque de Luis Mariano et on est d’ores et déjà très curieux de retrouver Iannis Gaussin en prince Ramiro (Cenerentola) ou en Chanteur de Mexico.

La Rosina d’Eléonore Gagey gagnera à être remise sur le métier mais elle donne déjà à attendre un timbre à la pulpe généreuse et à la technique aguerrie. D’authentiques talents de comédienne lui permettent de porter les longs passages dialogués par le metteur en scène et de composer finalement un personnage piquant de féministe prête à remettre en cause la société machiste espagnole des années 1950.

Les comprimari Dominic Veilleux et Marion Vergez-Pascal n’appellent que les compliments et – en l’absence de chœur – assurent en partie la réussite du spectacle en joignant leurs voix aux solistes pour composer un octuor suffisamment étoffé et donner au final du premier acte la masse musicale nécessaire au crescendo rossinien. Le premier est un Fiorello malicieux, bien en voix, reconverti en chef de la police, tandis que la seconde, après sa participation à la production de Louise sur la scène aixoise cet été, trouve dans l’aria di sorbetto de Berta l’occasion de faire entendre des aigus faciles et un vrai tempérament de comédienne.

On sera plus réservé en revanche sur les interprètes de Basilio et Bartolo… La virtuosité rossinienne est la clé de l’air de la calomnie comme de « A un dottor della mia sorte » mais ni Philippe Brocard ni Christian Helmer ne nous ont convaincu ce soir de leurs affinités avec le bel canto. Le sens de la comédie de ces deux artistes réussit néanmoins à donner vie à leurs personnages et on aura plaisir à les réentendre dans un répertoire qui convienne mieux à leur vocalité actuelle.

La chaleur des applaudissements qui accueillent cette représentation de matinée et la présence de nombreux enfants dans le public attestent que l’Opéra de Reims continue patiemment – et non sans succès – son travail de pédagogie musicale et de vulgarisation du répertoire lyrique. Comment ne pas le soutenir dans cette démarche ?

Les artistes

Il conte d’Almaviva : Iannis Gaussi
Don Bartolo : Christian Helmer
Rosina : Eléonore Gagey
Figaro : Andres Cascante
Don Basilio : Philippe Brocard
Berta : Marion Vergez-Pascal
Fiorello : Dominic Veilleux
Ambrogio : Charles Fraisse

Orchestre de l’Opéra de Reims, dir. Sammy El Ghadab
Mise en scène et dialogues : Christophe Mirambeau
Assistant à la mise en scène : Maxime Le Gall
Scénographie : Casilda Desazars
Costumes : Daniella Telle et Julia Brochier
Maquillages et coiffures : Virginie Seffar
Lumières : Flore Marvaud
Assistante lumières : Julie Bardin
Chef de chant : Etienne Jacquet

Le programme

Il barbiere di Siviglia

Opéra-bouffe de Gioachino Rossini, livret de Cesare Sterbini d’après Le Barbier de Séville de Pierre Caron de Beaumarchais, créé le 20 février 1816 au Teatro Argentina, à Rome.
Opéra de Reims, représentation du dimanche 28 septembre 2025.

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Sammy El GhadabDominic VeilleuxEléonore GageyIannis GaussinMarion Vergez-PascalAndres Cascantesoprano
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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